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Enquête

SUR INTERNET, DIRECTIONS ET SYNDICATS SONT DÉPASSÉS

Enquête | publié le : 26.06.2012 | E. F.

Face aux attaques de salariés s’exprimant à titre personnel sur la Toile, les directions sont inhibées. Elles fourbissent cependant leurs outils pour répliquer. Les syndicats sont également dépassés par les mobilisations spontanées via les réseaux sociaux.

Sur Internet, les syndicats disposent d’une liberté presque totale. Le droit sur la diffamation et la confidentialité s’y applique mais, dans les faits, « il est très difficile de faire fermer un blog », constate Maud Dégruel, directrice de projet à Entreprise & Personnel, et animatrice d’un groupe de travail sur « le travail à l’ère 2.0 ».

Sud RATP et la CFDT de Dassault Aviation reconnaissent avoir abusé de cette liberté au début, le premier en mettant en ligne beaucoup de documents internes, la seconde en diffusant un document confidentiel susceptible d’influer sur le cours de bourse, mais les deux syndicats se sont depuis réformés. « J’admets que nous avons commis une erreur, déclare Raymond Ducrest, de la CFDT à Dassault Aviation. Nous en avons profité pour dire à la direction que, si cette information avait été diffusable en interne, nous n’aurions pas eu à la diffuser sur Internet ; c’est ainsi que la négociation sur l’intranet syndical a démarré. »

Les syndicats paraissent bien s’autoréguler sur Internet ; du moins font-ils attention à ne pas diffuser d’informations susceptibles de pénaliser l’entreprise dans son métier. En revanche, il arrive qu’individuellement, des militants et des salariés manquent de discipline. « Ce ne sont pas forcément les syndicats qui s’affranchissent des règles, mais plutôt de jeunes salariés avec des présupposés politiques », constate Thierry Heurteaux, consultant en relations sociales, associé au cabinet Pactes Conseil. Bien que la jurisprudence naissante converge pour dire qu’il n’y a pas d’impunité pour des propos tenus sur Internet par un salarié (Facebook en l’espèce), y compris s’il détient des mandats syndicaux (tribunal correctionnel de Paris, chambre de la presse, 17 janvier 2012), les entreprises sont « inhibées : elles osent rarement aller devant le juge », selon Thierry Heurteaux. Une des réponses possibles, qu’il a déjà pratiquée, est le groupe de travail, « pour faire comprendre aux salariés qu’ils ne peuvent pas, par exemple, dénigrer leur employeur sur leur page Facebook », suivie d’une mise au point des managers auprès des salariés, complétée par une charte d’utilisation de l’Internet à l’usage de ces derniers. Celles-ci se développent ; la RATP est en train d’élaborer la sienne. Dans cette entreprise, dont les salariés sont fiers et dont ils se sentent les ambassadeurs, selon un baromètre interne, l’idée est d’éviter qu’ils ne soient piégés par leurs bonnes intentions, par exemple en allant débattre avec des “trolls”, ces internautes dont l’unique objectif et de pourrir la discussion.

Alertés par SMS

Il arrive que les appareils syndicaux soient également dépassés par leur base sur Internet et sur les réseaux sociaux. Fin avril, alertés par SMS, des policiers ont spontanément manifesté contre leurs conditions de travail après la mise en examen de l’un d’eux. Leurs syndicats ont été mis devant le fait accompli. Philippe Touzet, délégué central de Sud RATP, fait état de la circulation par SMS de la nouvelle de l’agression d’un conducteur de bus début mai. L’information, « d’ailleurs un peu fausse », n’émanait pas des syndicats.

Fin 2011, une caissière d’un magasin Cora situé en Moselle, et représentante CGT, est convoquée en vue d’un licenciement pour « vol » d’un ticket de réduction. Le journal Le Républicain lorrain publie l’information, qui est reprise sur le site de L’Express, puis sur Twitter où elle fait boule de neige ; la direction abandonne alors la procédure de licenciement ; tout cela en une journée. La CGT ne réagit que le lendemain. Analyse de Vincent Berthelot, chargé du projet intranet syndical à l’observatoire social de la RATP : « Les syndicats ne pourront plus être simplement les défenseurs de la ligne officielle, ils devront rester connectés au terrain. »

Auteur

  • E. F.