logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Pratiques

La prime au mérite gagne duterrain dans la fonction publique

Pratiques | publié le : 24.01.2012 | SABINE GERMAIN

Image

La prime au mérite gagne duterrain dans la fonction publique

Crédit photo SABINE GERMAIN

La rémunération au mérite s’étend progressivement dans la fonction publique d’État, avec une prime individuelle de fonctions et de résultats (PFR) et un intéressement collectif. Mais le dispositif manque encore de lisibilité.

Le premier statut général du fonctionnaire, élaboré en 1946 par Maurice Thorez, alors ministre communiste de la Fonction publique, évoquait déjà la notion de rémunération au mérite. Notion qui est néanmoins restée taboue jusqu’en 2008. La rémunération à la performance est alors devenue un axe majeur de la politique gouvernementale, au travers notamment de l’instauration de la prime de fonctions et de résultats (PFR), le 22 décembre 2008. L’instauration de cette prime n’a modifié en rien le système de rémunération en vigueur dans la fonction publique où le montant brut d’un traitement est calculé en multipliant le nombre de points d’indice accordés pour chaque échelon par la valeur du point commune à tous les fonctionnaires.

Sujet de discorde avec les syndicats

Le principe d’augmentations de traitement à l’ancienneté n’a donc pas été remis en cause. Mais, dans un contexte de gel des salaires - avec une valeur du point d’indice bloquée depuis deux ans -, cette prime reste un sujet de discorde avec les syndicats de la fonction publique. C’est d’abord une hostilité de principe : la fonction publique ne dégageant pas de profit, elle n’a pas vocation à le redistribuer. Les syndicats considèrent également que le service de l’intérêt général ne peut pas être réduit à des missions aisément quantifiables et mesurables. Enfin, ils déplorent que cette prime soit financée par les suppressions d’emplois de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et pas par des moyens supplémentaires.

Pour éviter de fortes levées de boucliers, la PFR ne s’est appliquée dans un premier temps qu’aux corps et emplois de catégorie A de la filière administrative. Mais, depuis, elle s’est très largement étendue.

Elle concerne désormais d’autres corps de catégorie A : secrétaires des affaires étrangères, délégués au permis de conduire et à la sécurité routière. Elle touche l’encadrement supérieur et notamment les administrateurs civils et les membres des inspections générales des affaires sociales et de l’administration. Elle est aussi appliquée à certains emplois fonctionnels, dont les directeurs adjoints, chefs de service, sous-directeurs, chefs de projet et experts de haut niveau.

Au total, au 1er janvier 2012, ce sont près de 115 600 agents de la fonction publique d’État qui en bénéficient. Deux fois plus qu’en 2011. « À l’issue des discussions salariales de l’été 2010 avec les organisations syndicales, le gouvernement s’est engagé, sur la période 2011-2013, à la poursuite de l’extension », explique-t-on au cabinet de François Sauvadet, ministre de la Fonction publique.

La seconde étape a consisté à créer une prime d’intéressement à la performance collective. Elle a été instituée par la circulaire du 29 août 2011 (lire l’encadré ci-contre) et n’est encore expérimentée que dans trois administrations. Elle devrait néanmoins s’étendre au même rythme que la PFR et, sans doute, avec les mêmes difficultés.

Car ces nouvelles modalités de rémunération posent plusieurs problèmes. Le premier étant, on s’en doute, le cadre budgétaire très contraint dans lequel ces changements se produisent. « L’intéressement risque de se financer au détriment d’autres primes, a répliqué la CGT, lors de la présentation du dispositif. Ce ne sera donc pas une rémunération supplémentaire. » Ce que le ministère de la Fonction publique admet à demi-mot : « La prime de fonctions et de résultats a vocation à se substituer à l’ensemble des régimes indemnitaires* », dont les plafonds et les modalités d’application sont très différents d’une administration à l’autre. Elle représente environ 20 % de la rémunération globale des agents concernés. Au total, la PFR ne permet donc pas d’augmenter significativement la rémunération.

