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Une logistique hors norme pour la ligne grande vitesse Tours-Bordeaux

Pratiques | publié le : 22.05.2012 | CATHERINE DE COPPET

À peine amorcé, le chantier de la future ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique (LGV-SEA) entre Tours et Bordeaux devrait faire travailler 4 500 personnes en même temps. Un défi en termes d’emploi au plus fort de son activité, tant pour le recrutement que la formation, qui a nécessité une mobilisation des acteurs locaux bien en amont.

« Tous les défrichements ont eu lieu au mois de mars, les opérations de terrassement commencent. » L’équivalent d’un « ouf » de soulagement pour Érik Leleu, DRH de Cosea, groupement d’entreprises chargé de la conception et de la construction de la ligne à grande vitesse (LGV) Tours-Bordeaux. Ce chantier, qui constitue la plus grande concession d’infrastructure ferroviaire jamais réalisée en Europe, permettra de relier Paris et Bordeaux en 2 h 05, contre 3 h actuellement.

Sur le terrain, il s’agit de construire, d’ici à 2016, pour une mise en service en 2017, une nouvelle ligne longue de 302 kilomètres : trois régions, six départements et 117 communes sont traversés par le tracé. Le projet devrait signifier l’embauche de 1300 personnes localement pour renforcer les équipes des entreprises de Cosea – 4 500 salariés seront mobilisés au total.

Pôle emploi, guichet unique

« Compte tenu du volume à réaliser, il nous est apparu très rapidement qu’il fallait unifier le processus de recrutement », raconte Érik Leleu. C’est ainsi que Pôle emploi a été désigné « guichet unique » pour les embauches, via trois conventions partenariales signées dans chaque région concernée (Poitou-Charentes, Centre, Aquitaine) avec les conseils régionaux, l’État et Cosea. Les agents de Pôle emploi dédiés au projet se sont installés dans les locaux du groupement d’entreprises, à Poitiers.

Depuis un an et demi, toutes les offres d’emploi directement liées au chantier sont transmises par Cosea à Pôle emploi, qui se charge de les diffuser et qui centralise et traite toutes les candidatures reçues. Pour plus d’efficacité, chaque entité régionale a créé un site Internet dédié à la ligne LGV. Sur le terrain, les bureaux régionaux de Pôle emploi ont tenu depuis l’été dernier des « informations collectives », c’est-à-dire des réunions d’information ouvertes à tous dans les diférentes communes concernées par le tracé. « Pour notre région, la plus touchée puisque le tracé concerne trois de nos quatre départements, indique Camille Berteaux, coordinatrice régionale de la LGV en Poitou-Charentes à Pôle emploi, pas moins de 76 réunions de ce type ont été organisées entre août et décembre 2011. »

Suite à ces réunions, animées par le personnel de Pôle emploi, les services RH de Cosea et des intervenants de l’État ou de la région, des entretiens ont été menés sur place afin de présélectionner les candidatures. Les besoins du chantier relèvent principalement de la conduite d’engins, mais aussi du génie civil (ouvragistes, canalisateurs). Au final, quelque 2 200 personnes sur les 3 000 reçues en entretien ont été retenues. « Elles constituent un vivier dans lequel nous allons puiser au fur et à mesure du développement des travaux », indique Érik Leleu.

400 recrutements en parcours d’insertion

Peu de candidatures ont directement débouché sur une embauche immédiate, faute de compétences idoines.

« Les personnes retenues peuvent être classées en trois catégories : les formées, diplômées et mobiles ; celles dont les compétences sont proches des profils recherchés ; et enfin les personnes qui n’ont pas les compétences requises et qui sont plus éloignées de l’emploi », souligne Gérard Marchaud, directeur de la communication de Pôle emploi Poitou-Charentes. De fait, sur les 1 300 recrutements prévus, 400 devraient relever de parcours d’insertion en vertu de la clause d’insertion des marchés publics, et assurer ainsi 10 % des heures de terrassement et de génie civil. À cet égard, aucune démarche spécifique n’a été prévue. « Nous travaillons bien sûr en partenariat avec les entreprises d’insertion mais, dans notre sélection de 2 200 personnes, on compte suffisamment de profils correspondant à cette exigence, précise Camille Berteaux. Nous allons même au-delà de la clause légale. »

Afin de répondre aux besoins en compétences, un important dispositif de formation a été monté grâce auquel Cosea espère combler tous ses besoins (lire l’encadré ci-dessous). « Il n’est pas exclu que certaines compétences soient difficiles à mobiliser, souligne Bernard Giret, président CFDT de l’Union régionale interprofessionnelle (URI) de Poitou-Charentes. Pour le transport de terre, une flotte de mille camions est nécessaire. Il faudra sans doute faire appel à des entreprises étrangères. »

Au-delà du recrutement et de la formation, la gestion des salariés au cours du chantier exige également des moyens importants. Six responsables RH ont été désignés pour chacune des sections de la ligne, avec pour mission d’accueillir, d’orienter et de suivre les salariés.

