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Enquête

SAUVEGARDER L’EMPLOI : THÈME CENTRAL DE LA CAMPAGNE

Enquête | publié le : 27.03.2012 | E. S.

Pour éviter les plans sociaux, le candidat sortant mise sur les accords compétitivité-emploi. À gauche, on avance le durcissement des conditions du licenciement, à des degrés divers.

Comment ne pas désespérer Florange… En visite sur le site lorrain le 24 février, François Hollande a donné un aperçu de ce que la gauche proposera pour encadrer les fermetures d’entreprise. Quelques jours plus tard, il déposait une proposition de loi à l’Assemblée – qui n’a pas été mise à l’ordre du jour – visant à contraindre un groupe à céder une usine à un repreneur au lieu de la fermer.

Le programme du candidat socialiste va plus loin. En effet, François Hollande veut « renchérir le coût des licenciements collectifs dans les entreprises qui versent des dividendes ou rachètent leurs actions », mais également donner aux salariés “victimes” des “licenciements boursiers” la possibilité de « saisir le tribunal de grande instance dans les cas manifestement contraires à l’intérêt de l’entreprise ». Ce qui inquiète Paul-Henri Antonmattei, avocat et professeur à l’université de Montpellier 1 : « Qu’est-ce que cela recouvre techniquement ? S’agit-il d’interdire en amont les licenciements ? » s’interrogeait-il lors d’une conférence du club DéciDRH.

Davantage de contraintes

Un pas que franchit Jean-Luc Mélenchon, qui se place sur le terrain de l’interdiction des “licenciements boursiers” et de la « distribution de dividendes pour les entreprises qui licencient ». Il se prononce en faveur du rétablissement de l’autorisation administrative de licenciement et d’un « droit de véto suspensif sur les licenciements » avec « l’obligation d’examiner les contre-propositions présentées par les syndicats ».

Récemment, une proposition de loi déposée par des sénateurs communistes a tenté d’aller dans le sens d’une contrainte plus forte pour les entreprises. Voté par les sénateurs socialistes, communistes et écologistes – et rejeté à 6 voix près (celles des radicaux de gauche) mi-février –, le texte prévoyait d’empêcher une entreprise ayant distribué des dividendes « au titre du dernier exercice comptable écoulé » de prononcer des licenciements économiques.

À droite aussi, des mesures législatives ont été prises pour tenter de maintenir l’emploi. Parce qu’il ne fallait pas non plus désespérer Petroplus, une proposition de loi a été votée fin février par la majorité (soutenue par les socialistes) visant à « empêcher le détournement d’actifs d’une entreprise défaillante ». Ce texte permet au tribunal de commerce de prendre des mesures conservatoires dès la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire.

Adaptation des salaires et du temps

En marge de ces initiatives, la principale mesure évoquée par Nicolas Sarkozy pour éviter les licenciements réside dans la possibilité de conclure, entreprise par entreprise, des accords de compétitivité-emploi. Inspirés des pactes pour l’emploi allemands, ils permettraient à une entreprise de négocier l’adaptation des salaires et du temps de travail, et de l’appliquer sans que cela ne constitue une modification du contrat, en échange d’une garantie d’emploi (lire p. 26). Ils trouveraient donc à s’appliquer pour éviter un plan social.

Soutenu notamment par l’AN­DRH, ce type d’accord a été expérimenté à plusieurs reprises en France, avec des succès divers. À l’exemple réussi de Poclain Hydraulics (lire ci-contre) répond celui de Continental, qui a fermé fin 2009 son site de Clairoix malgré une garantie d’emploi et la hausse de la durée du travail à 40 heures hebdomadaires.

Sur le principe, François Hollande n’est pas opposé à ces pactes. À condition, expliquait-il lors de sa visite sur le site de Florange, qu’ils ne servent pas à remettre en cause la durée légale du travail. « Ces accords doivent être équilibrés, permettre de tendre les fils jusqu’au redémarrage de l’activité, mais nous n’accepterons pas de remettre en cause le contrat de travail. Le salarié qui refuse de baisser sa rémunération ne doit pas perdre son emploi sans indemnités », explique Jean Mallot, membre de l’équipe de campagne du candidat socialiste.

Suspension possible d’un PSE

En tout état de cause, la question des licenciements économiques n’a pas fini d’animer la campagne. Car la Cour de cassation rendra prochainement sa décision sur l’arrêt Vivéo, confirmant ou infirmant la possibilité de suspendre un PSE pour absence de motif économique. Et la position des juges pourrait bien intervenir aux alentours du premier tour de la présidentielle.

POCLAIN HYDRAULICS, L’EXEMPLE D’UN ACCORD COMPÉTITIVITÉ-EMPLOI RÉUSSI

Baisser la durée du travail et les salaires le temps de passer la crise : c’est le marché qu’a proposé aux salariés la direction de Poclain Hydraulics, groupe familial de 1 700 salariés, dont 500 personnes en France (essentiellement dans l’Oise). Avec un certain succès : signé fin 2008 avec les 2 syndicats de l’entreprise (CGT et CFE-CGC), l’accord « a permis d’économiser 28 % de la masse salariale et d’éviter un plan social de 120 personnes », indique le DRH Alain Everbecq, à un moment où le chiffre d’affaires chutait brutalement. Concrètement, le temps de travail et les salaires ont été réduits de 20 %, entre mars et décembre 2009. Mais, pour en atténuer les effets, un accord d’intéressement exceptionnel a été conclu en même temps (sur les résultats de 2008) et a permis de limiter les pertes de rémunération dans une fourchette allant de 5 % pour les ouvriers à 15 % pour les cadres.

39 salariés de Poclain Hydraulics ont refusé cette modification et ont été licenciés pour motif personnel. Un motif validé fin octobre par le conseil de prud’hommes, « puisque la baisse de salaire s’est accompagnée d’une baisse concomitante du temps de travail », explique le DRH.

Au-delà de l’aspect juridique, Alain Everbecq reconnaît que de tels accords ne peuvent être gagnants que si les salariés ont confiance. Ce qui passe par « une vraie démocratie interne, un dialogue social constant, le respect des engagements pris ». L’amélioration de la situation économique a permis de limiter dans le temps les effets de l’accord. Gage d’une certaine réciprocité, « en mars 2010, nous avons redistribué un tiers des bénéfices de 2009, avant même d’ouvrir les NAO. Au final, les salaires ont augmenté de 3 % à 4 % en 2010 ».

Auteur

  • E. S.