C’est face aux difficultés rencontrées de plus en plus fréquemment sur le terrain par des responsables RH ou des managers que la direction d’EDF a décidé en 2007 de prendre à bras le corps la question religieuse. À l’origine de ces questions managériales, des demandes nouvelles liées à l’arrivée dans l’entreprise de générations plus jeunes issues de l’immigration et souvent de confession musulmane.

Quelques années plus tôt, une étude menée au sein de l’entreprise par IMS-Entreprendre pour la Cité avait mis en lumière la difficulté de la question : « Nous avions constaté que deux sujets étaient tabous : la religion et l’orientation sexuelle, se souvient Catherine Delpirou, responsable reconnaissance et vie au travail du groupe. Cette difficulté à parler de religion n’était pas très étonnante, EDF étant souvent assimilée à la fonction publique et à son obligation de neutralité. »

S’inspirant de ce qui avait été fait au sein de sa filiale britannique, EDF décide d’adopter une démarche pragmatique susceptible d’aider les managers dans les situations quotidiennes. Elle contacte en 2009 Cultes et cultures, un cabinet de conseil spécialisé dirigé par Dounia Bouzar. Quatre groupes de travail réunissant sept ou huit opérationnels, managers ou RH, sont ainsi créés dans toute la France, les organisations syndicales étant consultées parallèlement. « Nous avons beaucoup insisté pour travailler à partir des situations concrètes », souligne Catherine Delpirou.

Résultat, un guide intitulé “Repères sur le fait religieux”, qui s’articule selon deux axes : la protection de l’individu et les intérêts de l’entreprise. Le document présente une série de situations concrètes, classées selon leur nature (comportement, jeûne, prière, signes religieux, fêtes, rites alimentaires). Il les analyse au regard des six critères établis par la Halde (lire p. 22) : conditions de sécurité, sûreté des installations, conditions d’hygiène, aptitudes professionnelles pour une mission donnée, organisation du travail, protection contre le prosélytisme et intérêts commerciaux de l’entreprise. Suit un développement sur les textes en vigueur, lois et jurisprudence.

Présenté en comité de direction, puis aux équipes RH, aux managers et aux organisations syndicales, le guide a fait l’objet d’une diffusion classique, relayée par la presse interne. L’initiative n’a cependant fait l’objet d’aucun suivi ni d’évaluation. « Nous avons fait confiance à l’intelligence du terrain », souligne Catherine Delpirou, qui indique que le guide n’a pas vocation à apporter des réponses toutes faites. Par exemple sur l’aménagement d’un lieu de prière : « Contrairement à ce qu’ont pu faire d’autres entreprises, il n’existe pas de salles de prière en tant que telles dans nos établissements, ce qui n’empêche pas un manager, le cas échéant, de dédier une salle multi-usage à cet effet, le temps de la prière. »

Catherine Delpirou souligne que plus aucune question sur le fait religieux n’est remontée du terrain depuis la diffusion du guide. Une affirmation à nuancer au regard des observations des organisations syndicales. « Après enquête chez nos élus, on constate que le document reste peu connu, souligne Jean-Michel Bassal, délégué syndical central CFE-CGC. Il est donc difficile de savoir si ce guide change quoi que ce soit au quotidien. La religion reste en tout cas un sujet sensible qui, pour beaucoup de salariés, n’a pas sa place dans le cadre du travail. »

Primé en 2010 aux trophées de la diversité d’IMS-Entreprendre pour la Cité, le guide a néanmoins valu à EDF d’être sollicitée par d’autres entreprises intéressées par la démarche.