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« Se sentir intégré dans un collectif est un puissant levier de motivation »

Enjeux | publié le : 26.06.2012 | ÉRIC DELON

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« Se sentir intégré dans un collectif est un puissant levier de motivation »

Crédit photo ÉRIC DELON

Quelle que soit sa forme, matérielle ou non, la reconnaissance représente un élément essentiel dans la gestion des ressources humaines. À condition d’encourager les relations interpersonnelles, de renouveler les pratiques managériales et de jouer le jeu de la transparence.

E & C : Vous venez de réaliser deux études consacrées à la reconnaissance. L’une – qualitative – auprès de dirigeants et DRH de 40 entreprises de la région Centre, l’autre – quantitative – auprès de 230 salariés, employés et cadres. Quels en sont les enseignements ?

Franck Brillet : Les deux enquêtes tentaient de déterminer quels étaient les principaux besoins, attentes et pratiques en matière de reconnaissance tant du côté des entreprises que des salariés. Dans les 2 cas, cette dernière est apparue comme un phénomène primordial. Si les dirigeants des petites entreprises préfèrent une reconnaissance individualisée et informelle, les grandes organisations privilégient une approche plus formalisée, les acteurs concernés exprimant plus facilement leurs attentes en la matière.

La reconnaissance apparaît comme un levier important de management pour les jeunes qui se déclarent plus engagés et impliqués lorsqu’ils sont reconnus ou que leur travail est reconnu. Si la reconnaissance matérielle – rémunération, primes… – est incontournable, sa dimension non-matérielle est considérée comme essentielle parmi les salariés – réunions, remerciements, discussions informelles, etc. – et ce, à travers des pratiques de travail et des situations professionnelles vécues au jour le jour – groupe de résolution de problèmes, échanges de pratiques, groupe qualité, tutorat, mentorat, etc. –, mais qui peuvent aussi relever du symbole – médailles et récompenses, challenges et olympiades, etc.

E & C : À l’aune de vos deux enquêtes, comment définissez-vous la reconnaissance ?

F. B. : La reconnaissance au travail est l’ensemble des éléments de valorisation du travail des salariés à l’intérieur de l’organisation. Elle est à la fois collective et individuelle, formalisée et non formalisée, matérielle et non matérielle. Ceci renvoie au caractère polysémique de la notion, à la nécessité d’éprouver le sentiment de “compter”, d’être remarqué, pris en considération, estimé. Un salarié a besoin d’être considéré en tant qu’individu et en tant qu’être humain sur 4 dimensions : sa personnalité, ses qualités, ses attentes, son savoir-être. Il a besoin de sentir que ses attentes sont prises en compte et qu’il est utile au collectif de travail et à l’entreprise. On peut parler de reconnaissance professionnelle et de reconnaissance sociale.

E & C : Quels sont les enjeux internes et externes de la reconnaissance ?

F. B. : La quête de reconnaissance est une demande généralisée dans la société comme dans les entreprises. Les enjeux tournent autour de la mobilisation des personnels et des objectifs de performance, et sont de différents ordres. Stratégiques, tout d’abord. Les moyens de reconnaissance permettraient de mieux attirer certaines compétences, de les fidéliser et donc de disposer des meilleurs éléments au sein d’une entreprise. Les enjeux sont également économiques et sociaux : la reconnaissance améliorerait la motivation, l’implication et l’engagement des salariés dans les projets de l’entreprise, limitant ainsi les risques d’intention de départ de certains collaborateurs dont elle a besoin. Elle permettrait à des organisations soumises à des contraintes budgétaires fortes, ou disposant de moyens financiers moindres, de trouver des leviers de management des hommes et des équipes.

E & C : Quels sont les principaux leviers de la reconnaissance ?

F. B. : Ils sont doubles. D’une part, encourager les relations interpersonnelles. D’autre part, favoriser un renouvellement des pratiques managériales et des styles de leadership en s’appuyant sur 2 éléments fondamentaux : le lien social et la confiance réciproque. La pratique d’un management “bienveillant”, c’est-à-dire savoir tenir compte des intérêts de l’autre dans la prise de décision, est une dimension essentielle… À ce titre, les réunions régulières et ponctuelles, les entretiens d’écoute et approfondis, la stimulation de moments d’échanges et de partage sont des éléments à privilégier et constituent de véritables leviers de reconnaissance. Les entreprises ont tout intérêt à s’appuyer sur leur propre culture tout en renforçant cette dernière grâce à la valorisation de l’individu dans le collectif. Cette intégration dans un collectif représente un levier puissant de motivation pour toutes les personnes interrogées dans notre enquête. L’une des valeurs clés, sur laquelle repose l’utilisation des modes de reconnaissance, est très certainement la volonté de justice sociale et d’équité. L’organisation de repas annuels, de voyages d’entreprise, la création de clubs sportifs ou la mise en œuvre d’activités centrées sur des passions communes font figure de leviers possibles pour renforcer cette culture.

E & C : En matière de reconnaissance, quelles sont les erreurs à ne pas commettre ?

F. B. : Il est essentiel de ne pas considérer que les modes de reconnaissance représentent une technique de rétribution du type “carotte-bâton” sous peine de voir se creuser un fossé entre des salariés qui seraient reconnus et les autres. La reconnaissance doit concerner tout le monde, même si les formes qu’elle emprunte peuvent être différentes. Les managers doivent envisager la relation d’emploi non pas seulement comme un lien de subordination entre un employeur et un salarié, mais comme un échange social s’inscrivant dans un contrat psychologique passé entre ces mêmes individus.

Outre la nécessité d’instaurer de la transparence dans sa politique de reconnaissance, l’entreprise doit veiller à ce que les modalités choisies représentent à la fois une “valeur marchande” pour les individus mais aussi une “valeur symbolique” en prenant en compte, notamment, le contexte et les efforts ressentis – don/contre-don. La difficulté, bien souvent, consiste à établir une distinction entre le don et le dû… Enfin, il importe, bien entendu, de ne pas concurrencer dans les pratiques de reconnaissance les offres des partenaires sociaux, comme les œuvres sociales du comité d’entreprise par exemple.

SON PARCOURS

• Franck Brillet, professeur à l’IAE de Tours, dirige le master management stratégique des ressources humaines et performance durable.

• Ses domaines de recherches portent entre autres sur le management des RH et notamment sur les dispositifs de GPEC, les problématiques de prospective des métiers, de transfert de compétences et de management intergénérationnel.

• Il est coauteur, avec C. Bareil et É. Brulé, du Management du changement (Vuibert, 2010) et a participé à l’ouvrage collectif Comités exécutifs. Voyage au cœur de la dirigeance (Éditions d’organisation, 2007).

SES LECTURES

• L’Encyclopédie des diversités, Jean-Marie Peretti, EMS éditions, 2012.

• La Rationalité managériale en recherches, F. Bournois et V. Chanut, Eska éditions, 2010.

• Pourquoi j’irais travailler, E. Albert, F. Bournois, J. Duval-Hamel, J. Rojot, S. Roussillon, R. Sainsaulieu, Éditions d’organisation, 2003.

Auteur

  • ÉRIC DELON