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Une « TVA sociale » séduirait les DRH

Actualités | publié le : 17.01.2012 | CAROLINE FORNIELES

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Une « TVA sociale » séduirait les DRH

Crédit photo CAROLINE FORNIELES

La “TVA sociale”, que le gouvernement souhaite voir adoptée avant la présidentielle, annonce des débats houleux au sommet social du 18 janvier. Les DRH l’accueillent positivement, sans croire pour autant qu’elle aura des effets massifs sur l’emploi.

Le gouvernement a ajouté, la semaine dernière, le paquet surprise de la “TVA sociale” sur la table du sommet social qui se déroule le 18 janvier à l’Élysée. Une concertation à réaliser dans l’urgence puisque Nicolas Sarkozy entend adopter la réforme avant la présidentielle. Un projet de loi, annoncé pour le 8 février, serait examiné in extremis par des parlementaires priés de poursuivre leur session jusqu’au 24 février.

La mesure, qui consiste à transférer sur la TVA une partie des cotisations patronales, vise à améliorer la compétitivité et à favoriser l’emploi. Sont visés les 35 milliards d’euros de cotisations patronales qui financent la politique familiale.

À l’heure où nous bouclons, les arbitrages devaient encore être rendus sur la formule choisie. On parlait d’un ou deux points de TVA assortis d’une hausse de la CSG. Une baisse des cotisations salariales était âprement discutée. L’obligation de négocier le partage des gains de la réforme dans les entreprises était envisagée ainsi que l’option d’une TVA réduite sur les produits de première nécessité.

Une opportunité de baisse des charges fixes

« Sans connaître le projet définitif, les DRH sont plutôt favorables au principe de la TVA sociale qui améliore notre compétitivité et donne des marges de manœuvre, estime Jean-Christophe Sciberras, président de l’Association nationale des DRH. Nos charges sont écrasantes, deux fois plus élevées qu’en Allemagne. » Après un rapide sondage auprès des ses membres, le Cercle des DRH constate que 75 % des DRH y sont favorables sur le principe, 18,75 % peu favorables et 6,25 % défavorables. « Pour les filiales françaises de groupes internationaux, c’est une opportunité de baisser les charges fixes essentiellement composées des salaires. Ce sera un bol d’air, car le marché français n’est plus porteur de croissance », commente Sylvain Niel, président du Cercle.

Les DRH plaident cependant pour une baisse concomitante des cotisations salariales pour que les salariés voient le bénéfice de cette réforme sur leur feuille de paie. « Eux aussi vivent mal d’avoir un salaire net fortement amputé par rapport à leur brut », relève Jean-Christophe Sci­berras.

Bercy envisage la création de 87 000 emplois grâce à la mesure. Pour Jean-Christophe Sciberras et Sylvain Niel, il sera difficile de créer beaucoup d’emplois, vu la conjoncture. La TVA pourrait éviter des destructions et faciliter des créations si la croissance repart.

Peu d’effet sur les créations d’emploi

Un avis que partage Richard Duhautois, économiste chercheur du Centre d’études de l’emploi, qui conduit une étude sur les effets sur l’emploi des 25 milliards d’euros annuels d’exonérations de charges sur les bas salaires : « Les baisses de charges ont été surtout efficaces pour créer des emplois en période de croissance. Les exonérations de charges ont eu, avant 2003, peu d’effets sur les créations nettes. Elles ont surtout évité les destructions. C’est aussi l’impression qui se dégage de recherches actuelles que nous menons sur la période postérieure à 2003. »

Denis Ferrand, directeur général de COE-Rexecode, rappelle que les exonérations ont tout de même permis de créer des emplois non qualifiés qui manquaient en France : « Des secteurs clés comme l’automobile, l’aéronautique ou l’agroalimentaire, qui emploient plutôt des ouvriers qualifiés, n’en n’ont pas bénéficié. La TVA sociale pourra donc avoir des effets sur l’emploi dans ces secteurs. » Par ailleurs, il considère qu’en facilitant la reconstitution des marges financières des entreprises, la TVA sociale encouragera les investissement et « donc, à terme, les emplois ».

Provocatrice d’inflation

Henri Sterdyniak, économiste à l’OFCE, craint que la mesure n’ait pas l’impact escompté sur l’emploi, parce que « l’effet compétitivité s’annulera au bout de trois ans : la TVA sociale provoquera de l’inflation, car les salaires et les prestations sont indexés sur les prix. Certaines entreprises préféreront reconstituer leurs marges plutôt que de baisser les prix. Enfin, d’autres pays européens lancent des politiques similaires pour être plus compétitifs ».

