E & C : La notion de handicap psychique a été retenue pour la première fois dans la loi du 11 février 2005. Que recouvre-t-elle exactement ?

K. R. : Les psychoses, les troubles graves de la personnalité, certains troubles névrotiques graves comme les troubles obsessionnels compulsifs… La souffrance, la fragilité, la tendance à l’isolement, la dévalorisation, la perte d’estime de soi… en sont certaines caractéristiques fréquentes.

Le handicap psychique se distingue du handicap mental sur plusieurs points : l’intelligence est préservée, les causes en sont inconnues, contrairement à la déficience intellectuelle. Il apparaît souvent à l’âge adulte. La symptomatologie est instable, imprévisible. La prise de médicaments est souvent indispensable, associée à des techniques de soins visant à pallier, voire à réadapter, les capacités à penser et à décider.

E & C : Qu’apporte aux individus la reconnaissance du handicap psychique ?

K. R. : Auparavant, les personnes étaient reconnues comme des patients souffrant d’une maladie mentale. Avec cette reconnaissance, elles accèdent à un statut de personne handicapée, avec d’autres droits. La majorité de ces personnes peuvent être stabilisées sur le plan médical, mais gardent des séquelles profondes. Il n’y a pas de déficiences intellectuelles permanentes, mais un handicap comportemental et affectif, se traduisant par des difficultés à acquérir ou à exprimer des habiletés psychosociales. S’ensuivent des déficits d’attention et des difficultés à élaborer et suivre un plan d’action ainsi qu’une alternance d’états calmes et tendus.

E & C : Le management semble particulièrement interpellé par ce type de troubles, parce que les solutions techniques ne sont pas les réponses. Comment aborder cette question en entreprise, alors que même l’ANDRH reconnaît que sa réflexion sur ce sujet est quasi nulle ?

K. R. : Le handicap psychique interroge les entreprises quant à son accompagnement très spécifique et extrêmement variable. Le niveau de réflexion est en effet quasiment inexistant sur cette question. Il semble au départ plus simple de recruter un collaborateur handicapé physique qui n’a besoin que d’adaptations techniques de son poste, ou une personne déficiente intellectuelle, qui peut accomplir de manière durable et linéaire une tache, plutôt qu’un collaborateur handicapé psychique dont la variabilité du handicap peut être une difficulté pour l’entreprise. Mais avec un accompagnement durable et une organisation du travail adaptée, l’insertion d’un collaborateur handicapé psychique n’est pas plus compliquée. Une personne handicapée psychique en recherche d’emploi a besoin de temps, d’écoute, de confiance en son interlocuteur pour accepter le poste et le tenir durablement. Le handicap psychique renvoie ainsi à la question du dialogue social.

E & C : L’Agefiph estime à 17 % le taux de salariés handicapés atteints de tels troubles psychiques. Mais certaines études pointent un potentiel énorme. Les entreprises doivent-elles s’attendre à y être plus souvent confrontées ?

K. R. : Selon les estimations, près de 27 % de la population seraient touchés par des troubles graves au moins une fois dans leur vie, et 6 % par des troubles psychiques sévères et durables. 600 000 personnes souffriraient de schizophrénie, et 600 000 autres de troubles bipolaires maniaco-dépressifs. La souffrance psychique étant reconnue comme un handicap, il y a mécaniquement une augmentation du nombre de reconnaissances en qualité de travailleur handicapé par la MDPH.