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CHANGER EN RESTANT FIDÈLE À SON IDENTITÉ ?

Enquête | publié le : 02.05.2012 | C. L.

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CHANGER EN RESTANT FIDÈLE À SON IDENTITÉ ?

Crédit photo C. L.

Le changement de cap des anciens arsenaux devenus entreprise de droit privé se fera sans renier le passé. Gage, pour la direction, d’une évolution raisonnée. Mais pas forcément sans casse, selon les syndicats.

La première secousse s’est produite en 1997, lorsque les anciens arsenaux fondés par Richelieu au XVIIe siècle se séparent en deux entités. Émerge alors la Direction des constructions navales (DCN) chargée des seules activités industrielles et transformée, six ans plus tard, en entreprise publique de droit privé. Aujourd’hui, la DCN s’appelle DCNS et compte Thalès comme actionnaire principal (35 %) après l’État.

Un corps social atypique

Des évolutions qui n’ont pu faire l’impasse sur certaines adaptations, surtout après que le Pdg Patrick Boissier, aux commandes depuis janvier 2009, a lancé l’entreprise dans un ambitieux programme stratégique, “Championship”, visant le doublement du chiffre d’affaires en dix ans. « Mais sans jamais renier notre culture originelle », revendique Alain Guillou, le DRH. Celle-ci prend racine dans un corps social atypique composé de 12 800 salariés, dont 40 % d’ouvriers d’État, avec un statut, une retraite, des rémunérations et des règles d’avancement propres, et 60 % de salariés liés à la convention collective de la métallurgie.

« Nous avons deux types de populations mais unies par une même passion, mêlant la mer, les bateaux et l’excellence technologique », explique le DRH, convaincu qu’elle s’anime tant au service de l’activité historique – le naval de défense –, que pour les plus récentes, le nucléaire civil ou les énergies marines renouvelables, et autant chez les anciens que chez les nouveaux. Car chaque année, 1 000 recrues en moyenne rejoignent DCNS.

La direction entend faire vivre cette mixité, telle une référence identitaire. Les passerelles et mobilités internes entre les pôles sont ainsi encouragées afin de mixer les profils, tout comme le tutorat et l’apprentissage, avec 500 jeunes concernés en moyenne dans l’entreprise. « Le budget formation est en croissance, pour atteindre 5 % de la masse salariale, avec 500 000 heures en 2011 contre 460 000 l’année précédente », illustre Alain Guillou. Une nouvelle organisation du travail est même en expérimentation grâce au retour d’expérience acquise à l’occasion de la construction d’un bâtiment patrouilleur par une centaine de salariés. « Les équipes se sont naturellement constituées par affinités d’horaires. »

De plus en plus de cadres

Mais, selon les syndicats, cette sociologie de l’entreprise si emblématique prend l’eau. « L’orientation stratégique vers l’ingénierie et les services conduit au recrutement de toujours plus de cadres. Hier, on en comptait autant que d’Etam, aujourd’hui, ils sont plus nombreux », signale Yannick Peronnet, délégué syndical central de la CFDT, première organisation de l’entreprise. À cela s’ajoutent les départs “amiante” réservés aux ouvriers d’État, désormais en infériorité.

« On craint une perte de compétences. Près d’un quart de l’effectif a moins de cinq ans d’ancienneté dans des métiers où plusieurs années sont nécessaires pour l’acquisition de savoir-faire », complète Pascal Feuardent, également DSC CFDT qui, s’il considère l’institut des métiers fondé en 2009 et l’apprentissage comme de bonnes choses, sait que cela ne peut suffire. « L’accord GPEC devrait servir à anticiper, il n’en est rien », ajoute-t-il.

Perte de repères

Alain Guillou confirme ces départs amiante, de l’ordre de 350 par an. « Ce dispositif est ouvert à l’ensemble du personnel du ministère de la Défense. Nos ouvriers d’État y sont rattachés. Ils y ont droit. » Pour le DRH, c’est un avantage lié à leur statut, comme il en existe d’autres à DCNS spécifiques aux salariés de droit privé, tels que la participation ou l’augmentation des taux de promotions, doublés en 2012. « L’important, insiste-t-il, est de garantir, malgré ces différences, une forme d’équité entre tous ». Ce qui n’empêche pas les pertes de repères, selon les représentants du personnel. La “professionnalisation” des cadres engagée depuis deux ans, qui a conduit à leur participation (pour 2 000 d’entre eux) à des ateliers du management entre 2010 et 2011, n’y changerait rien. Ni même leur sensibilisation à l’accidentologie, organisée dans le cadre de “Championship” avec l’objectif de diviser le nombre d’accidents du travail avec arrêt par deux chaque année. Pour les syndicats, les risques psychosociaux sont sous-estimés, d’où l’expertise CHSCT en cours et l’envoi par Technologia à tous les salariés d’un document auto-administré, riche de 150 questions. « Nous ne rejetons pas les changements, mais le rythme qui est imposé », évoquent les cédétistes.

Pour l’heure, les partenaires sociaux incitent le personnel à remplir leur questionnaire. Début avril, moins d’une semaine après l’avoir reçu, près d’un quart des salariés s’y était déjà attelé. Auparavant, la médecine du travail avait pris l’habitude d’interroger le personnel à l’aide d’un petit questionnaire sur l’organisation et la charge de travail quand la DRH s’était munie d’indicateurs, notamment sur l’absentéisme. Alors, l’ambiance de travail était jugée bonne…

DCNS

• Activité : conception et construction navales.

• Effectif : 12 800 salariés.

• Chiffre d’affaires 2011 : 2,6 milliards d’euros.

Auteur

  • C. L.