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LES EMPLOYEURS À L’ÂGE DE RAISON

Enquête | publié le : 22.05.2012 | E. F.

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LES EMPLOYEURS À L’ÂGE DE RAISON

Crédit photo E. F.

Les entreprises françaises rattrapent leur retard dans la prévention des risques psychosociaux. Mais elles agissent encore davantage pour traiter les symptômes que le mal lui-même.

Contrôler les risques psychosociaux (RPS), c’est bien, les supprimer, c’est mieux. Pour Jean-Pierre Brun, professeur de management à l’université canadienne de Laval, titulaire de la chaire gestion en santé et sécurité du travail, par ailleurs expert conseil en France, les actions de formation, d’accompagnement et de soutien que mettent en place les employeurs pour traiter les risques psychosociaux sont une bonne chose. « Mais, enchaîne-t-il, ils ne doivent pas perdre de vue que l’objectif est de supprimer les causes des risques psychosociaux, qui se trouvent dans le travail lui-même. »

Or, à la lumière de notre sondage, les entreprises sont davantage dans une attitude curative que préventive. Les actions qu’elles ont mises en place consistent d’abord à former les managers (72 %) ; accompagner les salariés (68 %) ; améliorer les relations de travail (59 %) et accompagner le changement (55 %), par exemple la mobilité professionnelle et géographique.

Contrôle du danger

Autrement dit, les entreprises œuvrent en priorité à contrôler le danger (actions secondaires) et à soigner ses conséquences (actions tertiaires). Les tentatives de suppression du danger lui-même (actions primaires) ne viennent qu’ensuite, lorsqu’elles interviennent sur l’organisation du travail et sur la charge (52 %). « C’est pourquoi certaines entreprises sont étonnées de rencontrer des problèmes, parce qu’elles sont persuadées d’avoir agi en montant une cellule d’écoute », ironise Jean-Pierre Brun.

Faut-il en conclure que les entreprises se voilent la face ? Pas exactement. Notre sondage permet en effet de constater qu’elles modulent leur action en fonction du risque qu’elles perçoivent. Lorsque les risques psychosociaux sont une réalité (un quart des entreprises), ces dernières parent au plus pressé en faisant de l’accompagnement des salariés en souffrance (80 %), puis elles forment leurs managers (73 %) et font de l’accompagnement du changement (59 %). La réorganisation du travail ne vient qu’après mais concerne tout de même plus de la moitié d’entre elles (56 %). « Les entreprises agissent d’autant plus qu’elles sont au pied du mur ; c’est une situation normale de gestion de crise », commente le professeur canadien.

Sous l’angle du bien-être

A contrario, les entreprises qui ne sont pas confrontées aux RPS, mais qui sont tout de même soucieuses du bien-être de leurs salariés (47 % sont dans cette situation), travaillent d’abord sur la sensibilisation des managers (69 %), sur des actions conviviales (65 %) et sur le soutien aux salariés (57 %). « Dans une entreprise où la situation n’est pas gravement dégradée, il n’est pas utile de parler de risques psychosociaux : cela déroute les salariés et effraie inutilement la direction. Aborder la question sous l’angle de la qualité de vie est bien plus positif », estime Jean-Pierre Brun.

Finalement, les entreprises ont une attitude assez pragmatique et équilibrée. Elles préfèrent agir (58 %) plutôt que multiplier les indicateurs (36 % en ont mis en place) « qui sont énergivores et ne changent rien à la réalité », soutient le professeur. Et quand elles agissent, elles le font sans surréagir.

Arrêt de travail : maintenir le lien

Au final, « les entreprises françaises rattrapent leur retard ». Mais elles ont encore des marges de progression sur le traitement des causes des RPS et sur l’accompagnement des salariés lorsqu’ils reviennent au travail après un arrêt (40 % le font). « Au Canada, on ne parle pas d’accompagnement au retour mais de maintien du lien, témoigne Jean-Pierre Brun. Les salariés absents aimeraient avoir des contacts avec leur employeur et sont parfois angoissés au moment du retour. C’est pourquoi les entreprises suivent beaucoup leurs salariés dans ces moments-là et anticipent leur retour par des entretiens. »

BAISSE DE VIGILANCE OU CUMUL D’EXPÉRIENCE ?

Les risques psychosociaux mobilisent moins les entreprises. Dans notre précédent baromètre, en 2011, 51 % d’entre elles faisaient des RPS une priorité ; elles ne sont plus que 39 % cette année (lire p. 22). « Je suis un peu étonné par cette baisse d’intérêt, déclare Jean-Pierre Brun, professeur de management à l’université de Laval, au Canada. Mais il faut dire que les pressions des pouvoirs publics et des médias ont beaucoup baissé en un an. » Entre fin 2009 et fin 2010, le sujet a été au cœur de l’actualité avec l’injonction du ministre du Travail aux entreprises pour qu’elles négocient un accord sur le stress, suivie, un an plus tard, du nouveau contrat social de France Télécom. La pression est ensuite un peu retombée malgré la médiatisation des suicides à La Poste.

Pour autant, « cela ne signifie pas que les pouvoirs publics ne font plus rien », explique Jean-Pierre Brun, qui cite le guide du ministère du Travail pour choisir un consultant en RPS, publié début 2012.

« Si c’est en raison d’une moindre pression externe que les entreprises baissent la garde, il faut être vigilant, car cela ne veut pas dire que les risques psychosociaux ont disparu des entreprises pour autant, estime-t-il. Mais ce moindre intérêt peut aussi s’expliquer par le fait que les entreprises, ayant déjà mis en place des actions, ont moins de raisons de se mobiliser. »

EF

Graphes p 29 en haut, et p 32 en haut

Auteur

  • E. F.