Autre problème : la PFR manque de lisibilité et s’applique différemment selon les administrations. En témoigne le mode d’emploi rédigé par le ministère : « La PFR comprend 2 parts cumulables et modulables indépendamment l’une de l’autre par application de coefficients multiplicateurs à un taux de référence : une part fonctionnelle (modulable de 1 à 6) pour tenir compte des responsabilités, du niveau d’expertise et des sujétions spéciales ; une part individuelle (modulable de 0 à 6) pour tenir compte de la performance. »

Une portée limitée

En résumé, donc, une part F (pour fonctions) et une part R (pour résultats). La part F - qui tient compte du poste occupé et du niveau de qualification - représente en moyenne 60 % de la prime, contre 40 % pour la part R, a expliqué Brigitte Mangeol, directrice de la plate-forme régionale d’appui interministériel à la GRH, lors des Rencontres Emploipublic organisées en novembre dernier à Lyon. « Mais, au ministère de l’Intérieur, la part F est de 90 %, contre 10 % pour la part R. » Ce qui limite la portée de la rémunération au mérite (dont la part individuelle peut ne représenter que 10 %) et complique singulièrement la mobilité interadministrations.

Freins culturels

Les autres freins au déploiement de la rémunération au mérite restent, quoi qu’on en dise, culturels. Si l’entretien professionnel est obligatoire depuis 2007, « les managers ne sont pas encore bien formés à sa conduite », poursuit Brigitte Mangeol.

Et parce que la culture du résultat a encore du mal à cohabiter avec celle du service public : « L’un des atouts de la fonction publique est de préserver la notion de collectif de travail, estime Dominique Bolliet, adjoint au maire de Lyon délégué aux ressources humaines. C’est par la qualité des missions, davantage que par la carotte financière, que l’on peut attirer les meilleurs profils. »

Le débat, très violent il y a quelques années, s’est apaisé au fil du temps. « La rémunération à la performance est un nouvel outil indispensable pour manager et challenger les agents de l’État dans la quête de performance de l’administration, explique Gilles Bonnenfant, associé du cabinet de conseil Eurogroup Consulting. Elle permet d’avoir une meilleure cotation des postes, donc une meilleure visibilité des parcours professionnels. Mais cela fonctionnera d’autant mieux que le management aura été professionnalisé et formé au maniement des outils qu’on lui donne, notamment la mise en place d’une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. » C’est tout l’enjeu du déploiement de la rémunération à la performance.

* Qui peuvent prendre un nombre infini de formes et de sigles : IFTS, prime de résultat, IFR, ARR, ACF, primes ministérielles…

L’ESSENTIEL

1 Les primes au mérite créées pour l’une en 2008 et pour l’autre en 2011 se déploient petit à petit dans les différentes catégories d’emplois de la fonction publique d’État.

2 Dans un cadre budgétaire contraint, ces deux primes ont vocation à se substituer à de nombreuses autres.

3 Leur déploiement rencontre plusieurs freins, notamment sociaux, dans un contexte de suppressions de poste, mais aussi culturels : l’entretien de performance se heurte à la notion de service public.

L’intéressement nouveau est arrivé

C’est le deuxième levier de la rémunération au mérite : l’intéressement collectif. La circulaire du 29 août 2011 met en place une « prime d’intéressement à la performance collective des services dans les administrations d’État et les établissements publics ». Elle est destinée aux fonctionnaires de l’État (titulaires et stagiaires), aux magistrats, aux ouvriers de l’État, aux agents contractuels et aux contractuels de droit privé ayant au moins six mois d’ancienneté.

Son montant maximal - le même pour tous les collaborateurs d’un même service - et les objectifs retenus sont fixés par arrêté ministériel. Ces objectifs peuvent reposer sur quatre catégories d’indicateurs : la conduite des politiques publiques et la qualité du service rendu, la maîtrise des coûts et l’efficience des services, la gestion des ressources humaines, le développement durable. Elle est expérimentée dans trois entités (le ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, la Police nationale et la Gendarmerie nationale) et devrait s’étendre à l’ensemble des administrations et des établissements publics.

Prime de fonctions et de résultats

(instituée le 22 décembre 2008)

→ 115 600 agents de la fonction publique d’État en bénéficient au 1er janvier 2012.

→ Elle représente en moyenne 20 % de leur rémunération.

Prime d’intéressement à la performance collective

(instituée le 29 août 2011)

→ Entre 0 et 150 euros par an au ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie.

→ 400 euros à la Gendarmerie nationale.

→ 600 euros dans la Police nationale.

Auteur

  • SABINE GERMAIN