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Enquête

SE FORMER EN JOUANT, C’EST SÉRIEUX !

Enquête | publié le : 29.05.2012 | LAURENT GÉRARD

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SE FORMER EN JOUANT, C’EST SÉRIEUX !

Crédit photo LAURENT GÉRARD

Le recours aux serious games se développe non seulement en formation, mais également comme moyen de sélection des jeunes candidats ou comme vecteur de diffusion de notoriété. Cet outil souvent onéreux pourrait devenir plus accessible dans les mois qui viennent, grâce à l’accélération de son développement.

Serious games ou jeux sérieux, comme n’ont pas hésité à traduire rapidement les Québécois, soit une sorte d’e-learning puissance 10, dans lequel toutes les logiques d’interactivité, de simulation, de jeu seul et/ou à multipartenaires sont démultipliées. « Le jeu sérieux fait appel aux mêmes approches de design et de savoir-faire que le jeu vidéo classique : interactivité, 3D temps réel, simulation d’objets, d’individus, d’environnements, mise en scène, scénarisation, immersion…, précise Laurent Auneau, fondateur de Succubus interactive, créateur-producteur de jeux sérieux depuis 2002. Véritable outil de sensibilisation, de formation ou de promotion, il est en quelque sorte une déclinaison “utile” du jeu vidéo au service des professionnels. »

Utile ? C’est l’avis du géant danois du transport maritime Maersk, qui a opté en 2011 pour un jeu français destiné à 50 de ses professionnels des ressources humaines, de la vente et de la comptabilité. Le but : leur dispenser une formation managériale afin de mieux recadrer et gérer les situations délicates.

Chez BNP Paribas, le jeu sérieux Ace Manager s’inscrit délibérément « dans la stratégie de développement de la notoriété et de l’attractivité de notre groupe auprès des jeunes », indique Jean-François Boutringain, de la direction de la marque, communication et qualité du groupe bancaire. Cet argument de séduction-recrutement est totalement partagé par Dominique Mansiet, chargée de communication du pôle lyonnais de formation aux métiers de la chimie, Interfora Ifaip, qui assure que le game city Chem-Next est l’outil adapté pour trouver les bons candidats là où ils sont. Laurent Geelhand de Merxem, directeur juridique de Michelin France et Europe, explique le recours au serious game par un enjeu de gestion du risque : « Mission Antitrust, notre serious game juridique, montre à quel point l’abus de position dominante est la bête noire des multinationales », assure-t-il.

Quant à Eric de la Guéronnière, directeur de la formation et du développement des compétences chez Suez Environnement, il justifie la création du jeu Ambassador sur les deux métiers du cycle de l’eau et des déchets par le fait que « les salariés peuvent désormais, sans avoir à se déplacer, découvrir ou bien parfaire leur compréhension de la stratégie du groupe ».

Un outil apprécié

Au-delà de ces témoignages, une étude Cegos d’avril 2012 menée auprès de 600 DRH et responsables formation de cinq pays européens (Allemagne, Espagne, Grande-Bretagne, Italie, Pays-Bas et France) démontre la croissance du recours à cette modalité : 25 % d’entre eux ont utilisé le serious game en 2011 pour former les salariés, contre 23 % en 2010. Bonnes nouvelles : 90 % de ces salariés estiment que le serious game répond très bien ou assez bien à leurs attentes ; l’avis des ouvriers-employés est très proche de celui des cadres (87 % de satisfaits contre 91 %) ; celui des 55 ans et plus est équivalent à celui des moins de 25 ans : 92 % d’avis positifs dans les deux cas ! Les deux préjugés selon lesquels le jeu sérieux devrait être réservé aux strates supérieures de la hiérarchie (« plus agiles intellectuellement ») et aux jeunes (« naturellement friands de cette modalité d’apprentissage ») sont donc très nettement battus en brèche.

Ici se matérialisent les facteurs clés de succès des jeux sérieux pour la formation professionnelle, mis en avant par ses défenseurs. Devenant acteur aux commandes de sa formation, l’apprenant assimile mieux le contenu théorique du jeu et, en plus, trouve du plaisir à se former. De plus, les joueurs forment des groupes par affinités ; ils échangent, se donnent des trucs ; les nouveaux venus se font aider par les vieux briscards, etc. Les simulations propulsent le joueur dans des situations très réalistes, qui lui permettent de mettre au point les meilleurs diagnostics et stratégies de résolution.

Autre avantage avancé par les projeu : en transformant les collaborateurs en joueurs, les jeux sérieux de formation contribuent à développer une culture professionnelle horizontale, qui casse les hiérarchies traditionnelles.

Un coût encore élevé

L’outil a pourtant un point faible : son coût. « Le développement d’un jeu sur mesure coûte de 50 000 à 800 000 euros ! Ce qui est 20 à 30 fois plus cher que n’importe quelle solution e-learning disponible sur le marché », peut-on lire sur le blog du site québécois de référence sur la formation et la culture numérique, Thot Cursus. Laurent Auneau retient plutôt une fourchette de 20 000 à 200 000 euros (lire p. 27). À l’avenir, pourtant, il devrait être possible de développer et produire des jeux sérieux à des coûts moindres, grâce à une conception et un développement plus structurés et plus rapides, et grâce à la capitalisation d’éléments réutilisables. C’est du moins l’analyse de Béatrice Lhuillier, consultante indépendante, fondatrice du portail LearningPlanet.

L’ESSENTIEL

1 Les serious games ou jeux sérieux, qui poussent plus loin les logiques d’interactivité et de simulation de l’e-learning, sont utilisés par 25 % des DRH et responsables formation européens.

2 90 % des salariés qui y ont goûté estiment qu’ils répondent bien ou très bien à leurs attentes.

3 Le coût d’un jeu sérieux, qui peut atteindre jusqu’à 500 000 euros selon certaines sources, pourrait être réduit prochainement grâce à la création d’éléments réutilisables.

Voulez-vous jouer ?

Les sondages auprès des pratiquants du serious game à visée formative ne sont pas légion. Celui mené de manière permanente par le site québécois Thot Cursus, actualisé au 17 avril dernier avec 217 réponses, montre que « plus on a expérimenté les jeux sérieux, plus on reconnaît leurs qualités motivantes et intéressantes et moins on les perçoit comme surtout divertissantes », assure Denys Lamontagne, directeur du site.

L’idée de jouer à un jeu sérieux dans le cadre d’une formation formelle paraît « intéressante, motivante, stimulante, enrichissante » pour 72 % des répondants, et « divertissante, allégeant la formation » pour 26 %. Seul 2 % la qualifient de « perte de temps, peu crédible ».

Plus précisément, son utilisation dans le cadre d’une formation est « efficace si bien encadrée » (61 %), et « très efficace pour obtenir de réels changements de comportement » (20 %). Mais 4 % y voient un outil coûteux et compliqué, 3 % estiment qu’il « laisse trop de gens sur la touche pour être utilisable efficacement », et 12 % qu’il est « trop coûteux pour le résultat ».

L’expérience est déterminante. Ceux qui ont une expérience d’utilisation dans un cadre formel sont plus positifs : 66 % (+ 5 %) sont convaincus de son efficacité, et 25 % (+ 5 %) pensent qu’elle permet d’obtenir de réels changements de comportement. Ceux qui ont moins, voire pas d’expérience surestiment les coûts (+ 4 %).

L’avenir ? La possibilité de distribuer des jeux sérieux sur appareils mobiles (téléphones, tablettes) est jugée « probable » et « très probable » par 75 % des personnes qui ont répondu.

Auteur

  • LAURENT GÉRARD