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Le logement des salariés, objet de négociation sociale

Actualités | publié le : 14.02.2012 | LAURENT POILLOT

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Le logement des salariés, objet de négociation sociale

Crédit photo LAURENT POILLOT

Alors que le développement des métropoles rend plus difficiles les conditions de logement des salariés, les partenaires sociaux entament une négociation interprofessionnelle sur le sujet. Certaines grandes entreprises ou collectivités locales s’efforcent de compléter les services du seul 1 % logement.

Les partenaires sociaux ont ouvert, le 3 février, un cycle de négociations en vue de lier l’accès au logement des salariés et l’accès à l’emploi. Plus qu’une suite du sommet social du 18 janvier, à l’issue duquel Nicolas Sarkozy avait promis « des mesures extrêmement puissantes pour doper l’offre de logements de notre pays », la discussion en cours découle du suivi de l’agenda social du 10 novembre 2011. « Notre objectif est de procéder à une analyse des besoins dans les différents bassins d’emploi, indique Anousheh Karvar, négociatrice pour la CFDT. Elle est indispensable car, jusqu’ici, les collecteurs du “1 % logement” (rebaptisé Action logement en 2009, NDLR) ne s’étaient pas forcément positionnés sur les besoins locaux. » L’autre enjeu, selon elle, sera de « sécuriser la mobilité des salariés, pour qui la question du logement est un frein à l’emploi ».

Le phénomène ne date pas d’hier. Selon une étude du Credoc réalisée à la demande du Medef, en mars 2011, « les quinze dernières années ont été marquées par un phénomène exceptionnel depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale : une hausse des prix de l’immobilier largement déconnectée de l’évolution des revenus des ménages ». Entre 1995 et 2010, « les prix des logements anciens ont été multipliés par 2,5, tandis que le revenu nominal moyen par ménage a progressé de 40 % », souligne l’étude. Même emballement sur les loyers. La Fondation Abbé Pierre constate que les prix des logements en relocation ont progressé de plus de 56 % en dix ans et que les charges ont flambé.

Le problème est aigu dans les grandes métropoles : la pénurie touche de nombreux territoires en Paca, sur la façade Atlantique, sur une partie de Rhône-Alpes et en Île-de-France. « Près de 500 000 projets d’emplois en France – une mobilité ou un recrutement – ont été mis en échec à cause d’une question de logement, relève Olivier Brachet, vice-président du Grand Lyon. Globalement, le déficit est estimé à un million de logements sur l’ensemble du parc. »

Fin novembre, le président de la CCI de Paris s’en plaignait dans Les Échos : « Les chefs d’entreprise du Grand Paris nous font part avec de plus en plus d’inquiétude des difficultés (de) beaucoup de leurs salariés à se loger dans des conditions normales, à distance raisonnable de leur emploi, écrivait Pierre-Antoine Gailly. Cette situation est directement liée au manque, aujourd’hui flagrant, de logements dits “intermédiaires” sur notre territoire […] La classe médiane des salariés franciliens en est la première victime. »

Accompagnement des jeunes

L’avenir et les moyens d’Action logement feront forcément partie de la négociation (lire l’encadré). Les partenaires sociaux lui ont déjà donné mission, dans leur accord national interprofessionnel (ANI) d’avril 2011 sur « l’accompagnement des jeunes dans leur accès au logement afin de favoriser leur accès à l’emploi », en avril 2011, de financer pour ce public 15 000 logements ou hébergements de petite surface supplémentaires par an, jusqu’à la fin 2014. Mais aussi d’accroître de 8 000 unités le nombre d’attributions annuelles de logements dans le parc existant.

Un autre levier d’action devrait être abordé : la garantie des risques locatifs (GRL), produit d’assurance destiné à couvrir les défaillances des locataires en difficulté de paiement. Action logement n’a été suivie que par 3 mutuelles partenaires. Les initiatives locales prennent le relais. Certains CE se sont emparés directement du dispositif, souscrivant la GRL à la place du bailleur. Notamment ceux de Securities Services – Fund Services (BNP Paribas), depuis décembre 2010, et d’Eiffage TP Côte-d’Azur, où « l’offre HLM est quasiment inexistante », selon son CE qui s’est associé à un collecteur de Groupe Sud-Est et l’Association pour l’accès aux garanties locatives. À Lyon, la communauté urbaine s’apprête de son côté à passer un accord de coopération avec Action logement pour orienter le parc immobilier en direction des jeunes et des salariés. Dans la région niçoise, les DRH de Sophia Antipolis ont demandé à la CCI d’ouvrir l’offre locale. Après avoir mis en ligne un premier guide pratique*, la CCI va éditer un module de recherche de logement temporaire, à destination des chercheurs et doctorants. Le candidat renseignera sa demande, accompagnée d’un code fourni par l’entreprise. Les 200 hébergeurs et agences partenaires se sont engagés à répondre sous deux jours aux demandes individuelles.

Le contexte de pénurie suscite aussi le réexamen des offres des collecteurs par les entreprises. « Leurs prestations doivent être traitées comme une véritable opération d’achat », soutient Michel Manent, directeur des relations sociales du groupe Adecco, qui engage 20 millions d’euros de cotisations chaque année. Ce grand contributeur tire mieux que d’autres son épingle du jeu : « Nous sommes parvenus à optimiser à 130 % l’obligation du 1 % logement, en mettant chaque année nos collecteurs en concurrence ».

* Sur le site <www.edrh06.com>.

Ponction sur les fonds d’Action logement

Les marges de manœuvre des partenaires sociaux se sont réduites. Leur principal outil, Action logement, gestionnaire de la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC) créée en 1953, pourrait perdre près d’un tiers de ses ressources depuis que le gouvernement a décidé de prélever 1,3 milliard d’euros par an durant trois ans pour financer l’Anru et l’Anah, ses agences chargées respectivement de la rénovation des quartiers populaires et du parc privé dégradé.

Alors que le décret est dans les tuyaux, la perspective de cette ponction, même ramenée à 3,25 milliards, fait grincer des dents. « La contribution d’Action logement à une politique plus sociale n’est pas un problème, soutien Anousheh Karvar. Pour autant que l’État ne lui enlève pas les moyens de ses missions en faveur du logement des salariés. » La construction de 70 000 logements sociaux est en jeu.

Auteur

  • LAURENT POILLOT