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Enquête

DEUX SYSTÈMES DEVANT LES TRIBUNAUX

Enquête | publié le : 10.01.2012 | V. L.

Chez IBM comme chez HP, les systèmes de notations sont dénoncés par les syndicats, qui agissent en justice.

Le 13 janvier prochain, le TGI de Nanterre, saisi par le syndicat FO d’IBM, aura à délibérer sur le système d’évaluation de la compagnie, dénommé PBC (Personal Business Commitment). En cause, selon le syndicat, « l’évaluation des résultats professionnels imposés par des quotas prédéfinis ».

Jean-Paul Vincent, DSC FO d’IBM, a décortiqué les statistiques d’évolution de la rémunération des salariés de plus de 50 ans, révélant une discrimination à leur égard : « Dans l’évaluation, la note sert à gérer la masse salariale. Depuis plus de cinq ans, les notes négatives sont 3 fois plus importantes chez les seniors. Nous réclamons une méthodologie pertinente par rapport à la finalité poursuivie, et non l’application de critères comportementaux qui ne sont même pas décrits précisément. La direction nous répond que ce sont des décisions corporate. »

De plus, rapporte le syndicat, la direction d’IBM fait valoir que « la prise en compte de la performance relative des salariés (par comparaison avec les performances de leurs collègues, NDLR) pour l’attribution des notes les plus élevées est parfaitement licite et objective. Les salariés en sont d’ailleurs parfaitement informés et ce depuis de nombreuses années, sans que cela ne génère de contentieux particuliers ». En outre, « ceux qui ne seraient pas satisfaits » ont la possibilité de la contester, mais très peu l’ont fait.

Depuis 2004, les évaluations d’IBM sont composées de 5 notes variant de 1 à 4, avec l’introduction d’un niveau intermédiaire 2 + .1 correspond aux meilleures contributions, 2 + à au-dessus de la moyenne, 2 à bon niveau, 3 à parmi les contributeurs les plus faibles. Dans ce cas, une amélioration doit être observée rapidement, à défaut, cette situation conduit à la note 4, insatisfaisant, avec procédure de mise en garde. En clair, l’éventualité d’une séparation.

De son côté, Gérard Chameau, DSC CFDT, rappelle que, depuis 2003, les médecins du travail avaient dénoncé un stress pour plus de 40 % des salariés, et IBM avait alors refusé une enquête du CHSCT. « Nous avons finalement obtenu que le cabinet Syndex réalise une enquête sur le sujet. Résultat : les deux causes principales de stress sont les process et le PBC, déplore-t-il. De fait, la notation est attendue tout au long de l’année comme un couperet. » Dans son rapport d’expertise rendu en septembre 2010, Syndex pointe « la perception par les salariés d’un écart important entre l’évaluation faite par le manager et le travail réellement accompli ». Et l’atteinte des objectifs, notamment, « dépend de facteurs dont le salarié n’a pas toujours la maîtrise ».

Pas d’intéressement

L’entreprise n’accorde plus d’augmentation générale depuis 1986, et pas d’intéressement. La participation, qui avait aussi disparu en 1990, est revenue en 2010. Le dernier plan salaires faisait état d’une augmentation générale de 1,7 %. En 2011, seuls les salariés notés 1 et 2 + pourront avoir des augmentations individuelles.

La direction d’IBM, contactée, n’a pas été en mesure de répondre à notre demande d’interview dans les délais impartis.

Prud’hommes pour HP

Chez HP, le même type de système est également contesté. Quinze dossiers individuels seront portés devant les prud’hommes de Grenoble en janvier. Une autre affaire sera jugée le 4 avril par le TGI de Grenoble, saisi par le CHSCT sur la mise en application de l’évaluation localement. Et enfin, last bust not least, la Cour de cassation aura à se prononcer – à une date encore inconnue – sur la question de savoir si HP pratique les quotas.

« Il existe des notations relatives et les résultats du business influencent le partage des mauvaises notes à distribuer, c’est la porte ouverte à la subjectivité, dénonce Guy Benoist, DSC CFTC. On reproche par exemple aux salariés de “ne pas assez s’exposer”, d’avoir une communication qui n’est “pas bonne”, sans expliquer pourquoi. Il existe même une grille pour aider les managers à justifier des notes négatives. »

Toutefois, la direction aurait évolué : « Elle a travaillé pour que les objectifs soient “Smart” – spécifiques, mesurables, atteignables, réalistes et temporellement définis –, formé les managers, publié un guide en français et en anglais où il est indiqué qu’il faut parler de la charge de travail, et l’enregistrement des notes est calibré a posteriori et non plus en amont. » De fait, depuis 2010, beaucoup moins de notes sont négatives : par exemple, 3 % des salariés ont obtenu la note I. Chez HP, la grille de notes comporte 5 niveaux, par ordre décroissant : K, P +, P, P-, I.

Phrases types

En 2009, année de PSE, la moitié des élus du personnel ont eu une note P– ou I, rapporte Guy Benoist. Et l’inspection du travail, en septembre 2010, avait même prononcé un réquisitoire cinglant, resté sans réponse. Par exemple, elle notait que le document support aux évaluateurs « propose des phrases types pour l’évaluation. Toutes ces propositions sont négatives ».

Mauvaises notes

En parallèle des procédures engagées à Grenoble (le principal site d’HP), la CFDT a initié une action à laquelle le CE s’est rallié, visant à démontrer la pratique de quotas pour l’évaluation 2009. « Notre patron en France avait décidé d’attribuer 5 % de mauvaises notes », affirme François Godard, DSC CFDT.

La cour d’appel de Versailles n’a pas retenu cet argument. Les demandeurs présentaient l’ e-mail d’un manager demandant à ses troupes de classer au moins 5 % de salariés dans le groupe I et au mieux 20 % dans le groupe K. Les managers « n’ont pas appliqué les consignes […] sans qu’aucun reproche ne leur soit fait », dit la cour. Et de rapporter également que les plus mauvaises notes de 2006 à 2008 n’ont jamais atteint ce seuil de 5 %. Aucune directive impérative n’existe. Il n’est donc « pas fait application du ranking par quotas chez HP », selon elle. À l’issue de la campagne d’entretiens de 2010, applicable en 2011, 40 % des salariés n’ont pas eu d’augmentation de salaire. « Nous avons obtenu 3 % d’augmentation individuelle pour 2012, mais il n’y avait pas eu d’augmentation depuis des années », relativise François Godard.

Par ailleurs, le représentant CFDT déplore que, chez HP, il n’y ait « qu’un responsable RH pour 1 000 personnes. L’instance d’arbitrage n’existe plus, alors comment soumettre les éléments subjectifs des appréciations que nous contestons » ?

En attendant, ce sont les juges qui arbitrent. La direction d’HP n’a pas donné suite à notre demande d’interview.

Auteur

  • V. L.