Voici à peine une décennie, bon nombre de chercheurs en sciences humaines annonçaient la mort du travail, décrivant l’arrivée d’une société axée sur le loisir, où la part revenant à l’activité professionnelle serait réduite au plus juste. Avec la crise du capitalisme, le travail revient au centre de toutes les attentions. On lui attribue désordres psychologiques et physiques, conséquences du culte de la performance auquel les travailleurs sont aujourd’hui astreints. La domination du capitalisme peut même être considérée comme une forme particulière de tyrannie qui remet en cause notre liberté, bien que de manière insidieuse le plus souvent.

Les nouvelles formes de management tablent sur l’autonomie du sujet, mais de telle sorte que cette autonomie soit toute entière mise au service de la rentabilité économique. C’est ce que Nicolas Chaignot, reprenant le titre d’un ouvrage d’Étienne de La Boétie, nomme « la servitude volontaire ».

À la lumière d’une histoire de l’esclavage et du concept de « servitude volontaire », l’auteur explore le retournement du mouvement de l’histoire, de l’abolition progressive de ­l’esclavage à cette nouvelle forme d’aliénation, apparemment consentie, qui soumet l’individu à la violence des rapports économiques sans plus aucune protection du collectif de travail. Seul le droit pourrait peut-être s’opposer à ce mouvement, si puissant qu’il tend à ruiner les principes de la démocratie.

Un ouvrage d’une remarquable érudition, écrit par un chercheur spécialiste des questions de santé au travail qui a, pour ce titre, obtenu le prix Le Monde de la recherche universitaire.

La Servitude volontaire aujourd’hui

Nicolas Chaignot, PUF, 260 pages, 24 euros.