Pour créer des emplois tout en diminuant les charges, il préfère la piste de la contribution sur la valeur ajoutée « qui permet de taxer le capital et de freiner la substitution du travail par les machines ». Une taxe carbone peut aussi limiter les délocalisations qui deviennent coûteuses en énergie.

Le pari du gouvernement est risqué. Les Français sont plutôt hostiles à la TVA sociale : 55 % se sont prononcés contre dans un sondage BVA du 12 janvier. Même dans les rangs UMP, « des députés s’opposent toujours au timing de la réforme, estimant qu’il faut attendre l’après-présidentielle », relate Yves Bur, député UMP du Bas-Rhin. Et au sommet social, cette TVA aura peu de soutiens. Outre le Medef, à l’initiative de cette réforme, Nicolas Sarkozy pourra compter seulement sur l’appui de la CFE-CGC qui milite depuis dix ans pour un transfert des charges sociales sur une contribution payée par tous.

Un outil risqué

Néanmoins, la CFE-CGC exigera des garanties : « La TVA est un outil risqué, car l’État peut chaque année changer la destination de l’argent prélevé, commente son président Bernard Van Craeynest. Il faut une contribution qui garantira que les sommes financent bien la protection sociale. » La CFE-CGC demande également une réforme de l’impôt sur les sociétés, qui impose le réinvestissement des bénéfices, de façon à favoriser l’innovation et l’emploi.

Les autres syndicats rejettent radicalement la TVA sociale. « La compétitivité ne se fait pas que sur les prix, argue Stéphane Lardy, de FO. Au lieu de faire du dumping social, mettons plutôt l’accent sur une vraie politique industrielle qui renforce nos PME, en créant par exemple une vraie banque d’investissement. » Pour Philippe Le Clézio, de la CFDT, « une baisse de 3 à 5 points des charges patronales reste dérisoire par rapport au coût du travail dans les pays émergents. Ce choc de compétitivité sera absorbé par l’inflation ou les taux de change ». Jean-Louis Deroussen, de la CFTC, président de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), conteste pour sa part l’idée que les entreprises n’aient rien à voir avec la politique familiale : « Elles sont largement intéressées par les conditions offertes aux pères et mères de famille. La présence de crèches et l’aide à la scolarité facilitent la présence des salariés au travail et notamment celle des femmes. »

Ne pas remettre en cause la protection sociale

La CGT, qui organise une journée de mobilisation le 18 janvier, juge la mesure dangereuse : « C’est le prélude à d’autres transferts de cotisations vers la TVA, qui ne pourront aboutir qu’à une diminution de la protection sociale. » Un point sur lequel, les DRH se déclarent vigilants, eux aussi. « Nous pensons qu’il faut effectivement un mode de financement différent, relève Jean-Christophe Sciberras. Mais, il ne s’agit pas de remettre en cause la protection sociale à la française qui a fait ses preuves, et notamment en matière de politique familiale. »

Les pactes compétitivité-emploi ne font pas consensus

Les pactes compétitivité-emploi, qui pourraient faire l’objet d’un projet de loi en février, seront sans doute l’autre sujet polémique du sommet social. Ces accords collectifs permettraient, en échange d’une garantie d’emploi, d’adapter temporairement le temps de travail et les salaires par accord collectif, mais sans que l’entreprise ait besoin d’obtenir le consentement individuel des salariés. L’idée a toutes les chances de diviser les partenaires sociaux. Dans un entretien aux Échos du 11 janvier, Laurence Parisot s’est dite favorable à ce que « de tels accords puissent s’appliquer globalement à l’ensemble des salariés dans certaines circonstances ».

En revanche, François Chérèque (CFDT) a dénoncé une mesure « dangereuse », conduisant à « faire pression » sur les salariés et « augmenter le temps de travail sans contrepartie sociale ». Même rejet de Maurad Rabhi, secrétaire confédéral CGT : « Le Code du travail permet déjà de diminuer le temps de travail sans avenant individuel ; ce que cherche le gouvernement, c’est de pouvoir baisser les salaires en permettant de déroger aux clauses essentielles du contrat de travail, y compris lorsque c’est défavorable pour le salarié. Et on risque de voir se développer des chantages à l’emploi. »

Les quelques accords de compétitivité signés en France ces dernières années ont eu, de fait, des succès divers. Chez Poclain Hydraulics, la baisse du temps de travail et des salaires a permis de passer la crise de 2009 sans plan social. Chez Continental Clairoix, la garantie d’emploi promise, en échange d’une baisse des coûts salariaux par le passage à 40 heures, s’est soldée par la fermeture du site, fin 2009.

Élodie Sarfati

Auteur

  • CAROLINE FORNIELES