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MarocLES CENTRES D’APPELS SECOUÉS PAR LE PRINTEMPS ARABE

Pratiques | International | publié le : 15.05.2012 | MARIE CADOUX

Ce secteur encore jeune multiplie les initiatives pour stabiliser ses effectifs. or les entreprises sont confrontées à une nouvelle contestation sociale née du Printemps arabe.

A Sidi Maarouf, le quartier d’affaires de Casablanca, les fourgons de police ont pris position. Une cohorte d’agents de sécurité s’est déployée, encerclant l’immeuble Le Shadow : le mercredi 18 avril, la tension était à son comble devant le siège de Total Call, alors que, depuis plus d’un mois, des dizaines de manifestants se réunissent chaque jour devant le centre d’appels casablancais de Free qui emploie 1 650 salariés. Au menu des revendications : une augmentation de salaire de 135 euros par mois, des objectifs réalistes permettant de décrocher en intégralité la prime équivalente au salaire, une formation suffisante pour gérer les nouveaux clients de Free Mobile, et la réintégration de 22 personnes « licenciées abusivement », selon le bureau syndical UMT de Total Call. « La direction harcèle par téléphone les grévistes et leurs familles pour qu’ils reprennent le travail, et fait pression sur les nongrévistes et les cadres pour qu’ils ne rejoignent pas le mouvement », explique Mohamed Bilad, membre du bureau syndical UMT de Total Call.

Fort turnover

De son côté, Iliad, la maison mère de Free en France, dénonce un sit-in mené en partie par d’anciens salariés et des personnes extérieures à l’entreprise. Et revendique de se placer parmi les trois sociétés du secteur qui rémunèrent le mieux leurs salariés.

Plutôt calmes d’un point de vue social, les centres de relation client (40 000 emplois, 460 millions d’euros de CA export) n’échappent pas à l’agitation née du Printemps arabe. « Jusque-là, les syndicats étaient très peu implantés dans les entreprises », explique Youssef Chraïbi, président de l’Association marocaine de la relation client (AMRC) et Pdg d’Outsourcia. Depuis le début des années 2000, ce secteur est extrêmement porteur et se caractérise de fait par un fort turn over des salariés.

« Certaines revendications peuvent être tout à fait légitimes, mais gare aux objectifs inavoués. Certains syndicats français, sous prétexte de solidarité avec leurs camarades marocains, tentent de porter préjudice à la destination Maroc en matière d’outsourcing », estime Youssef Chraïbi. La menace est prise au sérieux alors que, depuis ces dernières années, les professionnels estiment s’être particulièrement investis dans le domaine de la responsabilité sociale. En 2010, l’AMRC, qui représente les leaders du secteur, a mis au point une charte de responsabilité sociale des entreprises signée par le ministère de l’Emploi. Les professionnels s’y engagent à lutter contre le travail informel, à embaucher le maximum de personnes en situation de vulnérabilité, notamment les handicapés, et également à respecter un certain nombre de règles en matière de recherche de compétences.

360 euros par mois

Côté rémunération, le salaire de base se situe en moyenne à 360 euros mensuels, soit deux fois et demi le smic local, pour une durée du travail de 44 heures hebdomadaires. À Total Call, elle est fixée à 42 h 30, et le premier salaire de conseiller commercial s’élève à 360 euros par mois, hors part variable. « Travailler dans un centre d’appels présente un certain nombre de contraintes, en raison notamment du calendrier. Pour autant, les candidats que nous embauchons sont rémunérés deux fois et demi le smic, ce qui n’est pas négligeable pour des jeunes sans expérience et parfois sans diplôme », estime Olivier Tabusse, directeur général adjoint d’Accolade, l’un des leaders du marché.

Outre la mise en place d’une politique de rémunération jugée attractive, le secteur a généralisé l’octroi d’une mutuelle de santé. Certaines entreprises vont plus loin en organisant le transport par bus de leurs salariés ou en aménageant une crèche. Présent au Maroc depuis 2010, Teleperformance prévoit même d’ouvrir une salle de danse sur son nouveau site proche de Rabat : « Nos collaborateurs créent la satisfaction de nos clients. À nous de faire en sorte qu’ils se sentent bien », assure Saad Berrada, DRH adjoint de Teleperformance Maroc. Les outsourceurs n’ont pas le choix : « Nous ne pouvons pas nous permettre un conflit social, sous peine de perdre nos clients », avance l’un d’eux. La contrainte ne semble pas peser sur Total Call, centre d’appels internalisé.

Auteur

  • MARIE CADOUX