logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Enquête

L’AVIONNEUR A DÛ REVOIR SA COPIE

Enquête | publié le : 10.01.2012 | V. L.

Le système d’évaluation d’Airbus a été déclaré illicite en septembre 2011. En cause, l’application de certains critères comportementaux illégaux et la non-consultation préalable du CHSCT. Fin décembre, direction et syndicats ont abouti à des modifications répondant aux recommandations des juges.

Le système d’évaluation des cadres d’Airbus condamné sur la forme et sur le fond, cela fait désordre. Et la direction du constructeur aéronautique a décidé de ne pas se pourvoir en cassation : « Nous avons pris en compte les observations de la cour d’appel et retravaillé sur les valeurs et les comportements prévus dans le dispositif, affirme Olga Renda-Blanche, directrice des relations et politiques sociales d’Airbus en France. Il n’était pas remis en cause, nous devions préciser certains critères comportementaux. »

« La cour a fait un examen concret et un tri dans les critères comportementaux. En outre, Airbus a violé l’obligation de consultation du CHSCT puisque celle-ci avait été réalisée entre la première instance et l’appel », commente Emmanuelle Boussard-Verrecchia, l’avocate de la CGT (minoritaire) qui a porté l’affaire.

Première action rectificative donc, la consultation des partenaires sociaux en CHSCT et en CCE, fin décembre 2011, sur une nouvelle mouture de la grille d’évaluation. La cour avait souligné le risque pour les salariés d’une insécurité et d’une pression psychologique entraînant des répercussions sur les conditions de travail, « l’intégration de critères comportementaux professionnels représentant une part importante dans l’évaluation et influant notablement sur la part variable d’une prime annuelle, dont le minimum est de 7 % et dont le maximum peut être supérieur à 13,5 % du salaire annuel ».

Ensuite, le cœur du sujet a trait aux critères comportementaux. Le critère « agir avec courage » est considéré comme ayant une connotation morale, qui rejaillit sur la sphère personnelle, et est trop imprécis pour établir une « relation directe suffisante avec une activité professionnelle identifiable ».

Objectifs opérationnels

« La direction revient aujourd’hui à des objectifs comportementaux liés aux objectifs opérationnels. À chaque objectif, on s’attache à la manière de le réaliser », atteste Xavier Petrachi, délégué syndical central de la CGT. Les deux mentions litigieuses « agir avec courage » et « faire face à la réalité et être transparent », ont été retirées du nouveau projet.

Demeurent donc quatre autres valeurs de la société déclinées dans le document dénommé TheAirbusWay : « promouvoir l’innovation et livrer des produits fiables » ; « générer de la valeur pour le client » ; « favoriser le travail d’équipe et l’intégration au niveau mondial » ; « développer mes talents et ceux des autres ». Et la direction donne des exemples d’indicateurs de réussite correspondant aux objectifs comportementaux afin de mieux guider les managers. De plus, « la cour estime que l’on ne peut pas appliquer un système indifférencié à tous les cadres », précise Emmanuelle Boussard-Verrecchia. Là aussi, le nouveau système envisage des distinctions entre les différents niveaux de responsabilité dans l’entreprise.

Règles harmonisées

Pour les cadres dirigeants, un accord européen EADS, soumis à la signature des syndicats fin décembre, harmonise les règles. Les objectifs de comportement sont obligatoires et peuvent représenter jusqu’à 40 % des objectifs, mais pas plus. Pour les autres cadres, même s’il est fortement recommandé d’introduire de tels objectifs, ce n’est toutefois pas obligatoire. Dans l’hypothèse positive, ils ne peuvent pas représenter plus de 20 % des objectifs annuels.

Point sensible qui n’a pas fait l’objet d’une condamnation, mais était contesté : l’existence de quotas. « Rien ne permet d’affirmer que la société Airbus a décidé d’y recourir », affirme la cour. Elle cite toutefois une note du 4 janvier 2010 faisant mention d’une distribution cible avec « la recommandation de répartition suivante : 20 % top et high performance ; 70 % meeting expectations ; 10 % low performance ». Une note du DRH, également citée, précise qu’il n’est pas demandé aux managers d’identifier un quota de low performers, l’idée étant simplement d’aider le management. Ce que confirme Olga Renda-Blanche : « Nous ne recommandons aucun quota mais nous préconisons de faire une différenciation entre les performances des collaborateurs. »

« Les critères de low performers n’étaient pas acceptables, ils ont été supprimés. De même, nous avons fait retirer les quotas qui existaient lors des premières tables rondes sur le sujet », rapporte Jean-François Knepper, délégué syndical central de FO, syndicat majoritaire.

Précautions d’écriture

« L’existence de quotas n’a pas été retenue, selon moi, à tort, estime Emmanuelle Boussard-Verrecchia. Mais il existe un problème de preuve sur ce point. Des recommandations valent un impératif : les juges ne semblent pas se rendre compte du poids qui pèse sur les managers. Des précautions d’écriture sont prises car les RH savent que les quotas sont illicites. »

L’ensemble du nouveau système n’a pas recueilli d’avis défavorable mais des abstentions, s’est félicitée la direction. La CFE-CGC a même émis un avis favorable et obtenu une réunion annuelle pour s’assurer de la « bonne mise en application ».

AIRBUS

• Activité : constructeur aéronautique.

• Effectifs : 22 000 salariés en France (55 000 dans le monde).

• Chiffre d’affaires monde 2010 : 29 milliards d’euros.

Auteur

  • V. L.