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RAS… ou presque chez Gan Prévoyance

Pratiques | RETOUR SUR… | publié le : 06.12.2011 | CATHERINE DE COPPET

Diffusé le 6 octobre 2011 sur France 2, le documentaire La Gueule de l’emploi épinglait les méthodes de recrutement des futurs conseillers prévoyance du Gan. En réponse, l’assureur a cherché avant tout à se faire oublier, tandis que le milieu du conseil en recrutement n’en finit pas de réagir.

« Le processus de recrutement chez Gan Prévoyance est moderne. Il est basé sur des mises en situation qui vous permettront de démontrer toutes vos compétences dans ce do­mai­ne, plutôt que de les raconter. » Voilà ce qu’on peut encore lire sur la page d’accueil du site de recrutement de Gan Prévoyance. Des propos vendeurs qui sonnent un peu faux depuis la diffusion sur France 2, le 6 octobre dernier, du documentaire de Didier Cros, La Gueule de l’emploi. Ce film de 93 minutes a fait l’effet d’une petite bombe. Présentant une session collective de recrutement de conseillers prévoyance assurée par un cabinet prestataire, RST Conseil, le film donne à voir les différentes étapes de la sélection, en alternance avec des interviews de candidats.

Processus impitoyable

Autorisé par l’entreprise et le cabinet conseil à filmer ce dispositif, qui avait pour caractéristique de ne faire intervenir le CV qu’en toute fin de parcours, le réalisateur décrit un processus de recrutement impitoyable, basé sur la mise en concurrence et l’humiliation des candidats, sur fond d’opacité concernant les conditions du poste à pourvoir.

Aussitôt après sa diffusion, le film a suscité nombre de réactions, tant sur les méthodes utilisées que sur le travail du journaliste (lire l’encadré). De source syndicale, le documentaire et son impact auraient été évoqués lors du comité central d’entreprise, cinq jours après la diffusion. « Nous avons fait une déclaration pour dire que les méthodes utilisées étaient en contradiction avec les valeurs de respect que nous prônons. Nous mettions aussi en question la poursuite du contrat avec le cabinet de recrutement », indique Jean-François Besnard, délégué syndical CFDT.

Puis, dans un communiqué de presse du 13 octobre, la direction, qui refuse toute inter– view, tente de se démarquer de l’image véhiculée par le film : « La présence des caméras a pu fausser l’attitude d’une partie de l’équipe formée par le cabinet de recrutement RST et les représentants de Gan Prévoyance. D’où un rendu final choquant, qui ne reflète pas le processus de recrutement de Gan Prévoyance. » L’entreprise indique néanmoins avoir saisi cette occasion pour engager une « réflexion » autour des problématiques de recrutement, dans le désir de « mener une évaluation approfondie ».

Recrutements gelés

Enfin, une rencontre avec les syndicats a eu lieu au siège, dix jours après la diffusion du film : « La direction nous a expliqué son sentiment de s’être fait piéger, souligne Jean-François Besnard. Et que le recrutement de conseillers prévoyance sera gelé pour 2011. » En d’autres termes, l’entreprise aurait suspendu son contrat avec RST Conseil, chargé depuis trois ans du recrutement de ces conseillers. Selon les syndicats, le sort du prestataire ne serait malgré tout pas définitivement scellé.

Impossible cependant d’en savoir plus sur les actions concrètes que Gan Prévoyance compte mettre en place. Au-delà, c’est la réception du film par les salariés qui est mise en avant : « La plupart des collègues ont été choqués par la manière dont les recruteurs interpellaient les candidats, poursuit Jean-François Besnard. Nous serons très vigilants dans les semaines qui viennent, il faut qu’il y ait une remise en question. » Pour sa part, la CFTC indique que le film aurait beaucoup inquiété les managers, ceux-ci anticipant un manque de candidats lors des recrutements futurs : « Les salariés ont très mal ressenti cette mauvaise publicité, vu la conjoncture », estime Daniel Bailleux, le délégué syndical.

Malgré tout, les syndicats se montrent peu revendicatifs, quand ils n’adoptent pas la posture de la direction : « Nous souhaitons que cette affaire s’étouffe toute seule », avance ainsi François Miot, de la CGT, pour qui « le film a parodié la réalité ». Les prochaines recrues jugeront…

DES RÉACTIONS ENFLAMMÉES

Les réactions suscitées chez les téléspectateurs par le film ont atteint leur apogée avec la création par un internaute d’un site accablant nommément les dirigeants de RST Conseil et les responsables du recrutement de Gan Prévoyance. Très rapidement, il a pu être interdit, mais la polémique n’en a été que plus vive. Les dirigeants de RST Conseil ont dénoncé les méthodes du réalisateur, accusé d’avoir « mis en scène » la réalité et imposé des éléments qui n’existaient pas dans le processus habituel (décor, etc.). Ce dernier a répondu point par point, regrettant « ce refus de la plus élémentaire remise en question » : « Je n’ai, bien entendu, aucune satisfaction de voir RST Conseil plongé dans l’embarras économique, et je n’ai aucun plaisir non plus à constater l’hypocrisie généralisée d’une profession qui a décidé de faire de ce cabinet de recrutement un bien confortable bouc émissaire », précise-t-il.

De fait, les professionnels du conseil en recrutement n’ont pas hésité à se désolidariser de RST Conseil, dénonçant le « manque de respect » (Michael Page International) ou encore les « méthodes brutales et déstabilisantes » (Syntec Conseil en Recrutement).

Alain Gavand, président d’À Compétence Égale, a publié une série de 7 propositions censées garantir l’éthique des spécialistes du recrutement, comme la création d’un médiateur permettant le recours des candidats (lire Entreprise & Carrières du 25 octobre 2011).

Auteur

  • CATHERINE DE COPPET