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Recrutement : la prudence est de rigueur

Enjeux | LA CHRONIQUE JURIDIQUE D’AVOSIAL | publié le : 10.04.2012 |

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Recrutement : la prudence est de rigueur

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Les critères discriminants légalement prohibés (origine, sexe, mœurs, orientation sexuelle, âge, situation de famille ou grossesse, caractéristiques génétiques, appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, opinions politiques, activités syndicales ou mutualistes, convictions religieuses, apparence physique, nom de famille ou état de santé ou handicap) sont connus des recruteurs aguerris et présentent des écueils évidents dans la rédaction d’une offre d’emploi ou d’un processus de sélection des candidats.

En revanche, un diplôme ou un niveau d’études apparaît comme un critère objectif et pertinent lorsqu’il est invoqué par l’employeur pour justifier son choix entre plusieurs candidats à un même emploi. Oui, mais encore faut-il que l’employeur ait pris toutes les précautions lors du recrutement, afin que le critère de sélection retenu ne masque pas une discrimination directe ou indirecte à l’embauche.

Un employeur l’a récemment appris à ses dépens, ayant été condamné en justice au titre d’une discrimination à l’embauche à l’issue d’un processus de sélection apparemment objectif. En l’espèce, le candidat évincé s’est estimé victime d’une discrimination à l’embauche tenant à son origine et à son nom de famille.

En la matière, lorsque l’existence d’une discrimination est supposée au regard des faits présentés par le salarié, il appartient à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination. En réponse, l’employeur avait justifié son choix du candidat embauché par un niveau d’études qui faisait défaut à son concurrent. Or, en dépit d’une argumentation a priori convaincante, l’employeur a été sanctionné, faute d’avoir défini en amont les critères exigés pour le poste à pourvoir en termes de niveau d’études et d’expérience professionnelle. En l’espèce, aucune offre publique d’embauche n’avait été établie par l’employeur. En outre, d’autres salariés embauchés à un poste similaire ne justifiaient pas du diplôme litigieux ou d’un diplôme équivalent.

Dans sa décision, la cour suprême a donc considéré qu’en l’absence de définition préalable des exigences requises pour occuper le poste à pourvoir, aucun élément ne faisait apparaître que le niveau d’études était considéré comme une exigence indispensable par l’employeur pour l’occupation de ce poste (Cass. Soc, 15 décembre 2011). Autrement dit, la nécessité d’un diplôme ou niveau d’études constitue un élément objectif, à condition qu’elle soit vérifiable a priori et/ou a posteriori, ce qui n’était pas le cas dans cette affaire.

Compte tenu de la sévérité d’une telle décision, la prudence est doublement de rigueur. À titre d’exemple, un critère de sélection reposant sur l’expérience professionnelle qui se traduirait, dans une offre d’emploi, par l’année d’obtention d’un diplôme, pourrait cacher une discrimination indirecte fondée sur l’âge du candidat.

En effet, une condition objective telle que l’année d’obtention d’un diplôme, ne semble pas pouvoir exclure une discrimination de manière infaillible, car, notamment, des candidats au même poste pourront avoir une expérience professionnelle différente à année de diplôme égale (réorientation, formation professionnelle, service militaire…), de sorte que ce critère pourrait révéler une discrimination indirecte fondée sur l’âge du candidat.

Au-delà bien entendu des quelques tempéraments autorisés par la loi et les règlements (articles L. 1133-1 et suivants du Code du travail), il appartiendra à l’employeur de démontrer que sa décision est exempte de toute discrimination fondée sur l’âge des candidats.

Ainsi, la plus grande prudence doit être observée par l’employeur lorsqu’il initie un processus de recrutement, dès lors que des critères de sélection tels que la nécessité d’un diplôme présentent des situations à risque au regard des discriminations directes ou indirectes à l’embauche. En effet, il sera utilement rappelé que l’auteur d’une offre d’emploi discriminatoire encourt une condamnation pénale et civile, ce qui ne peut réduire le processus de recrutement à un simple exercice de style.

Sophie Binder, avocate au cabinet Kahn & Associés, membre d’Avosial, le syndicat des avocats en droit social.