Le dirigeant étant le leader de l’entreprise, ses pratiques sont rarement associées au doute. Le numéro deux de Dano­ne, Emmanuel Faber, à travers un récit autobiographique, montre pourtant qu’il peut lui arriver de douter de son rôle et de ses choix, et qu’il peut même, dans certains cas, être préférable de le faire pour ne pas foncer droit dans le mur. Mais au-delà des états d’âme de l’auteur, un certain nombre de doutes sur les finalités de l’économie en général et de la finance en particulier lui semblent tout simplement un gage d’honnêteté envers les autres comme envers lui-même. Non, l’économie n’est pas une science rationnelle. Non, une entreprise ne saurait se prétendre citoyenne sans tricher sur le sens des mots. Non, il n’est pas de main invisible du marché pour concilier au mieux l’intérêt individuel et l’intérêt collectif, etc. Prétendre le contraire revient tout simplement à mentir en cachant son intérêt derrière de fumeuses considérations rationnelles ou éthiques.

Rendons grâce à l’auteur de le reconnaître. Mais, puisque qu’agir c’est vivre, les choix professionnels opérés à la lumière du doute n’en sont pas moins des choix pleinement assumés par le vice-président de Danone. Au passage, Emmanuel Faber s’interroge sur les problèmes qu’il ne veut pas ignorer : la mondialisation, la pauvreté, la vieillesse, la maladie. Et il revendique sans complexe sa participation au forum social mondial. Pas question pour lui, évidemment, de renier la logique de marché qui doit être celle d’une grande entreprise. Tous ses efforts tendent justement à tenter de concilier au mieux l’intérêt de celle-ci et son exigence humaniste. Un exercice d’équilibriste, certes, mais c’est là tout son intérêt.

Chemins de traverse Emmanuel Faber, Albin Michel, 224 pages, 18 euros.