Avec un effectif de près de 270 000 personnes, soit à peu près 1 % de la population active, La Poste compose forcément avec une large diversité, y compris en matière de convictions religieuses. Une réalité dont s’arrangent avec plus ou moins de réussite les managers, plutôt démunis. « Un certain nombre de remontées du terrain nous laissaient penser qu’ils s’arrangeaient comme ils pouvaient. Ce qui ne satisfaisait ni les managers eux-mêmes, ni les services RH confrontés à un traitement différencié du fait religieux », explique Sylvie Savignac, directrice diversité et égalité des chances. La question n’était toutefois pas si récurrente. Pour preuve, le dispositif interne de recours pour des réclamations relatives à la discrimination faisait état de très peu de cas liés à la pratique de la religion. « Elle restait toutefois posée », souligne la responsable. Il y a deux ans, une équipe projet, constituée autour de la direction diversité et diligentée par le président de La Poste, s’en est donc emparée.

« Nous avons délibérément pris du temps pour nous informer et notamment pour rencontrer de nombreux spécialistes du sujet, parmi lesquels l’anthropologue Dounia Bouzar(1) et Patrick Banon, chercheur en sciences des religions(2) », explique-t-elle. Elle s’est également rapprochée de l’association IMS-Entreprendre pour la Cité et de la Halde, puis est allée à la rencontre des chefs de service des différents métiers du groupe postal. Elle poursuit d’ailleurs aujourd’hui cette démarche de réflexion pour une meilleure compréhension et appréhension du sujet dans le cadre d’une commission de travail de l’Association française des managers de la diversité (AFMD), pilotée conjointement par La Poste et l’Institut de science et de théologie des religions (ISTR) de l’Institut catholique.

Au lendemain de ces consultations, il est apparu un besoin de réponses simples et précises. Il est également apparu évident que la question de l’expression des convictions religieuses ne devait pas être appréhendée dans l’absolu mais dans le cadre de l’entreprise stricto sensu et replacée au cœur du travail. « Nous l’avons donc mise en perspective avec notre statut d’entreprise assurant des missions de service public, composée à la fois de fonctionnaires, soumis à l’absolue neutralité, et de contractuels. Quelques règles de principe ont alors été prises, validées par la direction juridique comme fondement d’un premier cadre », signale Sylvie Savignac, précisant qu’elles n’ont pas été intégrées au règlement intérieur. Il a notamment été décidé qu’aux postes d’accueil du public, au guichet, cette obligation de neutralité valait désormais pour tous. Idem pour les facteurs.

Mais, pour la DRH, si rien n’était écrit, rien ne se passerait. « Il fallait choisir un support, le débat a été soutenu. Finalement, l’option d’un guide a été retenue, pour servir les managers. » En 2010, un document de 12 pages, intitulé Fait religieux et vie au travail – Quelques repères, a donc vu le jour, puis a été distribué aux DRH, chargés ensuite de le rendre disponible aux différentes directions métiers, en plus d’être accessible sur l’intranet, et évoqué à l’occasion des formations aux risques de discriminations. « Notre propos : faire simple, donner des réponses les plus claires possibles aux situations les plus couramment rencontrées pour une appropriation facile et dédramatisée », souligne la directrice diversité.

Après un premier rappel du droit, le guide aborde dix situations concrètes, inspirées en majorité de cas vécus à La Poste et mises en scène sous la forme de questions : peut-on interroger un(e) candidat(e) sur sa religion ? Plusieurs postiers(ères) d’une même brigade demandent le même jour de congé pour fêter un événement religieux non férié. Doit-on accorder ce jour de congé à tous ? Que répondre à un(e) postier(ère) qui demande de pouvoir effectuer ses prières pendant les heures de travail ?…

Si, après deux ans d’existence, ce guide est, selon les services RH, utile et utilisé par le management, Sylvie Savignac entend avoir une vision précise de son usage à l’aide d’une vaste étude sur la problématique élargie de la diversité. « Un bon moyen de savoir s’il convient de faire évoluer son contenu. »