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Enquête

LE RÈGLEMENT INTÉRIEUR RETOQUÉ

Enquête | publié le : 03.04.2012 | R. L. S.

L’enseigne Auchan avait inscrit dans son règlement intérieur l’interdiction de porter des signes ostentatoires. Mais elle modifie actuellement le texte, comme l’en a sommée l’inspection du travail.

En septembre 2007, Auchan intègre dans son règlement intérieur l’interdiction pour ses salariés « de porter de façon ostensible tout signe d’appartenance à une religion, à un parti politique, à un mouvement militant », au motif d’« une neutralité dans l’expression des convictions et opinions » des employés… La direction demande tout de même son avis à la Haute autorité de lutte pour les discriminations et pour l’égalité (Halde), qui rejette le texte dans une délibération du 3 mars 2008.

Pour son ancien président, Louis Schweitzer, Auchan « ne saurait, de sa propre initiative, imposer une telle interdiction absolue et générale à ses salariés », au nom de la liberté d’expression. Cette dernière peut seulement être restreinte en cas d’« impératifs de santé ou d’hygiène sanitaire » ou de contacts commerciaux. En clair, selon la Halde, une caissière d’Auchan pourrait se voir interdire le port du voile, mais pas la comptable, qui n’a aucune relation avec la clientèle.

L’interdiction de port de signe ostentatoire est tout de même intégrée dans le règlement intérieur… Jusqu’à l’intervention de l’inspection du travail, en juillet 2011, qui exige une nouvelle version. « La Direccte a rejeté un certain nombre d’articles et a demandé à ce qu’il soit davantage fait référence au Code du travail », indique Bruno Delaye, délégué syndical CFTC. Parmi les changements demandés, la mention des « signes ostentatoires »… qui relance la polémique sur la religion dans l’entreprise.

« Nous ne sommes pas dans un débat purement religieux, insiste le représentant CFTC, syndicat majoritaire de l’entreprise. Je n’accepterais pas que quelqu’un vienne au travail avec une croix de 15 cm comme celle de mon évêque, ni qu’une salariée se présente avec un voile ou un t-shirt injurieux. Nous avons des droits et des devoirs vis-à-vis des clients et des collègues. »

Et Bruno Delaye d’anticiper, au vu du texte actuellement en cours d’élaboration : « Le règlement intérieur va devenir insipide, très neutre et comme les interdictions ne seront pas écrites, il sera laissé libre cours à l’interprétation. Je ne crois pas que cela soit favorable aux salariés. Sans écrit qui donne les bases, certaines tenues vont être acceptées dans un site, mais pas dans les 240 autres… Cela va nous mener à des différences de traitement, à du juridisme et à des notes de service locales qui vont encourager les procédures de contestation. »

Priorité à la laïcité

Pourtant, même avec le règlement intérieur précédent, les tensions de cet ordre existaient déjà, comme le confie Guy Laplatine, délégué syndical central CFDT, qui donne aussi la priorité à la laïcité : « Il y a eu une série d’événements à Bagnolet [93] avec des femmes qui portaient le voile et qui refusaient de l’enlever malgré le règlement intérieur. Finalement, une solution a été trouvée : elles ont été mises à un poste où elles ne sont pas en contact avec le public. »

Et même si cela n’est pas inscrit sur les tenues des cadres, « dans l’empire Mulliez, la tradition bourgeoise chrétienne est visible tous les jours dans le management ! » estime Guy Laplatine. La direction, elle, ne souhaite pas s’exprimer sur un texte dont la rédaction n’est pas achevée. Les modifications apportées au règlement intérieur alimenteront les débats du futur comité central d’entreprise, prévu prochainement.

Retrouvez la délibération de la Halde concernant Auchan sur <www.wk-rh.fr>, rubrique Entreprise & Carrières, puis docuthèque.

GROUPE AUCHAN

• Activité : grande distribution.

• Effectif : 269 000 salariés dans le monde.

• Chiffre d’affaires 2011 : 44,4 milliards d’euros (HT).

PSA, 50 ans de cohabitation avec les musulmans

« Dès les années soixante, PSA Peugeot Citroën a fait appel à des salariés venus du Maghreb. Afin de les accueillir, le groupe a mis en place de nombreux dispositifs dont bénéficient encore aujourd’hui les immigrés de la deuxième génération », décrit Paul-Philippe Uhel, responsable RSE à la DRH de PSA.

Cette ancienneté explique la coexistence harmonieuse entre les demandes de salariés musulmans (aucune autre religion n’est concernée) et les contraintes de l’entreprise. Christian Lafaye, DS central de FO, confirme n’avoir « jamais eu vent de problèmes, uniquement de solutions ».

La politique de PSA est d’adapter à chaque cas et à chaque site quelques règles simples qui concernent surtout le temps de travail. Celles-ci ne sont formalisées nulle part, mais Paul-Philippe Uhel les expose. Première règle : « PSA met en place une salle de prière dès lors qu’un salarié en fait la demande, le but étant d’éviter les pratiques clandestines ; un salarié est désigné pour s’occuper de la salle. » Deuxième règle : « Un salarié ne peut pas abandonner son poste de travail : la pratique d’une religion se fait sur le temps de pause. »

Il existe donc des salles de prière pour les musulmans sur plusieurs sites industriels du constructeur, dont certaines sont récentes, comme à Rennes. Les sites tertiaires ne sont pas concernés, mais lorsqu’un stagiaire du site de l’avenue de la Grande-Armée, à Paris, a demandé une salle, la direction en a mis une à sa disposition pendant la durée de son stage. « Les salles de prière sont souvent d’anciens locaux réaménagés », décrit Paul-Philippe Uhel. Leur taille « modeste » suffit à la demande.

Les pauses et les congés tiennent compte des attentes des pratiquants. Ainsi, « pendant le ramadan, les pauses coïncident avec la rupture du jeûne ». Pour la fête de l’aïd, au cours de laquelle beaucoup de musulmans demandent à partir en congé, l’entreprise organise un roulement d’une année sur l’autre.

Les cantines de PSA ne prévoient pas de menus particuliers pour les musulmans ; en revanche, il existe des distributeurs de sandwichs halal. Enfin, « nous ne rencontrons pas de problème de signes religieux ostentatoires car les salariés des sites industriels n’ont pas de relations avec le public ; en outre, le port de vêtements de travail est obligatoire pour des raisons de sécurité », explique Paul-Philippe Uhel. Toutefois, « une salariée peut porter un voile sous sa casquette si les règles de sécurité sont respectées ».

La cohabitation étant paisible, Paul-Philippe Uhel ne soutient donc pas la demande du HCI (lire p. 22) de donner à l’entreprise la possibilité de restreindre la liberté d’expression au nom de la « paix sociale interne ».

Auteur

  • R. L. S.

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