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États-UnisLE TEMPS DE TRAVAIL DES VISITEURS MÉDICAUX DEVANT LA COUR SUPRÊME

Pratiques | International | publié le : 24.01.2012 | CAROLINE TALBOT

Les laboratoires pharmaceutiques aux États-Unis font l’objet d’une vingtaine de poursuites judiciaires pour non-paiement des heures supplémentaires des visiteurs médicaux. La controverse sera tranchée par la Cour suprême.

C’est une nouvelle affaire liée à la définition et au paiement d’heures supplémentaires. Mais elle concerne cette fois 90 000 personnes : il reviendra à la Cour suprême, sans doute cet été ou à l’automne, de décider si les visiteurs médicaux ont le droit de percevoir une rémunération pour ces heures. La question a été âprement discutée devant différentes cours d’appel du pays, qui ont jusqu’ici émis des avis différents.

L’affaire des visiteurs médicaux démarre en 2004, lorsque le ministère du Travail décide d’éclaircir les règles du jeu en matière d’heures supplémentaires. Le salarié américain y a droit lorsqu’il dépasse 40 heures de travail par semaine. Il est alors payé 1,5 fois la base horaire. Mais deux exceptions sont prévues pour les vendeurs à l’extérieur et les cadres administratifs, justifiant, selon les grands laboratoires, le non-paiement d’heures supplémentaires.

Débat entre juristes

Un cas pour les juristes, qui en débattent notamment sur Cafepharma, le site des professionnels de la pharmacie. De ce rapprochement naissent une vingtaine de poursuites judiciaires collectives contre les laboratoires Abbott, Schering Plough, GlaxoSmithKline…

Michael Di Chiara, l’avocat de 6 visiteurs médicaux, explique les griefs de ses clients. Ils sont censés travailler de 8 h 30 à 17 h pour rencontrer 8 à 10 médecins par jour. Mais à cela s’ajoutent « des dîners tard le soir avec les médecins, des rencontres durant le week-end, un supplément de travail administratif pour remplir les documents réclamés par les laboratoires ». Bref, si l’on en croit Otto Shill, du cabinet Jackson White, l’avocat de Michael Christopher et Frank Buchanan contre SmithKline Beecham, le visiteur médical ajoute dix à vingt heures par semaine aux horaires normaux de travail.

Plusieurs dizaines de millions de dollars

Il faudrait donc ajouter à son salaire annuel moyen de 72 000 dollars (près de 57 000 euros) le paiement d’un certain nombre d’heures supplémentaires. Une addition de plusieurs dizaines de millions de dollars pour chaque laboratoire, car les class action - les poursuites collectives - multiplient le nombre de plaignants.

Point de droit crucial dans cette affaire, les fameuses exceptions. Pour Michael Di Chiara, la définition du “vendeur à l’extérieur” ne s’applique pas, car le visiteur ne vend pas : « Il fournit des informations au médecin, mais il ne prend pas de commandes, ne signe pas de contrat, n’échange pas des biens contre de l’argent. » « Il y a cinquante ans, le visiteur médical vendait les médicaments, mais aujourd’hui, la profession est très réglementée, le visiteur ne conclut pas la vente », renchérit son confrère Otto Shill.

Vente ou promotion ?

Du côté de la défense, la chambre de commerce, au nom des laboratoires, affirme que les « activités de promotion, même quand elles n’aboutissent pas à une vente particulière, font partie intégrante du processus de vente ». Le ministère du Travail penche plutôt pour l’interprétation des plaignants et conseille de payer les heures supplémentaires : « Faire la promotion d’un médicament auprès d’un médecin, alors qu’il sera acheté en pharmacie, ce n’est pas vendre. » Ce qui n’a pas convaincu la cour d’appel du neuvième circuit, « respectueusement en désaccord » avec le ministère.

Michael Di Chiara balaie par ailleurs l’exception appliquée au cadre administratif, qui doit être un « col blanc gérant son activité de manière autonome ». Au contraire, pour l’avocat, les visiteurs « ne travaillent pas en toute indépendance, dans la mesure où le laboratoire indique quels médecins rencontrer, combien de fois, et quel type d’information leur fournir ».

Au-delà des visiteurs médicaux, la décision de la Cour suprême pourrait bouleverser le mode de paiement d’autres professions. Otto Shell pense par exemple aux recruteurs qui viennent vanter les mérites de leur entreprise sur les campus universitaires. Vente ou pas vente ?

Auteur

  • CAROLINE TALBOT