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« La formation ouverte et à distance connaît une montée en puissance incontournable »

Enquête | publié le : 06.03.2012 | LAURENT GÉRARD

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« La formation ouverte et à distance connaît une montée en puissance incontournable »

Crédit photo LAURENT GÉRARD

E & C : Où en est l’e-learning aujourd’hui et, plus largement, la formation ouverte et à distance, FOAD ?

J. B. : La FOAD vit une série de paradoxes. Elle connaît une montée en puissance incontournable, mais subit toujours des freins. Les innovations de terrain sont multiples, mais on n’en est plus au stade expérimental. Son développement exprime une industrialisation importante, mais celle-ci est complexe et parfois contradictoire. Le blended learning, qui mêle distance et présentiel, connaît un vrai succès, mais son évaluation précise est toutefois limitée, car difficile à effectuer. En s’appuyant sur l’évolution constante et rapide des potentialités des technologies et sur la déferlante des usages sociaux du Web, la formation a réussi sa mutation grâce aux technologies et tout aujourd’hui est FOAD !

La plupart des appels d’offres promeuvent son utilisation, l’individualisation poursuit son chemin grâce aux technologies, la majorité des apprenants et des étudiants utilisent leurs ordinateurs pour rechercher, produire, apprendre, communiquer… donc le pari est réussi.

E & C : Quels sont les freins à son développement dans les entreprises françaises ?

J. B. : Les freins ne sont plus juridiques, car l’imputation de la FOAD sur les déclarations fiscales est maintenant facilitée, mais ils sont pratiques et culturels.

La pleine logique de l’utilisation de ces outils numériques bouleverse l’organisation de l’entreprise, or les réticences portent, par exemple, sur l’aspect asynchrone d’accès à l’apprentissage, qui permet de se former quand on veut. Je suis sidéré de voir perdurer les dispositifs synchrones, parce que les entreprises veulent voir leurs salariés suivre des formations lors de plages horaires définies.

Dans beaucoup d’entreprises, les règles d’organisation se sont durcies, avec davantage de contrôle du temps : sont ainsi revenus en force les systèmes où l’employeur souhaite savoir à quoi les salariés passent leur temps. FOAD et e-learning ne riment pas avec organisation du travail rigide, mais avec révolution dans l’organisation. Par ailleurs, beaucoup plus de personnes qu’on l’imagine dans nos milieux branchés ne sont pas convaincues, et pensent encore que ce n’est pas “une vraie bonne formation”, car elles gardent en tête la référence de l’école. D’autres, enfin, sont craintifs face à une perte d’autorité. D’autres encore pensent que la formule n’est pas économique, alors que de multiples exemples montrent le contraire.

Il est vrai que la FOAD remet en question la position du formateur qui n’est plus le dispensateur de contenus ; mais, de toute façon, on ne pourra aller contre car, à terme, les publics n’accepteront plus autre chose et, plus globalement, ce sera la seule formule pour former demain 7 milliards de Terriens.

E & C : Le problème essentiel provient-il du financement de la FOAD ?

J. B. : Du côté des financeurs, nous sommes dans une drôle de situation. Les obstacles légaux ont été levés, les obstacles des grandes fédérations aussi, avec une unanimité déclarée des organisations professionnelles au niveau national, mais les représentants des mêmes organisations, dans les instances locales où ils siègent, ont des avis, voire des convictions personnelles, inverses. La réalité du terrain évolue trop lentement, avec des acteurs plus frileux que la loi. Je ne peux que conseiller la lecture du “Vademecum du financement de la FOAD” réalisé par le Fffod (2), qui a vocation à servir de guide pratique en direction des Opca et des Opacif.

E & C : Que les salariés préfèrent se former sur le temps de travail, comme dans le cas du DIF par exemple, n’est-ce pas aussi un frein à la FOAD ?

J. B. : La réponse est oui ! Mais, en réalité, c’est bien au-delà d’un problème “d’habitude”. Tout le consensus social depuis la loi de 1971, et même avant, s’est construit en France sur l’idée de la formation pendant le temps de travail, et ceci est vécu par les salariés comme plus ou moins un “droit”. Il est vrai qu’aux États-Unis, en Europe du Nord, etc., où cette notion d’un droit à la formation pendant le temps de travail n’existe pas, la FOAD a pu se développer beaucoup plus librement. D’autant que, dans ces pays, la responsabilité du maintien ou du développement des compétences de chaque salarié relève clairement du salarié lui-même. Avant même le développement des technologies éducatives, ce sont des pays où les cours du soir et par correspondance étaient plus répandus qu’en France, d’où un environnement plus favorable à la FOAD.

Par ailleurs, les diverses tentatives pour promouvoir en France les formations hors temps de travail, y compris avec rémunération complémentaire, ont finalement abouti à presque rien, par consensus négatif et des salariés et des employeurs, bien que cela ait donné lieu à un accord national interprofessionnel.

(1) Il est également vice-président de la Fédération de la formation professionnelle et délégué général du Cesi.

(2) <www.fffod.fr>

Auteur

  • LAURENT GÉRARD