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ItalieLUXOTTICA, L’ANTI-FIAT

Pratiques | International | publié le : 06.12.2011 | ANNE LE NIR

Le géant italien de la lunetterie de luxe applique des politiques sociales d’avant-garde, comme en témoignent le partage des postes en famille ou la banque de temps pour la maternité.

Le principe sur lequel se fonde la multinationale Luxottica est simple : « L’implication dans le travail est largement fonction de la façon dont les salariés sont traités et dont ils voient leurs efforts rétribués, notamment en termes d’avantages sociaux », explique le directeur de la communication, Ivan Dompé, avant de qualifier Luxottica de « laboratoire d’innovations ». De fait, le nouvel accord d’entreprise d’une durée de trois ans, signé par la direction et les syndicats, prévoit de nombreuses dispositions inédites qui rénovent une forme de contrat social propre aux PME des districts italiens, mais l’échelle de ce groupe spécialisé dans la fabrication des montures de lunettes de luxe, qui compte en Italie 8 000 salariés (62 000 dans le monde) et six usines.

Pour la première fois, une entreprise propose le job sharing familial. Autrement dit, le partage d’un emploi et d’un salaire en famille, sous certaines conditions (1). La durée de ce contrat ne peut dépasser trois ans, il concerne les membres d’une même famille qui partagent le travail, et la priorité sera donnée aux maris ou épouses au chômage, et aux enfants étudiants ou sans emploi.

Vallée de l’optique

À titre d’exemple, Ivan Dompé cite le cas d’un père de famille qui souhaite suivre une formation professionnelle de six mois et qui va donc se faire relayer par son épouse pendant son absence. En fait, cette initiative se prête parfaitement aux caractéristiques de la province de Belluno, dans le nord de l’Italie. Il s’agit de la fameuse vallée de l’optique, où se situent le siège de Luxottica (à Agordo) et ses usines. En raison de la crise, depuis 2008, de nombreuses micro-entreprises spécialisées dans l’optique ont dû mettre la clé sous la porte et licencier. Or, dans cette vallée, ce sont des familles entières qui, de génération en génération, travaillent dans ce secteur. Luxottica est donc assurée d’avoir du personnel déjà qualifié ou capable de se former très rapidement.

“Banque des heures”

Outre cette nouveauté, la multi­nationale a introduit d’autres mesures visant à mieux concilier travail, vie familiale et natalité. Un facteur d’équilibre auquel le fondateur de Luxottica, père et grand-père âgé de 76 ans, tient beaucoup. Leonardo Del Vecchio a en effet été marqué par son enfance passée dans l’orphelinat milanais où l’avait placé sa mère, faute de pouvoir l’élever seule après la mort de son mari. D’où la création d’une “banque des heures” pour soutenir la maternité et la paternité. Il s’agit d’une sorte de compte épargne temps, créé pour donner aux couples qui souhaitent devenir parents la possibilité d’accumuler pendant trois ans des heures de travail supplémentaires de pause ou des jours de congés non pris, afin de rester plus longtemps chez eux après la naissance de leur enfant, sachant que 65 % des salariés italiens de Luxottica sont des femmes. « Ce système permettra aux salariés de gérer leur temps de façon plus autonome », assure Nicola Pelà, DRH. « Ainsi, un salarié peut choisir de ne prendre qu’une demi-heure de pause à midi, au lieu d’une heure comme il en a le droit, et de placer le temps épargné dans la “banque des heures. »

Autre nouveauté de taille, Luxottica garantira le paiement du salaire à taux plein sans limite de durée pour les travailleurs atteints de grave maladie. Donc au-delà des obligations légales (après 180 jours d’absence, le salarié malade ne perçoit que 50 % de son salaire). La multinationale innove également en instituant de nouveaux paramètres pour le calcul du montant de la prime annuelle par salarié. Elle ne sera plus seulement établie en fonction du rendement et de la productivité personnelle mais tiendra aussi compte, usine par usine, du montant des factures d’électricité, des quantités de déchets et de matériel consommé (papier, cartouches d’imprimantes, etc.).

Cohésion sociale

Selon le secrétaire général adjoint du syndicat Femca-CISL(2) Sergio Spiller, cet accord est très positif « parce qu’il introduit de nouveaux instruments de participation et renforce les capacités de dialogue entre salariés, syndicats et entreprise ». De son côté, le directeur des relations industrielles de Luxottica, Piergiorgio Angeli, se félicite de la politique sociale du groupe : « Nous tenons à la cohésion sociale et nous nous donnons donc les moyens de la cultiver. »

(1) Le job sharing est déjà prévu dans les contrats de travail nationaux et il peut être régulé (ou modulé) par les entreprises.

(2) Confédération italienne des syndicats des travailleurs, secteurs énergie, industries textiles et chimie.

Auteur

  • ANNE LE NIR