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Enquête

INTÉGRER LA RSE DANS LA RÉMUNÉRATION : LES PRÉREQUIS

Enquête | publié le : 20.12.2011 |

Ce pari d’intégrer la RSE dans la rémunération variable n’est pas aussi simple qu’il y paraît. Il nécessite d’avoir une démarche de RSE préalable, des indicateurs non contestables, et un bon dialogue social.

CALENDRIER ET LEADERSHIP

Pas si simple d’imposer à ses managers, cadres et commerciaux, une rémunération variable sur des objectifs de RSE. La condition préalable est d’être déjà engagé dans une démarche solide de responsabilité sociale, assortie de plans d’action qui permettent d’atteindre les objectifs fixés. Danone, Schneider et Rhodia ont attendu que leur démarche de RSE soit bien implantée avant de proposer la rémunération variable.

« Rhodia Way a été mis en place en 2007, relate Jacques Kheliff, responsable RSE de Rhodia. On a laissé quatre ans aux managers pour se l’approprier avant d’introduire la rémunération variable. »

Gouvernance

Une gouvernance d’ensemble en matière de RSE et une forte implication du conseil d’administration sont nécessaires. « Avec des objectifs affichés sans moyen d’action, on produira des injonctions paradoxales et de la schizophrénie. Au mieux, ce sera un affichage ou des mesures purement cosmétiques, au pire, les indicateurs seront contournés », commente Christophe Laval, président fondateur du cabinet VPHR, spécialisé dans la reconnaissance au travail.

DES OBJECTIFS À CALIBRER

La crainte est souvent relayée par les syndicats : « Les effets pervers de certains objectifs existent, pointe Marie-Helène Gourdin, secrétaire fédérale de la CFDT Chimie Énergie. On a vu des managers intéressés à la sécurité sous-déclarer des accidents du travail pour conserver leur bonus ! »

Bénéfices réciproques

Pour être pertinents, les objectifs doivent coller au « business model de l’entreprise et à ses projets de croissance future », estime Florence Richard, avocate au cabinet Kersus. « Ils doivent aussi répondre aux besoins des salariés : il faut des intérêts mutuels pour en tirer des bénéfices réciproques », ajoute Christophe Laval.

Chez Danone et Rhodia, le choix a été fait de définir les objectifs par unité ou filiale. Résultat : les objectifs sont très divers, allant de la promotion des femmes, à l’innovation en termes de produits durables, en passant par l’amélioration du dialogue social ou la restriction de l’empreinte carbone.

Il faut aussi parfois définir des catégories de bénéficiaires selon les objectifs choisis : un directeur des achats aura plus d’influence sur le respect des droits de l’homme qu’un directeur de production ou un DRH.

QUELS INDICATEURS ?

Mais pour que les objectifs soient pertinents, il faut qu’ils s’appuient sur des indicateurs incontestables, clairs, et mesurables. Attention à ne pas accumuler les indicateurs et transformer l’activité du manager en un enfer de reportings. L’agence de notation Vigeo recommande de se limiter à deux ou trois objectifs par manager et un ou deux indicateurs par objectif suffisent.

Parmi les indicateurs couramment retenus (lire l’encadré ci-contre), l’environnemental (consommation d’électricité, de papier, rejets dans les rivières, non-toxicité des produits) est le plus simple à manier : les progrès se mesurent facilement.

Épineux critères comportementaux

À l’inverse, les indicateurs comportementaux sont délicats. Sylvain Niel, avocat au cabinet Fidal et président du Cercle des DRH, les déconseille : « Comment mesurer l’éthique, l’implication ou le respect des autres ? La part de subjectif est immense. Ces critères donnent forcément lieu à contestation et risquent d’être balayés par les tribunaux. » Airbus, qui avait retenu le courage comme critère d’évaluation, en a fait l’amère expérience le 21 septembre dernier devant la cour d’appel de Toulouse.

Mesure du bien-être

Parmi les indicateurs sociaux, ceux qui concernent la mesure du bien-être au travail sont aussi très complexes. L’indicateur des absences et des arrêts maladies utilisés par certains se révèle difficile à manier dans le cadre d’une rémunération variable. L’Union des caisses nationales de Sécurité sociale (Ucanss), qui veut « proratiser l’intéressement en fonction du temps de présence » est ainsi en conflit avec les syndicats qui refusent l’inclusion de ce critère dans l’accord.

