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SuisseL’HORLOGERIE CONFORTE SA PAIX SOCIALE

Pratiques | International | publié le : 31.01.2012 | CHRISTIAN ROBISCHON

La célèbre industrie helvétique a conclu une nouvelle convention collective où chaque partie trouve son compte : flexibilité du temps de travail pour les employeurs, départ à la retraite en douceur et avantages revalorisés pour les salariés.

Entrée en vigueur début janvier pour une durée de cinq ans, la quatorzième convention collective de l’horlogerie suisse incarne parfaitement le modèle helvétique de dialogue social, proche du voisin allemand, qui la façonne depuis sa première version il y a 75 ans. « On discute pendant longtemps avec les syndicats – près d’un an –, mais une fois le consensus trouvé, on ne revient plus dessus. C’est la paix sociale garantie pour cinq ans », décrit François Matile, secrétaire général de la Convention patronale de l’industrie horlogère, la fédération de branche. S’appliquant à 85 % des 48 500 salariés du secteur aux marques célèbres (Swatch, Jaeger Lecoultre, Rolex…), le nouveau texte illustre aussi un esprit « donnant-donnant ».

Les conditions de travail des seniors allégées

D’un côté, les employeurs ont obtenu une flexibilisation accrue du temps de travail. De l’autre, les syndicats ont pu introduire un dispositif de départ progressif à la retraite qui allège les conditions de travail des seniors. « Nous n’avons pas eu satisfaction sur tout, en particulier sur l’augmentation des droits à congés. Mais c’est le lot d’une négociation », souligne Jean-Claude Rennwald, le leader de la branche horlogerie du syndicat dominant Unia. Pour le temps de travail, la nouvelle convention maintient la fourchette commune de 30 à 45 heures hebdomadaires – pour une durée moyenne de 40 heures – mais elle donne aux entreprises la faculté de négocier individuellement une rallonge ou un raccourcissement supplémentaire, pour une période donnée. Un accord d’entreprise est nécessaire, si bien que les syndicats estiment qu’ils gardent la main sur le sujet. « Le patronat voulait inscrire la plage 25 à 50 heures dans la convention collective, nous n’avons pas cédé », assure Jean-Claude Rennwald.

Selon les employeurs, la flexibilité est une nécessité. « Elle est la meilleure réponse aux aléas économiques. Elle est aussi une contrepartie logique et concertée aux renchérissements, dont les avantages aux salariés », estime la direction de Swatch.

Sur ce dernier point, la nouveauté phare est la « retraite modulée », un dispositif sans équivalent en Suisse, toutes branches confondues. À deux ans de son départ fixé légalement à 65 ans, le salarié peut diminuer son temps de travail de 20 %. La moitié de la perte correspondante de salaire est prise en charge par l’employeur et ses droits à retraite sont maintenus intégralement. À un an du départ normal, la diminution possible atteint 40 % avec le même mode de financement.

Éviter les pertes de savoir-faire

Les employeurs se félicitent de l’innovation introduite par les syndicats, qui va légèrement réduire le coût du cumul de postes : « Sur les compétences clés, nous recrutons le successeur six mois à un an avant le départ. L’organisation de la transition va être facilitée, elle est cruciale pour éviter les pertes brutales de savoir-faire. Mais la nouvelle disposition reste un vrai choix personnel, nous n’avons pas à l’influencer », considère Isabelle Castellini, DRH de Tag Heuer (320 salariés, filiale de LVMH). Parmi les autres points, la nouvelle convention relève d’environ 3 % les salaires minima d’embauche, prévoit une augmentation des fonds de la branche pour la formation et augmente la participation employeur à l’assurance maladie.

Selon les deux parties, la relative dégradation de la conjoncture au cours de la négociation n’a pas altéré le fond des discussions ni provoqué de tension excessive. Quant à la tentation de payer des frontaliers en euros, en réponse à la montée du franc suisse, elle n’est pas avérée dans le secteur de l’horlogerie. « Cette question n’a pas fait l’objet d’une seconde de discussion », affirme François Matile.

Auteur

  • CHRISTIAN ROBISCHON