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Enquête

L’OPÉRATEUR PANSE SES PLAIES

Enquête | publié le : 02.05.2012 | C. L.

Après la réalisation d’un état des lieux sans concession, la nouvelle direction a doté l’entreprise de télécommunications d’un contrat social. Engagements chiffrés et datés à la clé.

Aux grands maux les grands remèdes. La direction du groupe France Télécom-Orange, en place depuis 2009, n’a pas lésiné sur les moyens. Il faut dire que la crise était grave : 62 suicides en quatre ans, selon les syndicats. Aujourd’hui, le DRH, Bruno Mettling, nommé avec la nouvelle équipe, en est convaincu : l’entreprise est sur la voie de l’apaisement.

Assises de la refondation sociale

Mais avant d’agir, il a fallu comprendre. « Pour ne pas se tromper de diagnostic », avance le DRH, qui juge réducteur de lier ces drames au seul changement de statut. Le Pdg, Stéphane Richard, a donc fait en sorte que la parole se libère. L’enquête de Technologia sur le stress, menée en octobre 2009 et remplie par plus de 80 000 salariés, a été suivie par les “assises de la refondation sociale”, au cours desquelles des propositions d’amélioration sur les relations de travail ont été collectées service par service. Enfin, Orange Campus, un espace de dialogue et d’accompagnement né au premier semestre 2010 et réservé aux managers, a réuni en six mois quelque 10 000 personnes lors de 120 sessions.

À l’arrivée, un état des lieux accablant, mais sans surprise pour la direction. « L’entreprise vivait à la fois une crise de sens, une crise RH et une crise d’organisation, énumère Bruno Mettling. Il fallait donc remettre l’humain au cœur d’un projet qui s’était, au fil des années, focalisé sur des objectifs financiers, recréer de la proximité et de l’écoute, mises à mal après la réduction des effectifs RH, puis redonner autonomie et marges de manœuvre dans une entreprise pilotée autrement, moins pyramidale, cloisonnée et “processisée” ». La réponse a pris le nom de Conquêtes 2015. « Ce projet stratégique autour des salariés, des réseaux, du client et de l’international a pour but de donner une nouvelle vision d’entreprise », explique le responsable qui a, sans tarder, étoffé son équipe de 180 RRH de proximité. En parallèle, une dizaine d’accords sur les seniors, l’équilibre vie privée/vie professionnelle, l’organisation du travail…, a fourni un nouveau socle social (assorti d’un budget de 900 millions d’euros) et, « incontestablement, des signaux positifs », selon Laurent Riche, délégué syndical central CFDT.

Des engagements concrets

Le tout, synthétisé sous la forme d’engagements, a pris place dans un livret envoyé aux 100 000 salariés du groupe. Parmi lesquels le recrutement de 10 000 CDI en trois ans – 8000 étaient en place fin 2011 –, des entretiens “cap carrière” dès 45 ans, un parrainage lors de la prise de poste, des équipes de soutien pour les salariés en relation clients, une mise en coordination des assistants sociaux…

Directions de l’environnement de travail

Les risques psychosociaux font évidemment l’objet d’un chapitre. « Outre le renforcement de l’équipe de médecine du travail, des formations dédiées et la nomination dans chaque territoire d’une direction de l’environnement de travail, rappelle Bruno Mettling, nous avons créé une structure de médiation dont la mission est d’appréhender les cas les plus complexes ; ceci pour soulager le terrain et mobiliser des moyens à la hauteur de la situation. » Et d’ajouter que cette cellule a traité un peu plus d’une centaine de cas depuis un an.

Pour Sébastien Crozier, président de la CFE-CGC-Unsa, la nouvelle équipe a sans aucun doute stoppé la violence sociale. « Mais penser que son action est réparatrice est illusoire. Il faut recréer du lien et de la solidarité. Mais comment cela peut-il être possible quand, par exemple, je suis envoyé en dépannage par un centre d’appels sous-traitant ? Comment je reconstruis un corps social quand aucune homogénéisation n’a été opérée entre les fonctionnaires et les salariés de droit privé ? » (NDLR : l’effectif se compose de 60 % de fonctionnaires, 40 % de droit privé).

Un message à crédibiliser

Reste pour la direction à crédibiliser son message. « Tout est une question de contenu, sou– ligne le DRH. Les engagements sont tous concrets, chiffrés et datés. Ils ont été lus et commentés, tout comme l’est leur déploiement. Ce qui ne signifie pas que dans un ensemble de 100 000 personnes, réparties dans plusieurs centaines d’entités, tout soit déjà mis en œuvre partout. »

Sur ce point, Laurent Riche reste vigilant. « Si les acteurs syndicaux doivent s’approprier ces nouveaux outils et travailler à leur suivi, les RH ont des progrès à faire pour les décliner un peu partout », explique-t-il, attentif à l’évaluation de l’application de ces accords commandée à l’extérieur par la direction.

Autre retour critique : le sondage semestriel mené auprès de 400 salariés sur le management, les conditions de travail, la rémunération, les parcours professionnels et la perception de la stratégie. Les résultats font l’objet d’un reporting aux syndicats et aux journalistes. Bruno Mettling a donc présenté, le 14 février dernier, la 4e édition de ce baromètre social. Principal enseignement : 6 % des salariés pensent que la qualité de vie à France Télécom est pire qu’ailleurs. C’est trois fois moins qu’un an et demi plus tôt.

Pas facile toutefois de tourner la page quand l’instruction pour mise en danger de la vie d’autrui court toujours.

FRANCE TÉLÉCOM-ORANGE

• Activité : opérateur de téléphonie

• Effectif : 100 000 salariés.

• Chiffre d’affaires 2011 : 45,2 milliards d’euros.

Auteur

  • C. L.