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Plus d’un an après, 130 salariés ont été accompagnés

Pratiques | RETOUR SUR… | publié le : 22.05.2012 | ROZENN LE SAINT

Après la vague de suicides qui l’a frappé, l’opérateur a créé en janvier 2011 une cellule pour venir en aide aux salariés en situation de souffrance ou confrontés à des problèmes complexes de retour à l’emploi.

Après le séisme qui a secoué France Télécom à partir de 2008 est venu le temps des solutions. La mission nationale de soutien et de médiation est l’une des plus emblématiques. Elle a pour but de résoudre les situations de conflit et de souffrance les plus complexes dans l’entreprise. « Le caractère hors norme du contexte délicat que France Télécom a traversé nécessitait une gestion hors du commun, affirme Bruno Mettling, directeur exécutif des ressources humaines du groupe. Face aux situations de souffrance, les services RH sont souvent en difficulté. L’idée de faire intervenir un regard tiers accélère la résolution des dossiers les plus compliqués. »

Un président de la mission, extérieur à France Télécom, a donc été nommé. Jean-François Colin, ancien DRH de la SNCF et d’Air France, est entouré de trois autres professionnels des ressources humaines permanents, ainsi que d’une équipe d’une vingtaine de psychologues, assistants sociaux, juristes, etc. Sa première mission consiste à gérer les cas d’extrême urgence.

« Quand des collaborateurs nous appellent pour nous dire que, dans quinze minutes, ils vont mettre fin à leurs jours, nous contactons la cellule pour qu’elle les prenne en charge. Elle permet de monter au créneau rapidement, témoigne Sébastien Crozier, président de la CFE-CGC France Télécom. Avant, il n’y avait pas d’interlocuteur professionnel qui prenait le relais dans les situations d’urgence. » Il apprécie également qu’ensuite, les psychologues identifient l’environnement du salarié, contactent les managers directs, les RH, pour « mettre tout le monde sur le pont et organiser la vigilance ».

Quatre types de dossiers

Pour autant, les saisines des organisations syndicales représentent seulement 10 % des sollicitations. Le reste du temps, elles sont le fait des dirigeants de l’entreprise, membres du Comex et DRH. Car, en dehors des cas d’extrême urgence, la mission gère quatre types de dossiers répartis à parts égales. Le premier concerne les problèmes de retour à l’emploi après un long arrêt maladie et la difficulté de trouver une affectation. Le deuxième a trait aux différends à propos de l’application de la réglementation du droit du travail. Par exemple, une personne mécontente du contenu de son poste, un cadre qui estime que son emploi n’est pas celui d’un cadre, un salarié qui n’a pas eu de promotion depuis longtemps… Des situations qui font naître des RPS pour les personnes concernées.

Le troisième cas de figure concerne les « comportements erratiques de certains salariés, qui refusent d’accepter les règles, d’effectuer le travail qui leur est demandé. Ils sont le plus souvent en rupture totale avec l’entreprise, parfois pour des raisons médicales », définit le président de la mission. Enfin, le dernier dossier touche les personnes éloignées du service, dont le lien social se distend avec France Télécom et qui ont du mal à le supporter.

Plus d’un an après la création de la mission, 130 personnes en difficulté ont été suivies. Un chiffre modeste, du fait qu’« elle intervient lorsque les services RH ne sont pas parvenus à régler les situations les plus complexes qui nécessitent alors l’intervention d’un regard extérieur », affirme Jean-François Colin. Parmi les dossiers traités, près de 80 % sont des salariés de plus de 50 ans « pour lesquels les relations de travail se sont dégradées au fil du temps », selon lui. D’ailleurs, 40 % des situations ont une origine qui remonte à plus de cinq ans et 60 % des cas traités par la mission comportent déjà un contentieux judiciaire en cours ou annoncé.

Une autre catégorie de salariés est surreprésentée : celle des fonctionnaires. Alors qu’ils constituent 60 % des effectifs de l’entreprise, ils représentent 80 % des dossiers. Pas étonnant, pour Patrick Ackermann, délégué syndical central SUD PTT : « Cette mission aide les personnes en grande difficulté à traverser la crise sociale. En revanche, elle ne comble pas les lacunes du système RH sur l’appréciation des droits du statut de fonctionnaire. Nous manquons de personnel compétent sur ces questions. » Une critique qu’entend Bruno Mettling : « Le statut de fonctionnaire est d’une grande complexité. Les règles du jeu concernant les critères de promotion dans le service public, par exemple, sont parfois difficiles à assimiler pour les services RH. Mais nous connaissons de moins en moins de dysfonctionnements. »

Une efficacité limitée

Autre limite de la mission, le nombre de cas non résolus : environ un tiers des dossiers. « Cette structure, qui n’a pas de pouvoir hiérarchique, n’apporte pas de solutions royales et conduit souvent à des échecs, regrette Patrick Ackermann. Un jour, la cellule a proposé à une personne en retour de long congé maladie un poste similaire à celui qui était à l’origine de sa dépression. C’était impossible, alors on est revenu à la case départ et la personne est toujours en attente. » Pour Jean-François Colin, ces dossiers non résolus sont souvent le fait de « salariés aux personnalités erratiques ».

Cette efficacité nuancée de la gestion des dossiers les plus complexes, hors cas d’extrême urgence, pousse les dirigeants de France Télécom à se poser la question de l’avenir de la mission. « Elle a un caractère temporaire. Notre objectif est de transférer son expertise, ses enseignements et ses compétences aux managers et services RH, qui doivent se réapproprier ses outils », assure son président. Et Bruno Mettling d’estimer sa durée de vie entre deux et cinq ans.

Auteur

  • ROZENN LE SAINT