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LE RENDEZ-VOUS DE LA FORMATION

Haro sur les dérives des marchés publics

LE RENDEZ-VOUS DE LA FORMATION | Controverse | publié le : 10.04.2012 | VALÉRIE GRASSET-MOREL

Les craintes émises en février dernier par l’Union régionale des organismes de formation (Urof) d’Île-de-France sur les effets « dramatiques » du dernier appel d’offres de Pôle emploi de décembre 2011 (lire Entreprise & Carrières n °1087) se confirment d’après son président Benoît Bermond : attributions de lots à des organismes n’ayant aucune expé­rience du territoire francilien et trop fragi­les, politique favorisant le « moins-disant ». Résultats : « Des organismes attributaires qui recrutent des conseillers en contrats précaires et à des salaires inférieurs de 25 % au minimum conventionnel, des locaux qui ne permettent pas de mettre en œuvre les prestations comme ils le devraient, au détriment final des demandeurs d’emploi. » Mais la situation s’aggrave à un point tel que « certains organismes déposent leur bilan, d’autres sont en cessation de paiement, comme Claf, organisme de formation et d’accompagnement de publics fragiles, implanté sur l’ensemble du territoire national* ». D’autres attributaires de plusieurs lots en Île-de-France « abandonnent leurs mandats et se retirent des marchés obtenus au profit de cotraitants qui, eux-mêmes, sous-traitent à d’autres organismes ! », affirme Benoît Bermond.

Pour l’Urof IDF, ces « stratégies irresponsables » mises en œuvre par des « organismes aux finalités purement mercantiles » se font « à la faveur de marchés publics dont l’application aveugle des règles laisse le champ libre à des pratiques inadmissibles ». Et le président de s’interroger : « Jusqu’à quand les donneurs d’ordre vont-ils continuer à attribuer des marchés publics de cette façon, sans tenir aucunement compte de la réalité du terrain ? »

L’Inspection générale des affaires sociales (Igas) partage une partie de ces constats dans son rapport d’“évaluation de la mise en œuvre des achats de formation de Pôle emploi”, publié en mars 2012 (lire ci-dessous), et préconise des « achats en commun entre Pôle emploi et les conseils régionaux » permettant « l’émergence d’une véritable cohérence voire d’une stratégie régionale commune en faveur des demandeurs d’emploi ».

La région Limousin et Pôle emploi ont suivi cette voie en mettant en place, en mars dernier, une procédure d’achat de formation coordonnée. « Il fallait en effet sortir de cette pratique d’achats redondants, coûteuse et qui rend peu lisible l’offre locale. Il arrivait par exemple à la région et à Pôle emploi d’acheter chacun 15 places de formations de maçon que l’on ne parvenait pas à pourvoir », explique Jean-Paul Denanot, président de la région Limousin et de la commission formation professionnelle de l’Association des régions de France. Cette procédure devrait « permettre de pérenniser les organismes implantés sur les territoires de la région pour garantir une diversité de plateaux techniques et pédagogiques dans chaque bassin de vie et d’activité, et faciliter les mobilités ».

Mais, pour Jean-Paul Denanot, il faut aller plus loin : « La formation des personnes les plus vulnérables doit pouvoir être considérée comme un service social non marchand. Ce débat avance positivement depuis l’entrée en vigueur, le 31 janvier dernier, du “paquet Almunia” », du nom du vice-président de la Commission européenne en charge de la concurrence, José Joaquin Almunia Amann. Son objectif est de simplifier le financement des “services d’intérêt économique général” (SIEG) de faible importance, organisés au niveau local et ayant un objet social, en concentrant le contrôle sur les grands SIEG, davantage susceptibles de porter atteinte à la concurrence.

* La direction de Claf n’a pas souhaité répondre à nos questions.

« Des procédures artisanales »

Dans son rapport, l’Igas dénonce « des procédures et des outils de prescription de Pôle emploi souvent artisanaux ». Elle mentionne pêle-mêle des appels d’offres lancés pour certains types de formation alors qu’aucun besoin correspondant n’était avéré ; un taux d’infructuosité élevé qui révèle l’inadaptation des lots de l’accord-cadre aux réalités locales de l’offre de formation ; des lots aux périmètres trop vastes et un manque de temps pour les attributaires pour se constituer en groupement ; un manque de temps également pour les régions qui ne leur a pas permis de s’approprier la procédure ni de conduire une analyse pertinente de l’offre de formation sur le territoire ; une unité d’œuvre inadaptée (l’heure de formation et non pas l’heure stagiaire), qui génère un surcoût, puisque le taux de remplissage des stages ne sont que très exceptionnellement de 100 %… Ces critiques et observations devaient être examinées par la commission appel d’offres de la DG de Pôle emploi qui se réunissait le 3 avril.

Auteur

  • VALÉRIE GRASSET-MOREL