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Enquête

UN CODE DE DÉONTOLOGIE POUR INSTAURER LA NEUTRALITÉ

Enquête | publié le : 03.04.2012 | CATHERINE DE COPPET

À l’instigation du DRH de l’une des filiales françaises de Reed Elsevier, la version locale du code de déontologie du groupe a intégré le concept de laïcité. Un cas cité en exemple par le Haut conseil à l’intégration.

De la personnalité d’un DRH dépend souvent la façon dont les process d’entreprise sont appliqués. Exemple en 2009 au sein de Reed Expositions, une filiale française du groupe de médias britannique Reed Elsevier spécialisée dans l’événementiel. Le DRH de l’époque, Jean-Pierre Vailhé, se voit dans l’obligation d’appliquer le code de déontologie conçu au niveau du groupe. Ce code, qui ambitionne, selon le Pdg, de donner « les précisions pour résoudre les nombreux problèmes juridiques et éthiques » auxquels les salariés sont confrontés, aborde « les relations avec les partenaires commerciaux » (acceptation de cadeaux, etc.) et les « administrations publiques » (risque de corruption pour obtenir la faveur d’agents publics), la « confidentialité des données », ainsi que le « respect des collègues et de l’environnement de travail ». C’est sous ce dernier intitulé que la version française intègre la notion de laïcité, dans un sous-chapitre relatif à la discrimination : « Nous recrutons, assurons la promotion […] sans tenir compte de la race, de la couleur de la peau, de la religion, de l’origine nationale, du sexe, de l’orientation sexuelle, du statut matrimonial, de l’âge, des invalidités ou de toute autre appartenance à une catégorie protégée par la loi. Ceci inclut le fait de donner à tous des conditions de travail raisonnablement adaptées aux handicaps, mais aussi aux croyances ou pratiques religieuses de nos employés, dans le respect des lois garantissant la laïcité des lieux tant publics que privés. » Ici, c’est bien la neutralité des lieux de travail qui est instaurée, alors même que la loi française n’impose cette neutralité que dans le secteur public.

Éviter les clivages

Or, le texte anglais d’origine ne fait aucune référence à la laïcité ni a fortiori aux lois censées la garantir. « J’ai saisi l’opportunité que constituait la traduction pour y intégrer la notion de laïcité, que la loi française nous interdit d’évoquer dans le règlement intérieur, explique Jean-Pierre Vailhé. La religion ne doit pas s’immiscer dans le management, au risque d’ajouter des clivages supplémentaires. Il s’agit d’un souci d’organisation autant que d’une position idéologique. »

Une fois rédigé, le texte a été présenté aux organisations syndicales et diffusé aux salariés, qui ont ensuite dû répondre à un questionnaire en ligne pour tester leur assimilation du code. « Il y avait très peu de questions sur le fait religieux, l’essentiel concernait les relations commerciales », se souvient Hélène Sanchez, élue CFE-CGC au CHSCT.

Hauteur de vues

Au quotidien, le DRH a imposé sa vision, sans faire explicitement référence au code. « Il a refusé d’octroyer un jour de congé à des salariés qui souhaitaient pouvoir fêter Kippour en pleine période de salons, c’est-à-dire exclue normalement pour des congés, soulignant que l’entreprise était un lieu laïque, témoigne Hélène Sanchez. De même, les repas de la cantine d’entreprise ne sont pas toujours adaptés à ceux qui ne mangent pas de porc, ce que je rappelle régulièrement en CHSCT. » Pour le DRH, proposer des menus alternatifs ou accéder à des demandes particulières aurait signifié « mettre le doigt dans un engrenage ».

Jean-Pierre Vailhé estime cependant que sa politique a pu s’imposer en raison du profil des salariés : « Il s’agit d’une entreprise avec plus de 70 % de cadres, avec une certaine hauteur de vues, y compris chez les personnes pratiquantes. Je ne juge pas ce que d’autres DRH font dans leur entreprise, il faut parfois réagir différemment. »

Dans son avis du 1er septembre 2011, le Haut conseil à l’intégration a estimé que « ce code assur[ait] au moins une objectivation par rapport à la neutralité du contrat de travail de droit privé qui n’aborde pas la question religieuse ». Aucun changement n’a semble-t-il été opéré depuis le départ du DRH en février dernier. Sa remplaçante n’a pas souhaité répondre à nos questions.

REED EXPOSITIONS

• Activité : organisation de salons professionnels.

• Effectif : 440 salariés en France.

• Chiffre d’affaires 2011 : 6,9 milliards d’euros pour Reed Elsevier.

Auteur

  • CATHERINE DE COPPET