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636 salariés aidés à sauver leurs emplois

Pratiques | RETOUR SUR… | publié le : 10.01.2012 | VÉRONIQUE VIGNE-LEPAGE

Fin 2007, l’Union régionale Rhône-Alpes des Scop créait Transméa, la première structure française de capital-risque dédiée à la reprise d’entreprises par des salariés sous forme coopérative et se dotait, surtout, d’une logistique pour l’accompagnement humain de ces projets.

Chaque année, 450 PME en dépôt de bilan ou dont le dirigeant va prendre sa retraite peinent à trouver repreneur, soit parce que leur activité repose sur un savoir-faire “maison“, soit parce qu’elles sont dans une zone peu attrayante. Seule solution : la reprise de l’entreprise par les salariés (RES). Tel était, en 2003, le constat d’une étude conduite par l’Union régionale Rhône-Alpes des sociétés coopératives et participatives (Ur-Scop), qui montrait aussi que l’obstacle principal était le manque d’apport financier des salariés. L’Ur-Scop a alors lancé l’idée de Transméa, une société de capital-risque dédiée aux RES sous forme coopérative, de préférence : majorité du capital détenue par les associés et salariés, pas d’associé majoritaire, formation des salariés à l’économie d’entreprise, mise en place d’une épargne salariale…

En 2005, la région Rhône-Alpes donnait son accord pour participer au tour de table, bouclé… deux ans après* : Transméa voit finalement le jour fin 2007, avec 5,5 millions d’euros. Lorsque cela est nécessaire, elle intervient par apport en fonds propres, remboursable à partir de la cinquième année d’exercice. « C’est comme un prêt, mais cela rassure les banques », commente Jean-Antoine Torralba, ayant racheté à la barre du tribunal, avec ses collègues, la société de transport routier SNT Géry dont il était cadre. Ce levier financier n’est pas systématique, le plus important s’avérant l’accompagnement humain : « Nous le faisions déjà ponctuellement avant 2007, commente Michel Rohart, directeur. Mais à la création de Transméa, nous nous sommes dotés d’une équipe spécialisée de 5 personnes (NDLR : dont il fait lui-même partie) et avons monté un réseau de prescripteurs : experts-comptables, notaires, consultants, etc. » Une vingtaine de projets sont accompagnés chaque année, sur 400 présentés : en effet, 50 % ne sont pas conformes aux critères coopératifs et 25 % non viables ou n’ayant pas un collectif suffisamment mûr.

Aide des experts à l’élaboration du projet

Parfois, c’est le cédant qui sollicite l’Ur-Scop, par exemple avant son départ en retraite : « Cela signifie qu’il a déjà accepté l’idée que les salariés entrent dans le détail des comptes et qu’il a réfléchi aux collaborateurs qui pourraient être moteurs, poursuit Michel Rohart. Nous travaillons un temps avec lui, mais nous ne serons pas son conseil. Notre rôle est d’accompagner les salariés repreneurs à changer de place dans l’entreprise et dans la vie. » C’est pourquoi l’accompagnement commence par une “mesure du collectif” : « Nous sommes toujours 2 pour les rencontrer, explique Michel Rohart, afin d’observer s’ils ont appris à réfléchir et à décider ensemble ou comment chacun évolue, puis qui émerge et prendrait le leadership. » Les experts les aident ensuite à élaborer leur projet : combien veulent-ils être ? Quelle évolution souhaitent-ils ? Quelle stratégie ? Quelle organisation ? Quelle politique salariale ?… « L’enjeu, assure le directeur de l’Ur-Scop, c’est la survie de l’entreprise et que les salariés ne prennent pas trop de risques. »

Des salariés plus impliqués qu’avant

Pour Jean-Antoine Torralba et ses collègues de SNT Géry, les choses étaient claires : « Si moins de 75 % des 28 salariés avaient accepté d’être associés, nous aurions laissé tomber ! Dans le transport routier, où les chauffeurs sont sans cesse livrés à eux-mêmes, nous aurions pris trop de risques. » Avec l’accord de 25 personnes, dont 22 chauffeurs, le projet a pu être lancé. Ces derniers sont « plus impliqués qu’avant, cherchent à faire des économies comme chez eux et vendent davantage la société auprès des clients, assure le nouveau dirigeant, même si chacun reste à sa place comme avant. J’ai juste une charge supplémentaire de gestion et je me tiens 24 heures sur 24 à disposition des chauffeurs, pour désamorcer le moindre problème ».

Avant la reprise officielle, cet accompagnement est gratuit, financé par le Fonds social européen et la région Rhône-Alpes (300 000 euros par an au total). Il dure en moyenne six mois et s’arrête à la première assemblée générale des associés, qui signe leur autonomie : « C’est une rampe de lancement », résume Michel Rohart. Il se prolonge pendant trois à cinq ans, notamment par des formations. Les salariés peuvent suivre une journée de découverte du fonctionnement des Scop, avant de se lancer dans un parcours d’associé de six jours. Les dirigeants ont un parcours spécifique, plus poussé en matière de stratégie, développement, ressources humaines et vie coopérative.

Un troisième niveau de formation leur est aussi proposé, dans le cadre d’un cycle de neuf mois (trois jours par mois) élaboré par l’Union nationale des Scop et l’université Paris-Dauphine. Enfin, ils peuvent intégrer un groupe ressource de dirigeants, animé par un coach. Toutes ces formations, financées par l’Opca de branche ou par celui du mouvement coopératif, Uniformation, alternent rencontres en interentreprises et travail concret, en intra, sur le projet de l’entreprise. Dans certains cas, le dispositif “succession du dirigeant” d’Opcalia vient en appui pour la période de “tuilage” entre l’ancien et le nouveau dirigeant.

Prescripteurs confiants

Depuis 2008, 51 RES ont ainsi été réalisées en Rhône-Alpes, sauvegardant 636 emplois. Transméa est intervenue dans 27 de ces cas, soit 332 postes. « Nous n’avons pas atteint l’objectif de 200 emplois préservés chaque année, car nous avons commencé presque en même temps que la crise, admet Michel Rohart. Mais ces reprises affichent 80 % de réussite à cinq ans ! » Un bilan qui a ancré, en 2011, la confiance des prescripteurs. « Ils commencent à nous adresser des entreprises de plus de 20 salariés. Nous savions qu’il faudrait du temps, parce que le mouvement coopératif ne représente pas la culture dominante de l’entreprise. »

* Socoden, conseil régional, CDC, Crédit coopératif, Macit participations, Ur-Scop, SEP, Nef.

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  • VÉRONIQUE VIGNE-LEPAGE