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SuissePRÉVENTION MAXIMALE POUR DÉCHARGE CHIMIQUE GÉANTE

Pratiques | International | publié le : 24.04.2012 | CHRISTIAN ROBISCHON

La dépollution de la décharge de Bonfol s’accompagne de mesures de prévention et de contrôle poussées afin d’éviter les risques sanitaires pour les salariés. Un dispositif inédit dont les enseignements sont observés de près.

Comptant parmi les plus grandes décharges chimiques au monde, le site de Bonfol dans le Jura suisse ne représente pas qu’un défi pour l’environnement. Pour la santé des 30 personnes qui y travaillent, sa résorption implique aussi une multitude de précautions. Personne ne manipule de ses propres mains les 114 000 tonnes de déchets entreposés dans les années 1960 et 1970 par les industries chimiques de Bâle, à quelques centaines de mètres de la frontière française ; mais les déterrer puis préparer leur expédition dans des conteneurs vers leur destruction finale par incinération à l’étranger comporte des risques supérieurs à la normale. Une explosion - sans dommage corporel - est venue le rappeler en juillet 2010, dans les premiers mois de cette longue dépollution de près de 300 millions d’euros, qui s’achèvera en 2015. Facteur supplémentaire de complication, le contenu de la décharge n’est pas connu dans ses moindres détails.

Organisation commune

Le sujet de la protection de la santé a été porté par une task-force à l’initiative du commanditaire du chantier, BCI Betriebs AG, créé par les groupes chimiques de Bâle*, quatre entreprises intervenantes de BTP et de dépollution, le canton du Jura, qui remplit la fonction d’inspection du travail et de surveillance, et la caisse d’assurance Suva (maladies et accidents professionnels). Une hygiéniste et un médecin du travail indépendants participent aussi au projet. Cette organisation commune est déjà un petit événement en soi. « Les mondes de l’environnement et du travail sont traditionnellement séparés en Suisse, ils ne parlent pas le même langage », relève Jean Parrat, l’inspecteur du travail du canton, qui peut opérer des contrôles inopinés.

« Les diverses mesures de protection vont au-delà d’une conclusion binaire bon/pas bon », souligne Anton Aeby, chargé de la sécurité de la BCI Betriebs AG. La principale mesure consiste à rechercher l’impact de la composition de l’atmosphère sur la santé du salarié. Chantal Leuenberger, l’hygiéniste, mesure la teneur dans l’air de plusieurs substances, dont les composés organiques volatils. Au même moment, le médecin prélève le sang et les urines des salariés. « Avec cette simultanéité, on peut présupposer si un changement de valeur dans le corps est lié à une variation dans l’air. Le cas échéant, le médecin mène ensuite un entretien confidentiel avec le salarié, qui doit l’aider à faire la part des choses entre les facteurs liés au travail et ceux qui relèvent du comportement privé », décrit l’hygiéniste du travail.

Former les salariés aux bons gestes

Les valeurs mesurées - tous les 15 jours au début, tous les deux mois désormais - ont jusqu’à présent toujours permis d’exclure un risque pour la santé, mais elles ont abouti à renforcer la prévention. Par exemple, le changement des combinaisons de protection pour une version encore plus étanche. « Nous avons formé chaque salarié au bon geste pour les mettre et s’en défaire », ajoute Anton Aeby. Six des salariés travaillent dans la halle d’excavation, où ils ne doivent pas rester plus de 90 minutes. Avant d’y entrer, ils se soumettent à un examen médical qui vérifie leur capacité physique à travailler en combinaison et à respirer un air comprimé.

En l’absence de l’équivalent des CHSCT français, la parole des salariés est représentée dans la commission sécurité du site. Chantal Leuenberger affiche ses résultats de prélèvements d’air et l’accompagne d’un commentaire vulgarisé : « Les salariés ont aussi le contact direct avec le médecin et moi-même. Ils ont confiance en nous. » De ce cas extrême, les industries chimiques bâloises estiment pouvoir tirer des enseignements pour d’autres assainissements éventuels de décharges. Tout en soulignant que chaque situation reste spécifique en soi.

* Novartis, Roche, Syngenta, BASF, Clariant, Rohner, Henkel, CABB.

Auteur

  • CHRISTIAN ROBISCHON