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Avantages catégoriels : une insécurité juridique ?

Enjeux | LA CHRONIQUE JURIDIQUE D’AVOSIAL | publié le : 12.06.2012 |

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Avantages catégoriels : une insécurité juridique ?

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Par plusieurs décisions du 28 mars 2012, la Cour de cassation a relancé le débat sur les avantages catégoriels prévus par l’édifice conventionnel. Dans un contexte particulièrement haletant, la haute juridiction s’est contentée, au risque de décevoir, de rappeler les principes déjà établis.

L’égalité de traitement, érigée en principe fondamental en matière de rémunération dans l’arrêt Ponsolle du 29 octobre 1996(1), a été étendue à l’ensemble des avantages susceptibles d’être accordés aux salariés. Longtemps admis, les avantages conventionnels accordés aux cadres, alors justifiés par la charge du travail et le dévouement professionnel, ont été remis en cause sur le fondement du principe d’égalité de traitement.

Par un arrêt du 1er juillet 2009, la Cour a précisé qu’un accord collectif ne peut réserver un avantage à certains salariés au motif qu’ils relèvent de la catégorie professionnelle des cadres(2). Selon la Cour, toute différence de traitement, quelle qu’en soit la source, doit reposer sur une raison objective et pertinente. Cet arrêt remettait en cause la plupart des conventions collectives de branche contenant des stipulations propres à chaque catégorie, sans que les différences établies ne soient justifiées autrement que par l’appartenance à une catégorie.

Les vives réactions suscitées par cette décision, dont certains ont prédit qu’elle allait remettre en cause notre socle conventionnel, ont conduit la Cour à approfondir sa réflexion dans les arrêts du 8 juin 2011(3). L’octroi d’avantages catégoriels issus des conventions collectives et la différence de traitement en résultant peut être justifiée par une différence de catégorie professionnelle, dès lors qu’elle a pour but de prendre en compte notamment les spécificités des conditions d’exercice des fonctions, l’évolution de carrière ou les modalités de rémunération.

C’est dans ce contexte que la Cour, ardemment attendue sur la question, s’en est cependant tenue, dans quatre arrêts du 28 mars 2012, à l’analyse figurant dans ses arrêts de juin 2008 déclinée selon les sujets posés : supplément de congés payés(4), indemnité conventionnelle de licenciement(5), indemnités de préavis et de licenciement(6).

Dans un des arrêts(7), la Cour suggère que la pratique d’un forfait-jours pour les cadres justifierait le bénéfice de jours de congés supplémentaires conventionnels : un système de rémunération tenant compte des contraintes particulières des cadres ou de la réalisation des objectifs qui leur sont assignés n’est pas exclusif de l’octroi d’un repos prenant en compte leur degré d’autonomie et de responsabilité.

Dans une autre affaire, les salariés non cadres licenciés dans le cadre d’un PSE avaient obtenu de la cour d’appel la condamnation de l’employeur au paiement d’un rappel d’indemnité conventionnelle de licenciement calculée selon les règles applicables aux cadres dans la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie : censure de la Cour de cassation, qui estime que les juges du fond n’ont pas recherché si la différence de traitement résultant de cette disposition n’avait pas pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de la catégorie des cadres par rapport aux non-cadres. Dans ces quatre affaires, la Cour suprême a préféré renvoyer les parties devant une cour d’appel afin que cette dernière procède au contrôle de justification de la différence de traitement à la lumière des indications fournies par la Cour de cassation au cas par cas, selon les sujets posés.

On peut donc légitimement regretter que la Cour de cassation ne se prononce pas de manière plus explicite sur le point de savoir si l’avantage catégoriel est justifié ou non, préférant exiger des juges du fond un contrôle afin qu’ils recherchent si la différence de traitement n’a pas pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de la situation des salariés relevant d’une catégorie déterminée.

Partant, nous appelons de nos vœux la Cour Suprême à se prononcer sur la question, en mettant fin à l’incertitude qui pèse sur les avantages catégoriels et qui constitue un frein à la négociation collective en augmentant l’insécurité juridique.

Caroline Dirat, avocate au cabinet Ernst & Young, membre d’Avosial, le syndicat des avocats en droit social

(1) Cass. Soc. 29 oct. 1996, n° 92-43680.

(2) Cass. Soc. 1er juillet 2009, n° 07-42675, Pain c/DHL Express.

(3) Cass. Soc. 8 juin 2011, n° 10-14725 ; Cass. Soc. 8 juin 2011, n° 10-11933.

(4) Cass. Soc. 28 mars 2012, n° 11-12043, Sté DHL Express c./Pain.

(5) Cass. Soc., 28 mars 2012, n° 11-30034, SAS Salzgitter Mannesmann c./Yousfi et autres.

(6) Cass. Soc., 28 mars 2012, n° 10-28670, SAS Chevallier Sud c/Larbi Benaouda-Chaht et autres ; Cass. Soc., 28 mars 2012, n° 11-11307, Morissette c./SAS UGC Ciné.

(7) Cass. Soc. 28 mars 2012, n° 11-12043, Sté DHL Express c./Pain.