logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Enquête

LA POLYACTIVITÉ, CONTREPARTIE DU TEMPS COMPLET

Enquête | publié le : 15.05.2012 | É. S., STÉPHANIE MAURICE

Depuis quatre ans, les grands groupes de la distribution ont modifié leurs pratiques, en développant la polyactivité pour faire baisser les temps partiels subis.

En 2008, confrontée à des grèves d’ampleur pour les salaires, la grande distribution se saisit du dossier des temps partiels. Les grands noms du secteur – Auchan, Carrefour, Casino – s’engagent d’une part à relever les contrats à 30 heures hebdomadaires au minimum pour les salariés qui le demandent. D’autre part, ils proposent la polyactivité à ceux qui veulent atteindre le temps plein.

Le principe : les salariés complètent leur temps de travail en occupant un second poste, dans un secteur bien défini et sur une plage horaire fixe, après une période de formation à cette nouvelle activité. Organisée, la polyactivité se distingue donc de la polyvalence, qui consiste à faire alterner diverses tâches – caisse, nettoyage, rangement des rayons… –, en fonction des besoins immédiats.

Si tous les métiers sont concernés, en pratique, ce sont surtout des caissières qui sont affectées dans un rayon du magasin. Après une période d’essai de six mois, Danièle Larue, hôtesse de caisse dans un magasin Auchan de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), embauchée à 29 heures par semaine, a signé un contrat de travail à temps complet sur deux postes ; elle travaille aujourd’hui au rayon enfant le jeudi après-midi.

Des organisations bousculées

Simple sur le papier, la poylactivité entraîne « une forte implication de l’encadrement », indique Catherine Giraudon, chargée de mission à l’Aract Île-de-France, qui en a étudié la mise en place à Carrefour. Gérer les plannings, coordonner les équipes, tout en observant les règles en matière de fractionnement et d’amplitude des horaires… sont autant de paramètres à respecter. « Cela bouscule les cultures et les organisations, corrobore Gérard Massus, directeur des relations et de l’innovation sociale du groupe Casino, où l’on préfère parler de polycompétence. Il a fallu convaincre certains responsables de magasin et les accompagner dans la mise en œuvre de ces changements. »

Des volontaires moins nombreux

À Carrefour, environ 1 400 caissières sont aujourd’hui en polyactivité, auxquelles s’ajoutent quelques centaines d’employés de rayon, évalue Thierry Babot, délégué syndical central CFDT. À Auchan, 3 000 personnes ont tenté ce passage à temps plein choisi depuis 2008. Mais l’essentiel de ces volumes ont été enregistrés au début de la démarche et se sont réduits au fil du temps. « Il faut l’entretenir régulièrement, l’aborder en NAO », abonde Gérard Massus. Dans les hypermarchés de Casino, 528 personnes ont accédé au temps plein via la polycompétence depuis 2009.

Les volontaires ont parfois été moins nombreux qu’escompté. « Certaines caissières ne l’ont pas choisi pour des raisons personnelles, liées par exemple aux problèmes de garde des enfants, explique Catherine Giraudon. D’autres ne souhaitaient pas exercer une double activité ». De plus, des salariés qui avaient franchi le pas ont finalement préféré revenir à temps partiel – cela a concerné 200 personnes à Auchan. Car, même si les temps de coupures sont limités, les journées peuvent être longues. À Boulogne-sur-Mer, la dizaine d’employées d’Auchan en temps complet choisi a obtenu de terminer au plus tard à 18 heures. « Remplir les rayons pendant 5 heures en plus du travail de caisse, c’est dur, d’où certains retours en arrière », ajoute Thierry Babot, de Carrefour. Une pénibilité que dénonce Claudette Montoya, déléguée CGT du même groupe, qui regrette que les effets de la polyactivité sur la santé n’aient pas été évalués.

Mobilité future favorisée

L’augmentation des heures de travail entraîne pour les salariés une hausse de salaire d’environ 200 euros. Mais l’exercice de compétences élargies n’implique pas de revalorisation du taux horaire. Elle peut, dans certains cas, « favoriser la mobilité future et élargir les horizons professionnels », assure la direction de Carrefour. À Auchan, Danièle Larue passe ainsi une VAE bac pro services.

Quant aux volumes des temps partiels, ils n’ont pas massivement diminué avec la polyactivité ; ils tournent autour de 30 % des effectifs à Auchan et Carrefour, 40 % à Casino. Il n’empêche : « Aujourd’hui, nous avons tous les outils pour qu’il n’y ait plus de temps partiel subi, se félicite Thierry Babot. Outre la polyactivité, les salariés sont prioritaires sur les postes à temps plein qui se libèrent. »

Casino a mis en place une bourse à l’emploi à l’échelle des villes pour faciliter ces mobilités. Dans les hypers du groupe, environ 1 500 personnes sont passées à temps complet, sans polycompétence, entre 2010 et 2011, et 700 dans les supermarchés. Pour les douze mois à venir, il s’est fixé un objectif de 1 000 passages à temps plein.

Auteur

  • É. S., STÉPHANIE MAURICE