logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Actualités

L’affaire Vivéo revient devant les juges

Actualités | publié le : 10.04.2012 | ÉLODIE SARFATI

Image

L’affaire Vivéo revient devant les juges

Crédit photo ÉLODIE SARFATI

La Cour de cassation examine à nouveau cette semaine le recours formé par Vivéo contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris en 2011. Celle-ci avait annulé la procédure de PSE initiée par l’entreprise de logiciels, pour défaut de motif économique. Quelle sera la décision, très attendue, de la haute cour ? Plusieurs scénarios sont possibles.

L’affaire Vivéo, le retour. Le 6 mars dernier, alors que tous les juristes, DRH et autres organisations syndicales étaient suspendus à la décision de la Cour de cassation, celle-ci avait créé la surprise en décidant de réexaminer l’affaire lors d’une nouvelle audience, qui doit se tenir demain, 11 avril. La haute cour devra statuer sur l’arrêt de la cour d’appel de Paris qui, en mai 2011, avait annulé le PSE de Vivéo au stade de la procédure d’information consultation, estimant qu’il n’était pas fondé sur un motif économique, empêchant de fait l’entreprise de prononcer les licenciements.

Respect du principe de contradiction

C’est un point de procédure qui a entraîné ce nouveau délai : l’avocat général – qui s’est prononcé pour la cassation de l’arrêt de la cour d’appel de Paris – avait consulté l’ANDRH et la DGT sur cette affaire, mais ces deux avis n’avaient pas été transmis aux parties. C’est pour « respecter le principe de la contradiction » que les magistrats avaient ajourné leur décision. Dans l’intervalle, la CGT, la CFDT et le Medef leur ont également envoyé leurs observations.

La décision des juges est particulièrement attendue par les entreprises et leurs avocats, que l’arrêt en question, mais aussi d’autres qui sont allés dans le même sens (lire ci-contre), commencent à émouvoir sérieusement. En jeu ? Ni plus ni moins que « l’attractivité économique de la France » et « sa capacité à retenir ou créer des emplois », selon le syndicat d’avocats d’entreprises Avosial, qui a interpellé les candidats à l’élection présidentielle à ce sujet le 16 février, inquiet d’une « tendance judiciaire qui remet en question la procédure de licenciements économiques en France » et « qui vise à rendre impossibles les plans de sauvegarde de l’emploi ».

Autorisation judiciaire du licenciement

Jusqu’à présent, les juges du TGI, lorsqu’ils suspendaient ou annulaient en référé une procédure de PSE, le faisaient sur la base du non-respect de la procédure (défaut d’information du CE, par exemple) ou de l’insuffisance des mesures de reclassement, « seul motif d’annulation prévu par le Code du travail », souligne Déborah David, avocate au cabinet JeantetAssociés. Les directions pouvant alors revoir leurs copies. Parallèlement, l’annulation des licenciements pour absence de cause réelle et sérieuse ne survenait qu’a posteriori, lorsque les prud’hommes étaient saisis, et donnait lieu à des dommages et intérêts. Du coup, certaines entreprises, en prévision d’une condamnation future, incluent le coût de la réparation du préjudice dans celui du PSE. « Par exemple, des filiales qui ne se portent pas bien, mais appartiennent à un groupe international qui, lui, ne rencontre pas de difficultés sur le secteur d’activité concerné, savent que la motivation économique ne sera pas justifiée en droit français, et provisionnent les dommages et intérêts », illustre l’avocate.

C’est cette architecture que sont venus bousculer les arrêts Vivéo et consorts. Pour Déborah David, « ils restreignent de façon substantielle la façon dont les entreprises peuvent prendre des décisions, et la liberté d’entreprendre. S’ils étaient confirmés, cela conduirait à instituer une autorisation judiciaire du licenciement, en remplacement de l’ancienne autorisation administrative ». Mais pour d’autres juristes, ces arrêts sont venus mettre un terme à une dérive des employeurs. « On ne peut pas violer la loi en toute impunité sous la seule réserve que l’on va indemniser ensuite les personnes, s’insurge Isabelle Taraud, animatrice de la commission droit social du Syndicat des avocats de France. S’il n’y a pas de motif économique, il ne doit pas y avoir de licenciement économique ».

Pour Pascal Lokiec, professeur de droit à l’université Paris-Ouest Nanterre-La Défense, la confirmation de l’arrêt de la cour d’appel aurait moins d’impact que ce que craignent les employeurs. Pour lui, l’enjeu est de permettre aux juges, « non pas d’apprécier la cause réelle et sérieuse du licenciement au moment de la procédure, mais seulement de vérifier l’existence manifeste d’un motif économique. Ce serait donc un contrôle plus faible, et qui ne concernerait que peu d’entreprises, celles qui engagent des licenciements d’économie uniquement en vue de réduire leurs coûts. » Les licenciements dits “boursiers”, en somme. Une hypothèse qui donnerait un poids assez considérable au rapport de l’expert du CE. Dans les affaires en question, l’employeur a d’ailleurs « péché par excès de confian­ce, en ne contestant pas les conclusions des experts », note Déborah David.

Dans quelle voie ira la chambre sociale de la Cour de cassation ? Ce qui est sûr est que les termes de son arrêt, quel qu’il soit, seront abondamment détaillés par les juristes. Et que les plans de départs volontaires ont encore de beaux jours devant eux, même si la Cour de cassation commence aussi à tracer, en la matière, quelques limites.

Auteur

  • ÉLODIE SARFATI