Un comité de pilotage syndical

Sur le terrain, la CFDT a saisi l’opportunité offerte par ce chantier hors norme pour expérimenter une coordination de l’accompagnement syndical. Un comité de pilotage a ainsi été créé, réunissant les trois URI concernées, la confédération et les syndicats de branches (BTP, construction-bois) afin de travailler à une réponse unique. Un site Internet ainsi qu’un numéro de téléphone ont été mis en place, gérés par un salarié à temps plein. « Nous avons quatre axes de travail : l’accueil des salariés, les conditions de travail, l’application du droit et les enjeux de formation », résume Bernard Giret, également président de ce comité de pilotage.

Pour l’organisation syndicale, une vigilance toute particulière doit concerner la reconversion des salariés à l’issue du chantier. « Nous repérons d’ores et déjà les entreprises qui pourraient bénéficier de cette main-d’œuvre qualifiée », poursuit Bernard Giret.

À court terme, Cosea assure qu’une partie des salariés seront transférés vers ses opérations d’équipement ferroviaire, comme la pose de caténaires. En Poitou-Charentes, une négociation est par ailleurs en cours entre les partenaires sociaux pour élaborer une GPEC territoriale, impliquant les TPE et PME locales.

En application du contrat signé avec l’État, le futur concessionnaire, Lisea (dont Vinci est l’actionnaire principal) s’est engagé à monter un observatoire chargé de mesurer les retombées socio-économiques de la phase de construction du chantier. Un cinquième du montant des travaux doit bénéficier à des entreprises locales sous-traitantes, sans parler des emplois induits dans le secteur de la restauration, de l’hébergement et du transport. « Entre 10 000 et 12 000 personnes en tout vont contribuer de façon directe ou indirecte à ce chantier », souligne Bernard Giret. Une aubaine également pour les organisations syndicales, désireuses de développer leurs adhésions…

L’ESSENTIEL

1 Pour construire la ligne à grande vitesse, qui traverse trois régions, 1 300 emplois locaux seront créés, dont 10 % en insertion.

2 Un vivier de 3 000 candidats a été constitué par Pôle emploi, qui mobilise des préparations opérationnelles à l’emploi.

3 De son côté, la CFDT a coordonné l’action de ses unions régionales pour répondre aux sollicitations des salariés.

LA LGV EN CHIFFRES

7,8 milliards d’euros : le montant du chantier.

1 300 recrutements sur 3 régions, dont 400 personnes en insertion.

10 000 à 12 000 salariés mobilisés (emplois induits compris).

3 000 candidats rencontrés depuis l’été 2011 et 2 200 personnes préretenues.

20 millions d’euros : le coût total des formations qui se dérouleront sur 9 plates-formes.

302 km de ligne traversant 3 régions, 6 départements et 117 communes.

Un vaste dispositif de formation

L’organisation de la formation se traduit d’abord par l’ouverture de formations d’adaptation pour la conduite d’engin et le génie civil, sous la forme de préparations opérationnelles à l’emploi (POE) financées par Pôle emploi. Pilotées par l’Afpa, ces formations courtes (entre 70 et 350 heures) se basent sur des contenus pédagogiques rédigés par Cosea et sont réparties sur le territoire via 9 plates-formes.

« Sur le département de la Vienne, environ 15 personnes intègrent ces formations tous les quinze jours », explique Camille Berteaux, coordinatrice régionale de la LGV en Poitou-Charentes à Pôle emploi, le rythme épousant celui des besoins du chantier.

En fonction de leur niveau de compétence, les candidats peuvent également bénéficier d’une formation professionnelle qualifiante plus en amont, financée par le conseil régional, pour une durée allant de quatre mois et demi à sept mois. Deux cents stages devraient ainsi être proposés, assurés par différents prestataires.

Des salariés à loger

Avec 4 500 personnes employées sur plus de 300 km de tracé, la question de l’hébergement des salariés a dû elle aussi être anticipée. « Les conseils généraux ont fait un travail de repérage des hébergements disponibles et mis en place des sites Internet dédiés pour chacun des départements », explique Érik Leleu, DRH de Cosea.

Sur chaque section du chantier, l’organisme de gestion du 1 % logement chez Vinci, Cocitra Mobilité, a mis à disposition les locaux disponibles. Au fil du tracé, les communes ont été plus ou moins sensibles à cette question. « Certaines municipalités ont mis à disposition des terrains pour des caravanes », indique Bernard Giret (CFDT). L’ensemble des offices de tourisme ont été par ailleurs mobilisés pour répondre aux éventuelles demandes d’hébergement des salariés.

Auteur

  • CATHERINE DE COPPET