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LA FORMATION NE FAIT PAS LE PLEIN

Enquête | publié le : 28.02.2012 | E. F.

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LA FORMATION NE FAIT PAS LE PLEIN

Crédit photo E. F.

La CFDT de Gironde est à l’origine d’une formation de tractoriste pour les femmes travaillant dans la viticulture. Il y a encore peu de candidates malgré une ingénierie très intéressante tant pour les salariées que pour les PME qui les emploient.

Pour produire le vin qui sera embouteillé sous l’étiquette de Pessac-Leognan, Margaux, Saint-Estèphe, ou Saint-Julien, les viticulteurs de Gironde emploient plus de 56 000 salariés. Ces derniers travaillent dans de petites exploitations de moins de 100 salariés, où ils sont majoritairement saisonniers, plus rarement en CDI et en CDI à temps partiel. Ce sont principalement des hommes (60 %) dont le salaire horaire moyen est de 12,92 euros, selon les chiffres de l’observatoire départemental des métiers du secteur. Les femmes, elles, gagnent 11,81 euros. « Cet écart s’explique par le fait que les femmes sont davantage sous-employées et sous-qualifiées que les hommes », observe Corinne Lantheaume, responsable CFDT de la production agricole de Gironde.

En outre, on les retrouve plus souvent dans les travaux payés à la tâche, en général peu qualifiés, et parfois pénibles, comme le “tirage des bois” (sectionnés par les tailleurs, les bois sont souvent entortillés dans les fils de fer et il faut les tirer), ou le “pliage” (qui consiste à attacher l’aste de vigne au fil de fer).

Elles travaillent également à l’“épemprage” (la coupe des bourgeons en trop), un geste plus technique et qualifié mais toujours payé à la tâche.

Or, « les employeurs se plaignent de ne pas trouver de tractoristes confirmés pour conduire et pratiquer les divers travaux de la vigne », indique Corinne Lantheaume.

Besoin de main-d’œuvre qualifiée

Sous-emploi, sous-qualification et risques d’inaptitudes d’un côté, besoin de main-d’œuvre qualifiée de l’autre : de là est née, en 2010, l’idée d’une formation en tracteur-école pour les femmes.

Les employeurs, représentés par la FDSEA, étaient intéressés : « Autant ces derniers n’ont pas la même position que les syndicats sur les salaires, autant la question de la formation fait consensus, car les employeurs ont besoin de faire monter les qualifications et d’améliorer l’image de la profession. » Il faut dire également que le dialogue social dans l’agriculture de Gironde est ancien et fonctionne plutôt bien.

Sollicité en janvier 2010, le conseil régional d’Aquitaine accepte le principe d’une formation expérimentale d’un an. Les 30 000 euros du coût annuel de la formation (37,44 euros de l’heure stagiaire) sont financés par l’Opca de l’agriculture (Fafsea) avec une subvention du conseil régional, et de l’Europe (FSE).

Remplacement du salarié financé

La formation est sanctionnée par un certificat de qualification professionnelle (CQP) d’ouvrier viticole. Surtout, le salaire de la personne en formation est pris en charge par le Fafsea, et celle-ci est remplacée par un autre salarié dont la rémunération est également prise en charge par le Fafsea – dispositif exceptionnel. Autrement dit, l’employeur bénéficie gratuitement d’un salarié.

Malgré cela, la formation n’a pas obtenu le succès escompté. La première promotion, qui s’est terminée au mois de juin, ne comptait que 6 femmes alors que 30 avaient été contactées. La suivante, qui s’est achevée en décembre, en comptait 8 mais une a abandonné en route.

Peur de s’engager

Les conditions de travail ne sont pas en cause. « Les femmes ont peur de s’engager car elles pensent que le métier de tractoriste n’est pas pour elles, explique Corinne Lantheaume. De plus, elles subissent la pression de leur mari et de leurs collègues. Sans compter les problèmes de garde d’enfants et le fait que des personnes ont eu peur de perdre une opportunité d’emploi si elles partaient en formation. » De retour de leur formation, les tractoristes ont fait face à des situations différentes. Une saisonnière en CDD a pu exercer ses nouvelles compétences chez son employeur, qui a en outre prolongé son contrat. Une intermittente (non payée lorsqu’elle ne travaille pas) a obtenu un travail à temps plein 2 catégories au-dessus. Mais une CDI travaillant dans une grande exploitation n’a jamais pu monter sur un tracteur. « L’employeur n’a pas voulu : blocage culturel. »

Corinne Lantheaume prépare une nouvelle promotion qui, de nouveau, peine à se remplir.

UN PROGRAMME GLOBAL

Le cahier des charges de la formation de tractoriste prévoit 40 heures de formation sur un mois, réparties en 3 modules. Entre chaque module, les apprenantes retournent dans leur entreprise. Elles sont formées à la conduite et aux travaux des vignes (par exemple, le labourage), sur des tracteurs récents et anciens ainsi que sur des machines viticoles comme les enjambeurs. Elles apprennent également la réparation mécanique. Il est prévu en outre un peu d’alphabétisation, afin de pouvoir effectuer les bons dosages de pulvérisation et de lire et rédiger un compte rendu de traitement.

Auteur

  • E. F.