Les Français broient du noir. La crise est là pour tout le monde, mais, dans le concert des nations, les Français semblent particulièrement pessimistes sur leur avenir personnel comme sur celui du pays. Cet état d’esprit n’est pas qu’un trait psychologique expliquant qu’ils soient parmi les plus grands consommateurs d’anxiolytiques et d’antidépresseurs. Il est le fruit d’une organisation sociale placée sous le signe de la défiance.

Du cours préparatoire au sommet de la hiérarchie des entreprises, les Français sont placés dans une situation de concurrence féroce qui les empêche de jouer collectif. Lutte des places à l’école comme dans l’entreprise, corporatisme, méfiance entre partenaires sociaux, méfiance à l’égard des édiles, soupçonnés d’être corrompus, et des pauvres, soupçonnés de profiter indûment des deniers publics, les Français sont plus occupés à se plaindre les uns des autres qu’à unir leurs efforts pour trouver des solutions.

Trois économistes de renom, Yann Algan, Pierre Cahuc et André Zylberberg, décortiquent les causes et les manifestations d’un fléau qui grève notre présent et menace notre avenir si l’on n’y met pas bon ordre. La situation française est éminemment paradoxale. La volonté de sélectionner les meilleurs signe l’échec du plus grand nombre, comme la volonté de protéger l’emploi induit des rigidités en cascade qui pénalisent l’emploi et le dialogue social. Un tableau sombre, mais, pour les auteurs, ce mal français n’est pas une fatalité, pour peu qu’on en décortique les rouages et qu’on prenne la peine d’y remédier.

La Fabrique de la défiance

Yann Algan, Pierre Cahuc et André Zylberberg, Albin Michel, 192 pages, 15,20 euros.