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« Le travail du dimanche se développe en s’appuyant sur les profils les plus fragiles »

Enquête | publié le : 21.02.2012 | ÉLODIE SARFATI

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« Le travail du dimanche se développe en s’appuyant sur les profils les plus fragiles »

Crédit photo ÉLODIE SARFATI

E & C : Pourquoi le travail du dimanche dans le commerce crée-t-il tant de polémiques alors qu’il est normalisé dans beaucoup d’autres secteurs ?

D. P. : Parce que la loi de 2009 a ouvert une brèche dans notre pacte social. Les enquêtes d’opinion montrent que, pour les Français, le dimanche est un jour avant tout réservé à la vie de famille, aux activités culturelles et sportives, et ils ne sont pas prêts à banaliser le travail dominical. Le développer dans des secteurs où il n’est pas indispensable remet donc en question l’équilibre de nos choix collectifs. Or, le droit est le reflet de la société, et les protections juridiques se placent au niveau de ce qu’elle accepte. C’est bien parce que le travail dominical est une forme de travail atypique qu’il est généralement mieux rémunéré. Le jour où il sera appliqué partout, il n’y aura pas de raison de continuer à le valoriser financièrement.

E & C : Dans son rapport d’avril 2011, l’OIT a critiqué la France à propos du travail dominical. Quelle peut être la portée de cet avis ?

D. P. : La convention 106 de l’OIT stipule bien que les dérogations au repos dominical doivent répondre à des motifs particuliers : nature du travail, importance de la population à desservir, etc. Partant de là, elle a considéré que la loi de 2008, qui a autorisé l’ouverture dominicale des magasins d’ameublement, n’avait pas assez pris en compte l’impact social sur les salariés et leurs familles. Et elle a pointé l’inégalité de traitement contenue dans la loi de 2009 qui n’assure pas les mêmes conditions aux salariés travaillant dans les Puce ou dans les zones touristiques. Pour l’instant, l’OIT engage le gouvernement à trouver des solutions pour y remédier. Nous sommes sur des procédures qui vont prendre du temps, mais si, à terme, l’OIT venait à condamner la France sur ces motifs, cela pèserait sur l’évolution de notre droit.

E & C : Y a-t-il un profil spécifique des salariés qui travaillent le dimanche ?

D. P. : Dans le commerce, il concerne souvent les jeunes, notamment les étudiants, et souvent des temps partiels. Mais ce que l’on voit se développer, c’est le recrutement de salariés pour travailler uniquement le vendredi-samedi-dimanche. Ce qui pose un problème du point de vue du droit du travail, puisque la loi prévoit dans certains cas la possibilité de revenir à un emploi sur la semaine, si le salarié le souhaite. Comment cette articulation peut-elle se faire ? De plus, ceux qui l’acceptent le font trop souvent non par choix, mais parce qu’ils en ont absolument besoin pour vivre. Autrement dit, dans ce secteur, le travail du dimanche se développe en s’appuyant sur les profils économiquement fragiles, contraints d’accepter des conditions de travail qui les décalent du temps social.

E & C : En introduisant la notion de volontariat, la loi ne sécurise-t-elle pas justement ces salariés ?

D. P. : Je ne crois pas beaucoup au volontariat dans le travail, car le salarié reste de manière générale sous la contrainte de l’employeur. Et qui peut s’offrir le luxe de refuser un emploi parce qu’il comporte des heures de travail le dimanche ? Cette notion de volontariat ne fait que renforcer l’individualisation de la relation de travail entre le salarié et l’employeur. Des accords collectifs qui limitent le nombre de dimanches travaillés, par exemple, offrent un cadre plus sécurisant et plus protecteur.

* Auteur de Histoire du repos dominical, un jour pour faire société, L’Harmattan.

Auteur

  • ÉLODIE SARFATI