S’il considère que l’indicateur des absences de courte durée doit être manié avec précaution, Christophe Laval juge tout de même qu’il peut être pertinent dans les entreprises où il est très supérieur à la moyenne (+ 15 %). « Mais attention, cela doit bien sûr s’accompagner d’un plan d’action et d’une analyse précise. Il peut être lié à une grande pénibilité au travail qu’il conviendra de corriger », insiste-t-il.

Jean-Christophe Sciberras, président de l’ANDRH, préfère pour sa part l’éliminer purement et simplement : « S’il peut être un indicateur du malaise au travail, il vaut mieux ne pas le retenir dans un système de rémunération variable. Les arrêts maladies ne dépendent évidemment pas seulement des conditions d’emploi. »

Manque de fiabilité

En matière d’indicateurs de bien-être au travail, il est possible aussi d’observer le turn-over, d’utiliser des enquêtes régulières de satisfaction du personnel ou de créer un espace de signalement des incidents.

« On manque encore d’indicateurs fiables pour évaluer le stress au travail, relève-t-on à la Direction générale du travail. Dans certaines entreprises, comme au technocentre de Renault, tous les indicateurs étaient au vert, et pourtant, le malaise des salariés était extrême. » Christophe Laval estime qu’il faudra, à l’instar du Québec, développer la recherche sur les indicateurs de santé au travail, « ce qui implique d’ouvrir la porte des entreprises aux chercheurs ».

Les objectifs de RSE et les indicateurs retenus par les entreprises

→ Objectifs environnementaux :

– Réduction de l’empreinte carbone : mesure de la consommation d’électricité.

– Plan de transport pour les salariés : nombre de kilomètres parcourus.

– Réduction de la pollution des cours d’eau : analyse d’échantillons prélevés, mesure de la température en aval et en amont des rivières.

– Réduction de la pollution dans l’atmosphère ou dans le sous-sol : analyse de prélèvements.

– Diminution de la consommation de papier : nombre d’impressions par service.

– Production durable : nombre de brevets permettant la fabrication de produits non agressifs pour l’environnement, suppression des matériaux à risques.

→ Objectifs sociaux :

– Sécurité au travail : taux d’accidents du travail et notamment mesure des accidents mortels.

– Diminution de la pénibilité : baisse du nombre de gestes répétitifs, diminution du port de charges lourdes.

– Formation : taux de formations réalisées, utilité des formations, taux pour les seniors, les femmes, les jeunes.

– Inégalité salariale : mesure des différences de salaires à postes équivalents.

– Égalité hommes-femmes : nombre de promotion de femmes à certains postes, écarts de salaires, application de mesures d’amélioration temps de travail-vie familiale.

– Dialogue social : nombre d’accords signés, nombre de réunions, objectifs de conclure sur des sujets précis.

– Mesure du bien-être au travail : déclaration d’incidents à une cellule de veille, évaluation par une enquête annuelle réalisée par un tiers, turn-over, taux d’absence de courte durée.

– Diversité : nombre de recrutements de personnes handicapées, de femmes, de personnes d’origines diverses, pyramide des âges.

– Transmission des savoir-faire : nombre de tuteurs, formation des tuteurs.

→ Objectifs sociétaux :

– Dialogue avec les parties prenantes (ONG, associations) : nombre de réunions, actions spécifiques, concertation.

– Respect des droits de l’homme : suppression du travail des enfants chez les sous-traitants, respect des horaires de travail, conditions de salaire.

– Mécénat : projets de soutien à l’éducation, à la nutrition, au développement.

– Insertion de publics en difficulté : jeunes en difficulté, seniors sans emploi.

– Accessibilité des produits ou des services à tous : ventes aux personnes handicapées, aux personnes âgées ou aux personnes économiquement défavorisées.

→ Des objectifs pour les commerciaux et le back office :

– Qualité du service : enquête de satisfaction des clients, taux de fidélisation.

– Traitement des plaintes : délai de réponse, taux de réussite, nombre de contentieux.

– Sourcing responsable : nombre de fournisseurs répondant à des clauses RSE.