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Le chômage partiel pourra-t-il amortir la crise ?

Actualités | publié le : 13.12.2011 | AURORE DOHY

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Le chômage partiel pourra-t-il amortir la crise ?

Crédit photo AURORE DOHY

Alors que le nombre de demandeurs d’emploi atteint de nouveaux sommets, les appels à une réactivation, et même à une rénovation, des dispositifs de chômage partiel se multiplient. Les arguments ne manquent pas : il apparaît aujourd’hui que le chômage partiel n’a pas été l’instrument de lutte contre le chômage que les pouvoirs publics espéraient en 2008-2009.

Chute de l’intérim, hausse sensible du nombre de licenciements économiques, non-renouvellement des CDD : les signes avant-coureurs ne trompent pas, la récession s’installe et commence à faire sentir ses effets sur l’emploi dans les entreprises. « Comme au début de la crise de 2008-2009, les employeurs ajustent leurs effectifs via leur volant de travailleurs précaires et exploitent les possibilités de leurs accords de modulation du temps de travail, affirme Laurent Berger, secrétaire national de la CFDT en charge des questions d’emploi. L’étape suivante, c’est le recours au chômage partiel. »

Légère hausse du chômage

Selon l’Insee, le taux de chômage partiel a d’ores et déjà connu une légère hausse de 0,2 point au troisième trimestre 2011 mais, en valeur absolue, il a concerné 111 000 personnes contre 54 000 au deuxième trimestre. Les uns après les autres, les principaux industriels français font état de journées chômées d’ici à la fin de l’année, voire dans les premières semaines de 2012.

Après avoir organisé des formations et des chantiers d’entretien, et détaché du personnel dans d’autres usines du groupe pour compenser la baisse de ses commandes, la direction de l’usine Michelin de La Roche-sur-Yon (pneus pour poids lourds) a par exemple fait part, le 1er décembre, d’un recours prochain au chômage partiel : de trois à sept jours pour 600 des 700 salariés de l’usine d’ici à la fin de l’année. Idem chez PSA (cinq jours de chômage technique pour 4 000 salariés de l’usine de Sochaux et huit jours pour 1 500 salariés de l’usine de Mulhouse), Arcelor-Mittal (une bonne partie des 3 000 salariés du site de Florange au premier trimestre) ou General Motors (39 jours début 2012 pour 800 salariés à Strasbourg).

“Instrument ancien de la politique de l’emploi”

Dans le même temps, les syndicats réclament unanimement un débat sur la réactivation, voire la rénovation, du dispositif. Alors que la success story du chômage partiel à l’allemande (lire l’article ci-contre) est sur toutes les lèvres, il apparaît en effet aujourd’hui que le chômage partiel, en France, n’a pas été l’arme de lutte contre le chômage que les pouvoirs publics espéraient en 2008-2009.

Dans son dernier rapport annuel, publié en février 2011, la Cour des comptes met en évidence les insuffisances de cet « instrument ancien de la politique de l’emploi » lors de la dernière phase de récession. Ainsi, au plus fort de la crise, 275 000 salariés français ont été concernés, soit un peu plus de 0,8 % de la population active, un taux très inférieur à ceux relevés à la même époque en Belgique (5,6 % de la population active), en Italie (3,29 %) et en Allemagne (3,17 %). Explications retenues par la Cour : les possibilités de modulation du temps de travail issues de la mise en place des 35 heures qui ont pu « se substituer, du moins pendant un premier temps, au chômage partiel », la perte en dix ans de 1,2 million d’emplois industriels – les plus touchés par le chômage partiel – et l’insuffisance des incitations financières pour les entreprises – exonération de cotisations sociales, réduction de CSG et CRDS – inférieures aux aides existantes dans les autres pays européens.

En conclusion, la Cour des comptes pointe également la « complexité du cadre juridique » pour les entreprises. Depuis la création en mai 2009 de l’activité partielle de longue durée* (APLD), dispositif d’aide supplémentaire, les employeurs sont en effet confrontés à un système à trois étages (allocation spécifique de chômage partiel versée par l’employeur et remboursée par l’État, indemnité complémentaire à la charge de l’employeur et APLD).

Cette difficulté n’a pas échappé au Conseil d’orientation pour l’emploi qui recommande pour sa part, dans son rapport sur “Le chômage de longue durée”, rendu public le 1er décembre, des « évolutions substantielles » pour renforcer l’efficacité du chômage partiel : chaque entreprise confrontée à des difficultés devrait notamment pouvoir « bénéficier d’un seul dispositif au lieu de trois et de procédures plus simples qu’aujourd’hui ».

Simplifier l’accès à l’activité partielle

« Les délais d’acceptation des demandes et de remboursement des sommes versées par l’employeur sont incontestablement trop longs. Si le chômage partiel est trop compliqué à mettre en œuvre au moment précis où les entreprises vont en avoir besoin, c’est à une avalanche de licenciements économiques que nous allons être confrontés », alerteLaurent Berger.

Des arguments avec lesquels le ministère du Travail semble être en adéquation. Le 29 novembre, Xavier Bertrand a annoncé sa volonté de « simplifier l’accès à l’activité partielle » via la publication d’un décret qui obligerait l’administration à répondre sous quinze jours (contre vingt aujourd’hui), son silence valant acceptation.

En outre, la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) travaille actuellement à un projet d’extranet qui permettra de centraliser les demandes des employeurs et d’accélérer les procédures de remboursement. Mais il ne devrait pas aboutir avant mai ou juin 2012.

« L’amélioration des processus administratifs est indispensable mais ça ne réglera pas tout, considère Stéphane Lardy, secrétaire confédéral FO et représentant de l’Unédic. Il reste aujourd’hui 40 millions d’euros sur les 150 millions de l’enveloppe dégagée par l’Unédic pour l’APLD en 2009. Mais par la suite, qui paiera ? L’Unédic, qui totalise un endettement de 13 milliards d’euros, sera-t-elle en mesure de participer à nouveau ? »

« Si la situation l’exige, nous augmenterons les moyens », a également affirmé Xavier Bertrand, sans plus de précisions, le 29 novembre.

Anticipation nécessaire pour 2012

« Les chefs d’entreprise abordent l’année 2012 dans une incertitude rarement égalée, s’inquiète Geneviève Roy, vice-présidente de la CGPME en charge des affaires sociales. En 2009, les pouvoirs publics ont trop tardé à adapter le dispositif de chômage partiel à la situation. Il sera peut-être encore nécessaire de réaugmenter le contingent d’heures. Cette fois-ci, anticipons pour éviter à tout prix les licenciements ! »

* L’APLD prévoit une participation complémentaire de l’Unédic à partir de la 51e heure chômée. En contrepartie, l’entreprise s’engage à maintenir dans l’emploi les salariés concernés pendant le double de la période de la convention d’activité partielle.

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  • AURORE DOHY