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La POE, plébiscitée mais encore peu développée

Pratiques | publié le : 17.01.2012 | VALÉRIE GRASSET-MOREL

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La POE, plébiscitée mais encore peu développée

Crédit photo VALÉRIE GRASSET-MOREL

Peu d’employeurs connaissent la préparation opérationnelle à l’emploi (POE), ce dispositif de formation avant la prise de poste mis en œuvre par Pôle emploi avec le concours possible des Opca. Pourtant, ceux qui l’utilisent ne tarissent pas d’éloges. Une nouvelle version de la POE, orientée vers les métiers en tension, pourrait lui donner un second souffle.

La POE (préparation opérationnelle à l’emploi) n’a pas connu l’envol que lui prédisait notamment la ministre en charge de la formation professionnelle, Nadine Morano. Des lourdeurs administratives, la concurrence de l’AFPR (action de formation préalable au recrutement, un dispositif de formation préembauche également géré par Pôle emploi, très proche de la POE), font qu’elle n’a pas encore trouvé sa vitesse de croisière. D’après l’étude Conjoncture 2011-2012 menée par Opcalia et le cabinet Majors Consultants, un tiers seulement des entreprises connaissent ce dispositif qui permet à un demandeur d’emploi d’acquérir, dans le cadre d’une formation de moins de 400 heures, les compétences professionnelles requises pour occuper l’emploi correspondant à une offre déposée auprès de Pôle emploi. Seules 4 % y ont eu recours, mais 10 % de celles qui ne l’ont pas utilisé souhaitent le faire (32 % des plus de 250 salariés).

De son côté, Pôle emploi enregistrait, en novembre dernier, 8 599 demandeurs d’emploi en POE, dont 2 768 étaient cofinancées par un Opca. Pour Jean-Michel Pottier, président de la commission formation de la CGPME, dont l’organisation est à l’initiative de cette mesure (1), « il est plus facile pour Pôle emploi d’orienter vers l’AFPR qui est une subvention, un coup de pouce financier à l’entreprise, qui doit justifier qu’elle a embauché le demandeur d’emploi formé, que de mettre en place un parcours de formation sur mesure cofinançable par l’Opca du futur employeur ».

La POE semble pourtant répondre à un réel besoin des entreprises, quelle que soit leur taille. Ainsi, Jérôme Cart, président de l’Union des commerçants de Besançon (UCB), a prérecruté deux salariés en CDI via la POE, deux chômeurs qu’il a lui-même sélectionnés pour les avoir déjà employés lorsqu’il tenait une librairie : « Je connaissais leurs compétences, nous avions une longue habitude de travail ensemble. Ils avaient seulement besoin d’une formation complémentaire en comptabilité et informatique pour changer de métier et devenir assistant commercial-communication et comptable à l’UCB. »

Processus de sélection efficace

Lorsque les volumes de recrutement sont plus importants, la POE peut être combinée à la méthode de recrutement par simulation (MRS) de Pôle emploi, et s’inscrire ainsi dans un processus de sélection plus efficace, comme en témoigne Thomas Champenois, chargé de recrutement et formation au sein d’Euro Cargo Rail (870 salariés), filiale fret de DB Schenker. Lorsque cette entreprise a dû recruter une trentaine de personnes pour sa nouvelle agence de Dijon, elle a pensé à ce dispositif, notamment pour les AFR (agents de formation reconnaisseurs-visiteurs) chargés de préparer les trains sur le plan sécuritaire, dont la formation préparatoire de deux mois avant la prise de poste est obligatoire.

Selon Thomas Champenois, ce double processus – MRS et POE – « permet de sélectionner très finement les candidats, de les former à la prise de poste et d’éviter par la suite les ruptures de contrat. Auparavant, nous recrutions puis formions les candidats, et les ruptures pour insuffisance professionnelle étaient fréquentes. Avec la POE, on forme avant de recruter, ce qui limite les échecs ».

Même satisfaction au nouveau Centre Leclerc de la commune du Blanc-Mesnil (93), inauguré en octobre 2011. Sur 300 recrutements en CDI (employés libre-service, vendeurs produits frais, hôtesses de caisse…) effectués sur le bassin d’emploi, 210 ont été précédés d’une POE, après une première sélection, là aussi effectuée via la MRS. Ce prérecrutement sur la base des compétences, suivi d’une formation « donne sa chance à tous, note Delphine Persac, directrice du centre de formation du groupe Leclerc, FM Formadif. Et cette opportunité se transforme en reconnaissance des personnes sélectionnées envers l’entreprise, ce qui est un facteur d’intégration et de motivation supplémentaire ». Du 1er août au 20 septembre 2011, 13 groupes ont ainsi été constitués et formés, pour une durée totale de 311 heures (formation théorique et tutorat en magasin).

