La manière dont chacun avance en terre inconnue constitue un excellent révélateur de sa nature profonde, de ses forces et de ses limites. Les managers très sûrs d’eux ont du mal à dire qu’ils ne maîtrisent pas la situation. Ils avancent donc avec orgueil comme si de rien n’était. Sans réaliser que leurs équipes ont besoin de les entendre décrire les changements de notre société, mesurer l’impact de ces transformations sur l’activité de l’entreprise, étudier les scénarios possibles, choisir des actions que tous peuvent comprendre. Souvent, l’arrogance fait avancer en aveugle, en oubliant l’écoute du terrain et la pédagogie.

À l’autre bout du spectre, les managers qui doutent et se questionnent hésitent à prendre des décisions. Leurs équipes angoissées tournent en rond. On analyse éternellement les mêmes problèmes, on remet sur le tapis les mêmes sujets, mais rien n’avance. La solution adoptée consiste souvent à ne rien faire ou à réduire la voilure.

Entre arrogance et immobilisme, une piste d’action collective est le respect. Respecter les faits : oui notre pays est surendetté, oui l’entreprise doit faire face à des situations nouvelles, oui certains résultats nous interrogent. Respecter aussi les personnes : les questions sont complexes mais nous ne sommes pas démunis ; écoutons les idées de chaque collaborateur, coconstruisons des solutions. Nous avons construit une économie globalisée, il nous reste à bâtir un monde qui se comprend et replace l’homme au centre. Respect des valeurs : les valeurs se voient davantage dans la façon dont on s’y prend que dans les intentions que l’on affiche. Respecter son intuition, enfin : toute personne possède une forme de sagesse intérieure, qui émet constamment des messages. Notre défi est de calmer notre agitation, afin de pouvoir les entendre.

Autre piste pour mieux naviguer dans l’incertitude : écouter les leçons que nous donne le quotidien. Ce n’est pas un exercice facile, mais il est essentiel. En effet, la vie nous procure constamment des feed-back. Ce retour d’information peut venir des situations (mon projet marche ou non, mes efforts portent leurs fruits) mais aussi des personnes (elles me félicitent ou me critiquent, elles sont d’accord avec moi ou non). Si l’on accepte de se mettre dans un état d’esprit d’apprentissage, le chemin s’éclaire. Car, en prenant en compte les perspectives des autres, chacun enrichit sa façon de penser. On perçoit la situation d’une façon plus systémique, plus complète, donc plus pertinente.

L’orgueilleux a du mal, car son amour-propre est vite touché par les remarques d’autrui. Au lieu d’entendre un bout de vérité derrière ce qui lui est renvoyé, il se ferme et en veut à celui qui l’a blessé. La personne qui doute d’elle-même n’est pas mieux lotie, car elle se sent fragile. Les retours qu’elle reçoit sont vécus comme des sentences. Elle s’en veut et se rajoute d’elle-même une couche de dévalorisation (je n’y arrive pas, je suis nulle). Accepter les feed-back de la réalité qui nous entoure constitue pourtant un guide efficace pour avancer dans l’incertitude.

Quand un nouveau monde émerge, personne ne le connaît encore. La meilleure boussole consiste à sortir sa tête du sable, observer d’un œil neuf et accepter d’entendre ce qui se passe en soi et autour de soi.