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L’EXTENSION DES HORAIRES ENTRE DOUCEMENT DANS LES PRATIQUES

Enquête | publié le : 15.05.2012 | É. S.

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L’EXTENSION DES HORAIRES ENTRE DOUCEMENT DANS LES PRATIQUES

Crédit photo É. S.

À Nantes, entreprises de propreté, donneurs d’ordre et maison de l’emploi s’associent pour promouvoir le travail en journée et lutter contre les temps partiels très courts.

Comment offrir aux salariés de la propreté des horaires plus longs et moins fractionnés ? À Nantes, la Fédération des entreprises de propreté, à l’initiative de Michel Plassart, y travaille depuis 2007 avec la Maison de l’emploi de la métropole nantaise. Ce dirigeant d’une entreprise d’insertion de 220 salariés se heurtait alors aux mauvaises conditions d’emploi du secteur : « Pour travailler dans l’économie classique, les salariés devaient accepter des contrats de 10 heures hebdomadaires, alors qu’ils ont chez moi des contrats de 32-33 heures. C’était très démobilisateur. »

Ses préoccupations rejoignent celles de la Maison de l’emploi : « Le secteur est porteur d’emplois pour des personnes peu qualifiées et peu expérimentées, explique Philippe Gouret, référent de la filière propreté. Mais les horaires inadaptés et les temps partiels constituent des obstacles importants. Trouver des heures complémentaires chez un autre employeur est loin d’être évident, et certaines personnes démissionnaient au bout d’un moment, car elles ne pouvaient pas vivre comme cela. »

Travail en journée

Un diagnostic métier est réalisé et débouche sur la nécessité de développer le travail en journée. L’objectif : redéployer les heures de nettoyage des bureaux pendant les temps d’occupation des locaux, et non plus sur des plages réduites très tôt le matin ou très tard le soir. Il faut pour cela convaincre les donneurs d’ordre : plusieurs collectivités locales jouent le jeu. Une charte pour le développement des prestations en journée est établie en 2009 ; elle est aujourd’hui signée par 22 entreprises de propreté et 38 donneurs d’ordre, publics et privés.

En 2011, 500 salariés étaient ainsi passés en travail en journée. « Ces démarches entrent dans notre politique de responsabilité sociale, mais aussi dans celle de nos clients, confie Jean-Marc Mion, directeur commercial de Yanet, dont la majorité des 260 salariés sont à temps plein. D’ailleurs, nous n’avons pas de mal à convaincre les grandes entreprises lorsqu’elles ont des directeurs RSE. »

Un marché en croissance

Cette nouvelle forme d’emploi, co-construite entre donneurs d’ordre et sous-traitants, implique pour les entreprises de propreté une autre organisation. Samuel Serra, directeur général de PCS (600 salariés), témoigne : « Ce n’est pas toujours évident. Nous avons récemment passé un site en journée, et étendu la prestation de 2 h 30 le matin à 5 heures par jour. Du coup, nous avons dû réduire l’équipe de 12 à 6 personnes et opérer des reclassements. » Le marché étant en croissance, les impacts sur l’emploi restent limités, tempère Michel Plassart, qui souligne aussi que les salariés, tout en sortant de la précarité, acquièrent de nouvelles compétences. Car être en contact direct avec les occupants nécessite d’être formé à l’attitude de service. « Il faut faire attention à sa présentation, dialoguer avec les personnes qui sont à leur bureau… Ce n’est plus le même métier », poursuit Samuel Serra. À PCS, un formateur accompagne pendant une semaine les salariés sur les sites passés en journée.

Mais le jeu en vaut la chandelle : « Il y a moins d’absentéisme », remarque Samuel Serra. Quant aux salariés, certains voient leur vie changer. « Nous avons récupéré un marché sur un site où travaillait une femme de 5 heures à 8 h 30 depuis quatorze ans ! Elle travaillait ensuite pour un autre employeur, entre 17 heures et 21 h 30. Elle n’avait jamais fait faire leurs devoirs à ses 3 enfants, raconte Jean-Marc Mion. Nous avons décalé et élargi les horaires sur ce chantier, et nous lui en avons attribué un autre. Elle a quitté son deuxième employeur et travaille désormais chez nous à temps plein. D’ailleurs, lorsque nous perdons un marché, les salariés préfèrent en général rester chez nous plutôt que d’être transférés chez le nouveau prestataire. À nous de leur retrouver un autre chantier. »

Essaimage en Bretagne

Aujourd’hui, les promoteurs de la démarche veulent essaimer, notamment en Bretagne, où la ville de Rennes a déjà adopté ce fonctionnement. Mais sensibiliser et convaincre les acteurs est un travail de fourmi, constate Michel Plassart. « Ce sont surtout les PME qui se mobilisent, constate-t-il. Pourtant c’est possible si on le veut : dans mon entreprise, 73 % du nettoyage de bureaux est réalisé en journée. » Chez Yanet, le « temps choisi » fait partie de la stratégie : « C’est une organisation compliquée, mais on y arrive, quitte à accepter des pertes de rentabilité en attendant de trouver des heures de travail pour les personnes. Par ailleurs, nous développons d’autres prestations, comme le nettoyage en copropriétés. »

Des compétences rendues visibles

Le travail en journée contribue d’ailleurs à faire émerger d’autres besoins, note Philippe Gouret. « La Cité des congrès de Nantes a ainsi confié à son prestataire des missions de tri sélectif. » Le travail en journée, en faisant « sortir les travailleurs de l’ombre », dixit Jean-Marc Mion, rend visibles leurs compétences.

Auteur

  • É. S.