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Enquête

« Il faut travailler sur l’articulation des temps et sur les stéréotypes »

Enquête | publié le : 28.02.2012 | E. F.

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« Il faut travailler sur l’articulation des temps et sur les stéréotypes »

Crédit photo E. F.

E & C : Féminiser des métiers masculins supposerait d’adapter les conditions de travail. L’Anact est-elle sollicitée par des entreprises sur cette question ?

F. C. : Beaucoup moins maintenant. Depuis une dizaine d’années, des entreprises nous sollicitaient pour des diagnostics mixité. Confrontées à une pénurie de main-d’œuvre, elles voulaient savoir à quelles conditions elles pouvaient accueillir des femmes. Les réponses étaient alors : des toilettes séparées, des équipements individuels adaptés, et une prise en compte des enfants, sachant que les postes avaient déjà fait l’objet d’actions d’amélioration des conditions de travail.

Ce type d’opérations, dont le bilan était d’ailleurs limité – les femmes ne restaient pas –, n’est quasiment plus demandé par les entreprises, sans doute parce qu’elles ne rencontrent pas les mêmes difficultés de recrutement.

E & C : Et pourtant, de nombreuses entreprises déclarent vouloir se féminiser et admettent rencontrer des difficultés.

F. C. : C’est vrai. Cependant, les résistances qu’elles rencontrent ne tiennent pas tant aux conditions de travail qu’à des problèmes d’articulation vie privée/vie professionnelle, et à des préjugés, tant du côté des employeurs que du côté des femmes et des hommes.

Ainsi cette fromagerie qui a recruté des femmes parce qu’elles seules étaient formées aux métiers, et qui s’est vue demander par les nouvelles embauchées de modifier les horaires ; les hommes qui occupaient les postes auparavant s’accommodant d’horaires de nuit ou très matinaux. Ainsi le secteur des services informatiques, très peu attractifs pour les femmes alors que les conditions de travail ne sont objectivement pas difficiles ; mais ces dernières craignent les horaires à rallonge.

C’est donc sur ces 2 questions d’articulation des temps via les horaires de travail et des stéréotypes sur les conditions de travail des métiers qu’il faut travailler. L’instauration de quotas dans les postes à responsabilité – qu’il faudrait d’ailleurs élargir au-delà de ce que prévoit la loi Copé-Zimmermann – et la valorisation de la parentalité masculine sont 2 leviers intéressants.

E & C : Dans les pays de l’Est, il semble que beaucoup de femmes occupent des postes qui, en France, sont masculins. Quel est leur secret ?

F. C. : Ce constat demanderait à être documenté. Mais il semble en effet que davantage de femmes travaillent sur les chantiers du BTP, dans la voirie, voire à des postes à responsabilité. C’est un legs de la société communiste, qui dans un sens était égalitaire. Il faudrait cependant vérifier si la tenue des postes pénibles a une incidence sur la santé.

Cela démontre dans ce cas que ce ne sont pas les conditions de travail qui bloquent la féminisation mais les représentations.

E & C : Pour justifier les efforts de féminisation, les directions invoquent souvent la création de richesse ainsi générée, et les syndicats l’amélioration des conditions de travail qui bénéficierait à tous. Que pensez-vous de ces arguments ?

F. C. : Je suis sceptique sur la création de richesse, un argument qui peut d’ailleurs se retourner contre les femmes. Le seul exemple dont je dispose à l’appui de cet argument fonctionne a contrario. Dans cette entreprise où un métier clé n’était occupé que par des hommes, il y avait un goulet d’étranglement dans la production, faute d’hommes en nombre suffisant pour les fluctuations de la charge de travail – alors que les femmes du même secteur auraient pu contribuer à fluidifier la production.

L’idée selon laquelle la féminisation rime avec l’amélioration des conditions de travail est davantage vérifiée, mais c’est le plus souvent l’amélioration des conditions de travail (parce que les entreprises ont besoin de recruter) qui précède la féminisation. Par ailleurs, l’arrivée d’hommes dans des métiers féminisés contribuerait sans doute à améliorer les conditions de ces métiers.

Auteur

  • E. F.