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Le médecin du travail devient un manager de la santé en entreprise

Actualités | publié le : 26.06.2012 | VIRGINIE LEBLANC

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Le médecin du travail devient un manager de la santé en entreprise

Crédit photo VIRGINIE LEBLANC

Le 1er juillet, deux décrets d’application de la loi du 20 juillet 2011 sur la réforme de la médecine du travail entrent en vigueur. Le médecin du travail devient le coordinateur d’une équipe pluridisciplinaire.

« Le médecin du travail devient le véritable manager d’une équipe pluridisciplinaire comprenant des intervenants en prévention des risques professionnels, des infirmiers, et éventuellement, des assistants et des professionnels recrutés sur la base de ses avis, explique Jean-Michel Lattes, maître de conférences en droit privé à l’université de Toulouse 1. Il ne s’agit plus du praticien solitaire de 1946, figure emblématique jusqu’ici de la santé au travail. » La loi du 20 juillet 2011, dont les décrets d’application prennent effet le 1er juillet, donne au médecin du travail un nouveau statut et instaure de nouvelles compétences.

Préconisations écrites

En plus des examens médicaux, il conduit des actions sur le milieu de travail, désormais en coordination avec l’équipe (dans les services interentreprises) et avec l’employeur et les autres acteurs de l’entreprise (dans les services autonomes). Certaines de ses activités peuvent être confiées aux membres de l’équipe pluridisciplinaire, dans le cadre de protocoles écrits. Autre modification importante, le médecin du travail qui constate un risque pour la santé des salariés au sein de l’entreprise doit proposer par écrit les mesures à prendre, et l’employeur doit s’y conformer ou le contester par écrit. « Ce qui auparavant se réalisait pour des mesures individuelles va s’étendre aux préconisations collectives », souligne Sophie Fantoni, médecin du travail. La réforme définit aussi les objectifs des différents examens individuels périodiques et leur fréquence – 24 mois ou plus, sous réserve d’un agrément du service –, ainsi que de la mise en place d’entretiens infirmiers et d’actions pluridisciplinaires annuelles. Une liste de salariés bénéficiant d’une surveillance médicale renforcée est établie.

Recrutement d’infirmiers

Face à la pénurie croissante de ces professionnels de santé – on compte 6 435 médecins du travail en équivalent temps plein et plus de la moitié d’entre eux ont plus de 55 ans –, certains services avaient déjà commencé à anticiper le mouvement vers la pluridisciplinarité (lire l’encadré Eure-et-Loir). « Les intervenants en prévention des risques professionnels (IPRP) avaient déjà lentement intégré les services interentreprises, rappelle Anne Barrier, présidente de l’association groupement des infirmier(e)s du travail (GIT). Et depuis 2007, les infirmières viennent renforcer les équipes des services de santé au travail. Dans un contexte d’explosion des effectifs de salariés attribués aux médecins, ceux-ci sont contraints de prioriser leurs actions en fonction du temps disponible, au détriment de la conception qu’ils se font d’un travail de qualité. On constate une demande très importante de recrutement d’infirmiers dans les grands groupes et dans les services interentreprises. »

Pour Louis-Marie Hardy, directeur général du Pôle santé travail métropole Nord (Lille), la loi de 2011 et ses décrets sont venus valider ce qui se mettait en place sur le terrain : « Ce pôle nordiste est issu de la fusion, il y a deux ans, de six associations et suit aujourd’hui 31 000 entreprises adhérentes pour 450 000 salariés, avec 180 médecins, 21 infirmières, 45 assistantes et 12 IPRP. Les infirmières doivent s’engager à suivre une formation, et nous en avons initiées avec l’université de Lille 2. Chez nous, les assistantes en santé au travail peuvent sensibiliser les entreprises, les aider à préparer la fiche d’entreprise, en lien avec le document unique. Cela permet aux médecins et aux équipes de retranscrire les risques. » Et les recrutements d’infirmières se poursuivent. Au total, 30 d’entre elles travailleront pour la structure d’ici à la fin de l’année.

Vers des actions plus utiles

« La réforme va permettre au médecin de réaliser des actions plus utiles, estime Jean-François Gehanno, secrétaire général de la Société française de médecine du travail et médecin du travail à Rouen. Il n’a jamais été prouvé que la visite annuelle de personnes en bonne santé servait à quelque chose. Toutefois, certains salariés ont besoin d’être vus plus régulièrement et il faut tout faire pour les recevoir. »

Une étude sur la pluridisciplinarité lancée dans le Nord-Pas-de-Calais

Les médecins vivent la pluridisciplinarité comme une nécessité, mais ils sont peu confiants dans l’avenir de leur profession. Les infirmiers expriment des attentes en termes de soutien et de transferts de connaissances de la part des médecins du travail ainsi qu’un besoin de reconnaissance. Il apparaît aussi que les médecins sont à la fois débordés par le nombre de visites qu’ils doivent assumer, et qu’ils sont insatisfaits lorsqu’ils s’éloignent de leur mission de prévention primaire exercée au travers du tiers-temps. Ils pourraient davantage déléguer mais craignent que l’on touche à leur expertise médicale.

Tels sont les résultats d’une enquête auprès de 138 médecins, 47 infirmiers, 72 conseillers prévention et 23 IPRP du Nord-Pas de Calais. Réalisée par un collectif de professionnels de la santé*, elle sera menée sur trois ans, la première phase venant de s’achever.

* Étude réalisée en partenariat avec l’université Lille Nord de France, la Maison européenne des sciences de l’homme et de la société (MESHS), l’AINF (Association interprofessionnelle de France pour la prévention des risques et la promotion de la sécurité et de la santé au travail), le conseil régional Nord-Pas-de-Calais et l’ISTNF (Institut de santé au travail du Nord de la France). Elle est coordonnée par Julien Kubiak, ingénieur d’étude à la MESHS.

Auteur

  • VIRGINIE LEBLANC