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Les salariés étrangers ne sont plus laissés pour compte

Pratiques | publié le : 05.06.2012 | AURORE DOHY

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Les salariés étrangers ne sont plus laissés pour compte

Crédit photo AURORE DOHY

Afin de préserver l’équité entre leurs salariés, certaines entreprises françaises internationalisées font le choix d’élargir le bénéfice de l’intéressement et de l’actionnariat salarié à leurs collaborateurs

Devinette : dans une multinationale française, un Français, un Néerlandais et un Singapourien travaillent sur le même projet. Qui verra la couleur de la valeur ajoutée qu’ils auront ensemble générée ? Le seul Français, par l’intermédiaire des dispositifs réglementaires de participation et d’intéressement dont la France est un des rares pays – si ce n’est l’unique pour la participation – à être doté ?

S’il se reproduit encore fréquemment, ce scénario devient trop simple. « Pour un salarié français, les montants perçus au titre de la participation et de l’intéressement peuvent être conséquents, relève Sofia Kettani, en charge des questions de rémunération chez Towers Watson. Dans les groupes internationaux, la question de l’équité entre les salariés des différents pays au regard du partage de la valeur ajoutée est de plus en plus prise au sérieux, et des dispositifs de substitution voient le jour. »

Des précurseurs

Quelques entreprises du CAC 40, telles que L’Oréal en 2011 – 45 000 salariés concernés aujourd’hui dans 62 pays – ou Renault en 2009, ont étendu le champ des bénéfices de leur système d’intéressement à leurs filiales étrangères. « Afin d’assurer une équité de traitement entre leurs salariés, certains groupes mettent en place à l’étranger, sur un mode allégé, un dispositif inspiré de leur accord d’intéressement français, confirme Jean-Pierre Magot, responsable de la rémunération des salariés chez Mercer. Si certains groupes ont franchi le pas depuis plusieurs années, le mouvement commence à prendre une réelle ampleur. »

Un dispositif mondial

Entreprise spécialisée dans les transmissions hydrauliques pour les engins mobiles, Poclain Hydraulics – dont les deux tiers des 1 750 collaborateurs travaillent à l’étranger – fait partie des pionniers avec son group profit sharing, un système d’intéressement mondial, effectif depuis une dizaine d’années. « Toutes les multinationales ne peuvent pas se targuer de disposer d’un tel outil, se félicite Alain Everbecq, le DRH. Il faut dire que nous souffrons d’une sévère pénurie de compétences pointues, en particulier à l’étranger ! »

Afin de déployer le dispositif à l’identique partout dans le monde, Poclain Hydraulics a mis en place une “charte chapeau” qui définit les critères – exclusivement mondiaux – de l’intéressement (résultats groupe assortis d’un critères de qualité) générant le versement de l’intéressement. S’y rattache chacune de ses 23 filiales, que l’intéressement fasse ou non par la suite l’objet d’un accord paritaire comme en France et en Slovénie – pays dont la législation intègre depuis 2006 un système d’intéressement calqué sur le modèle français. Les montants versés dans ce cadre sont aujourd’hui plafonnés à 10,5 % de la masse salariale – après quelques années de disette due à la crise, ce plafond vient d’ailleurs d’être versé en mai 2012, eu égard aux résultats 2011.

Chaque filiale reçoit une enveloppe correspondant à sa masse salariale, à charge pour elle de répartir les sommes proportionnellement aux salaires, part variable comprise, après avoir défalqué les diverses charges qui lui incombent, en fonction de la réglementation sociale et fiscale de son pays. « Il n’y a donc aucun coût caché, chaque filiale se débrouillant avec le montant qui lui est alloué », précise Alain Everbecq.

Les salariés français de Poclain Hydraulics, dont la prime d’intéressement bénéficie d’un régime social et fiscal avantageux, restent-ils “fatalement” favorisés par rapport à leurs collègues étrangers, qui voient la même prime assimilée à du salaire ? « Dans la pratique, pas nécessairement, relève Alain Everbecq. N’oublions pas qu’un nombre important de pays à travers le monde sont assujettis à un niveau de charges relativement faible : 18 % seulement au Japon, par exemple. Entre la CSG, la CRDS et le forfait social – 8 % aujourd’hui –, l’intéressement français est soumis à un niveau de prélèvement de 16 %. La différence est minime. » En outre, à Poclain France, intéressement et participation sont calculés dans la même formule. Si la participation excède plus de 10,5 % de la masse salariale, l’intéressement sera réduit, voire supprimé.

Mécanisme de solidarité

Point fort du dispositif de Poclain Hydraulics, pour le DRH : il se fonde exclusivement sur des résultats groupe. « C’est à cette condition que les salariés français ont accepté de voir certaines productions partir à l’étranger. L’intéressement mondial est un mécanisme de solidarité qui permet de lutter contre les angoisses légitimes liées à la mondialisation. En outre, cela incite les collaborateurs à s’intéresser à la stratégie économique du groupe. »

« Il est légitime que l’ensemble des collaborateurs d’un groupe international attendent un retour sur les bénéfices réalisés, souligne de son côté Raphaëlle Giovannetti, responsable rémunérations et avantages sociaux du groupe Safran. Les conditions sociales et fiscales françaises incitent à la mise en œuvre de cette redistribution, ce qui n’est pas généralement le cas à l’étranger. Néanmoins, tous les salariés contribuent aux résultats du groupe. Les filiales étrangères commercialisent des produits issus d’une R & D réalisée en grande partie en France, la performance financière de la France reposant à son tour, pour une part, sur l’activité du groupe à l’étranger. » À Safran, un dispositif de profit sharing existe dans certaines filiales étrangères. Mais il relève de l’initiative de la filiale et repose sur ses résultats propres.

Pour associer l’ensemble de ses collaborateurs à travers le monde à la performance économique globale, l’industriel mise plutôt sur l’actionnariat salarié. « Sans être du profit sharing à proprement parler, l’actionnariat salarié permet d’associer les collaborateurs à la progression des résultats du groupe, précise Jean-Pierre Magot. Avec comme réserves principales la volatilité des marchés financiers et l’indispensable investissement du salarié. »

À Safran, depuis 2007, les collaborateurs de six pays, soit les deux tiers des 56 000 salariés du groupe, ont accès dans les mêmes conditions au plan d’actionnariat salarié trimestriel. Ils peuvent bénéficier de 2 000 euros d’abondement annuel.

Une nouvelle extension

Le champ de ce dispositif devrait s’étendre encore à l’avenir. « Afin de donner plus de sens au versement de la prime de partage des profits – 500 euros chez Safran –, fin 2011, le groupe a également décidé d’y associer une nouvelle opération d’actionnariat salarié prévoyant une décote de 20 %, un système de cliquets à 15 % et 40 % et une garantie en capital, rapporte Raphaëlle Giovannetti.

Cette opération, étendue à l’étranger, a permis à plus de 90 % des collaborateurs du groupe de bénéficier indirectement de l’instauration d’un nouveau dispositif franco-français. »

L’ESSENTIEL

non français à l’étranger.

1 Les groupes internationaux sont de plus en plus soucieux d’associer leurs collaborateurs non éligibles aux dispositifs réglementaires français de participation et d’intéressement à leur performance économique.

2 Afin d’assurer une équité de traitement entre les salariés des différentes nationalités, certaines multinationales françaises mettent en place à l’étranger, sur un mode, un système allégé d’intéressement calqué sur leur accord en France.

3 La majorité d’entre elles privilégient néanmoins l’extension de leur dispositif d’actionnariat salarié à travers le monde.

Auteur

  • AURORE DOHY