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PSA Rennes a fait marche arrière sur la flexibilité

Pratiques | RETOUR SUR… | publié le : 29.05.2012 | OLIVIER QUARANTE

Le site breton du constructeur automobile a été le seul en France à appliquer l’accord “nuit variable” pour introduire une plus grande flexibilité. Mais l’expérience a tourné court.

La mise en place d’une équipe de nuit à horaires variables sur le site de Rennes en février 2011 aura été la première et seule déclinaison de l’accord sur l’emploi et la flexibilité signé en septembre 2010 chez le constructeur. Pour le groupe, il s’agissait de trouver des vecteurs d’amélioration de la compétitivité des sites européens. Pour l’usine rennaise, le lancement de la 508, produite dans ses murs, était l’occasion de réfléchir à une nouvelle forme d’organisation du travail. « L’objectif était d’absorber les variations de la demande commerciale, précise Bruno Bertin, DRH du site. Classiquement, nous jouons sur le nombre d’équipes, deux ou trois. Mais avec une troisième équipe complète, nous risquions d’être surdimensionnés. Il nous fallait donc créer soit une équipe de nuit à mi-vitesse, soit une équipe de nuit variable. »

Recours à l’intérim

La préférence se porte sur la seconde option. « Quand on crée une troisième équipe habituelle, on ne sait jamais pour quelle durée, ce qui explique le recours important à l’intérim, analyse le DRH. L’utilisation du temps partiel aménagé présentait l’avantage de développer la flexibilité et d’avoir un impact favorable sur l’emploi interne, avec une équipe constituée de salariés de PSA. » Il est prévu que les salariés en CDD se voient proposer un CDI au terme de l’accord, c’est-à-dire au bout d’un an. Forte de cette promesse de visibilité, « très importante dans notre secteur soumis à des changements de production d’un mois sur l’autre », selon Bruno Bertin, la direction propose aux syndicats une adaptation locale de l’accord national.

Éviter la baisse de salaire

« Il s’agissait de trouver un meilleur ajustement que le recours à l’équipe de nuit avec 35 heures fixes, note Nadine Cormier, déléguée syndicale FO. Car, jusqu’à présent, si le volume de production baissait, la seule option était la suppression de l’équipe de nuit et le report de l’activité sur les autres équipes. » Le 15 novembre 2010, FO signe l’accord avec le SIA* et la CFE-CGC, mais sans la CGT.

Appliqué au 1er mars 2011, il prévoit une variation horaire de 20 à 40 heures hebdomadaires. La rémunération est basée sur 28 heures, ce qui équivaut à 35 heures en équipe du matin ou d’après-midi. Et évite de provoquer une baisse de salaire pour les salariés en CDI se portant volontaires. Les heures travaillées en deçà ou au-delà de la 28e heure sont totalisées et suivies mensuellement. La direction lisse ainsi les variations d’horaire. Enfin, si à la fin, le “compteur” laisse apparaître un solde d’heures positif, le salarié perçoit leur règlement. Les modalités séduisent : un peu plus de la moitié des 850 salariés de l’équipe de nuit variable sont des CDI.

Mais, entre la signature de l’accord rennais et son application, les perspectives commerciales évoluent. « Nous avions prévu que les premiers mois placeraient l’équipe dans la fourchette haute mais pas dans ces proportions », reconnaît le DRH. En mars et avril, les salariés de nuit font le maximum autorisé, soit 40 heures par semaine. « Les CDI s’étaient plutôt portés volontaires parce que cela leur permettait de diminuer leur temps de travail, se souvient Nadine Cormier. Les CDD et les intérimaires, quant à eux, faisaient 40 heures mais n’étaient payés que sur la base de 28 heures. Ils n’ont pu que constater que, s’ils avaient été embauchés en équipe de nuit classique, à 35 heures, ils auraient perçu autour de 500 euros de plus par mois, en travaillant cinq heures de moins… Ça a grogné. »

Suspension de l’accord

La CGT, vent debout contre cette mesure de flexibilisation, « accompagne », selon son représentant Michel Bourdon, les salariés qui souhaitent débrayer. Résultat : au bout de deux mois seulement, la direction suspend l’accord “nuit variable” et paie les heures complémentaires effectuées. Les perspectives d’activité favorables incitent l’entreprise à transformer l’équipe de nuit variable en équipe de nuit classique, à temps plein. Les équipes de jour se retrouvent à travailler quelques samedis pour effectuer les heures que l’équipe de nuit, passée de 40 à 35 heures, ne fait plus. « Le climat social s’est dégradé », souligne Nadine Cormier. De mai à septembre 2011, l’organisation de l’usine retrouve une configuration usuelle. Puis, en octobre, l’activité baisse. PSA doit réactiver l’accord pour l’équipe de nuit, alors que les équipes de jour subissent du chômage partiel – 17 jours entre janvier et fin avril. Jusqu’à la fin de l’accord, l’équipe de nuit a été payée pour 28 heures qu’elle n’effectue pas. Normal, c’est l’accord. En revanche, l’entreprise ne peut plus puiser dans les heures complémentaires réalisées les deux premiers mois… puisqu’elles ont été payées.

Finalement coûteux, l’outil reste pourtant « pertinent », selon Bruno Bertin : « Face à des variations mensuelles, avoir une équipe qui peut absorber les pics d’activité et protéger les équipes de doublage, qui n’ont pas à faire d’heures supplémentaires, reste intéressant. » Le sureffectif actuel à Rennes, dû, selon le DRH, à l’impossibilité de reclasser dans les équipes de jour les salariés de la demi-équipe de nuit maintenue depuis mars, serait même un atout si la demande commerciale venait à repartir à la hausse… Une hypothèse qui semble pourtant s’éloigner avec l’entrée de General Motors au capital de PSA, fin février, ouvrant la porte à une possible production de voitures Peugeot par GM.

* Syndicat indépendant de l’automobile.

Auteur

  • OLIVIER QUARANTE