Un dispositif limité par sa lourdeur administrative

Ce dispositif n’est pourtant pas dénué de lourdeurs pour l’organisme de formation et pour l’entreprise, malgré la présence active de son Opca, le Forco. « Nous devons raisonner par individu pour une formation collective, ce qui est nouveau pour nous. C’est le cas pour la facturation et pour les documents justificatifs de bilan de formation et de bilan de POE », précise Delphine Persac. « La POE individuelle trouve sa limite dans sa lourdeur administrative. C’est de la dentelle qui demande beaucoup d’énergie lorsqu’on recrute à grande échelle », abonde Yves Georgelin, délégué général du Forco. L’Opca s’est toutefois déjà engagé auprès de Pôle emploi sur 500 POE individuelles.

Cette complexité est également déplorée par de petites entreprises qui ne recrutent qu’une ou deux personnes via la POE. « La signature d’une convention entre l’entreprise, l’organisme de formation, Pôle emploi et éventuellement l’Opca prend du temps et décourage des employeurs, qui abandonnent la procédure en cours de route, confie Nicolas Pesquet, du Faf.Sab (artisanat du bâtiment) Normandie/Picardie/Nord-Pas-de-Calais. C’est dommage, car la POE intéresse vraiment les artisans qui ont du mal à recruter. Elle permet de former rapidement et l’aide financière est intéressante : 15 euros en moyenne par heure de formation en additionnant les aides de Pôle emploi et de l’Opca. Il faudrait simplifier le process. »

De nouvelles perspectives

Tous les regards se tournent dé-sormais vers la POE dite “collective”, instaurée par la loi Cherpion du 28 juillet 2011 (lire encadré ci-contre). Elle doit toujours permettre à un ou plusieurs demandeurs d’emploi de bénéficier d’une formation nécessaire à l’acquisition des compétences requises pour occuper un poste, mais celui-ci doit correspondre à des besoins identifiés par un accord de branche ou, à défaut, par le conseil d’administration d’un Opca.

Le FPSPP (Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels) a prévu une enveloppe budgétaire de 9 millions d’euros pour financer cette POE collective via les Opca, dans le cadre d’un appel à projets lancé en fin d’année 2011. Et c’est l’engouement chez les Opca, qui se positionnent massivement ! Plus de convention quadripartite au cas par cas mais une convention générale conclue par Pôle emploi et l’Opca au niveau national ou local. « La POE va vraiment décoller grâce à la POE collective, prédit Michel Geiser, directeur général du Fafih, Opca de l’hôtellerie de la restauration et des activités de loisirs. C’est la formule la plus intéressante pour notre secteur en pénurie permanente de main-d’œuvre. »

Outre son process allégé par rapport à celui de la POE individuelle, la POE collective ouvre d’autres perspectives : « Elle s’inscrit en amont de l’alternance. C’est un sas vers une qualification future, ce qui correspond pleinement à la demande du secteur », estime Michel Geiser, qui a conclu un accord en juin avec Pôle emploi, et un autre en novembre avec le Conseil national des missions locales pour favoriser l’emploi des jeunes via la POE collective et l’alternance. Yves Georgelin voit dans la POE collective un autre avantage : « Elle permettra de travailler sur un plan prévisionnel et de s’engager plus facilement dans des démarches de GPEC territoriale », prédit-il.

(1) Créée par l’accord national interprofessionnel sur la formation du 5 octobre 2009 et reprise par la loi du 24 novembre 2009

L’ESSENTIEL

1 La préparation opérationnelle à l’emploi permet aux employeurs de sécuriser leurs recrutements en bénéficiant d’une aide financière pour former des demandeurs d’emploi jusqu’à 400 heures avant la prise de poste.

2 Plébiscitée par les employeurs qui l’ont utilisée, la POE souffre pourtant d’une lourdeur administrative qui a entravé son développement.

3 Les Opca se sont néanmoins engagés massivement dans le financement de la POE collective, dispositif presque similaire mais axé sur les métiers en tension.

Pôle emploi s’engage dans la POE collective

La loi Cherpion du 28 juillet 2011 prévoit un financement de la formation par l’Opca avec un cofinancement possible de Pôle emploi. Ce dernier a précisé son niveau d’engagement dans la POE collective dans une délibération du 16 novembre 2011. À titre expérimental et pour six mois, il y consacrera un maximum de 5 % de son enveloppe « aides au développement des compétences » afin de financer la rémunération du stagiaire et les frais associés à la formation.

Priorité sera donnée aux programmes conduisant à la découverte des métiers d’un secteur ou permettant l’acquisition des savoirs de base et compétences sociales nécessaires à une intégration professionnelle ou à l’accès à un parcours qualifiant. Les frais pédagogiques seront entièrement à la charge de l’Opca.

Auteur

  • VALÉRIE GRASSET-MOREL