Décrocher un CDI n’est pas une sinécure et, dans les groupes de jeunes (les moins de 35 ans), cela alimente amplement si ce n’est les conversations – un sujet si décevant ne mérite pas qu’on s’y éternise – au moins les soupirs désabusés. Peu de gens pourtant se risquent à dénoncer l’insoutenable parcours du combattant vers un emploi. Celui qui permet enfin de ne plus habiter chez ses parents, de faire des projets et de donner consistance à une vie adulte, qui ne soit plus une succession de petits jobs et de longues galères.

Après avoir fait leurs preuves à l’école, au cours de multiples stages pas forcément simples à dénicher, les juniors ont comme seule opportunité une fenêtre étroite de quelques années avant de devenir d’indésirables seniors pour l’entreprise. L’angoisse de la précarité et surtout la nécessité de se vendre auprès d’hypothétiques employeurs comme un quelconque produit a de quoi désamorcer l’enthousiasme le mieux trempé de personnes qui se cherchent (forcément), faute de ce précieux sésame identitaire que constitue un statut professionnel.

Jonathan Curiel, 30 ans, diplômé de l’Essec et titulaire d’un master de Sciences po, raconte les CV envoyés au petit bonheur, les rendez-vous qui n’aboutissent pas, l’inquiétude des parents, la déprime, jusqu’à la décision… de reprendre des études pour ajouter une ligne à ce précieux curriculum, qui constitue aujourd’hui l’alpha et l’oméga d’un destin de salarié. Une lecture à conseiller aux recruteurs de tout poil, qui ont tendance à se prendre la grosse tête parce qu’ils sont du bon côté du manche, mais aussi aux candidats à l’emploi à durée indéterminée qui se sentiront moins seuls. Effet cathartique garanti !

Génération CV

Jonathan Curiel, Fayard, 320 pages, 19 euros.