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Deux PSE n’auront pas remis la compagnie à flots

Pratiques | RETOUR SUR… | publié le : 29.11.2011 | STÉPHANIE MAURICE

En trois ans, deux PSE ont fait fondre de moitié les effectifs de SeaFrance. Tandis que d’anciens salariés contestent en justice les conditions de leur reclassement à la SNCF, l’entreprise risque une liquidation en janvier prochain.

Dix semaines de répit avant la liquidation judiciaire. Le tribunal de commerce de Paris a rejeté les deux offres de reprise présentées, celle associant Louis Dreyfus Armateurs et le groupe de ferrys danois DFDS, et le projet de Scop porté par la CFDT. Ce qui n’a pas surpris le syndicat, à qui il manquait 25 millions d’euros pour assurer son financement. Il espère aujourd’hui pouvoir boucler son tour de table avant la date butoir de la remise des nouvelles offres, le 12 décembre prochain. Sinon, c’est la disparition d’une compagnie maritime déjà durement éprouvée, avec 700 postes supprimés en trois ans sur un effectif initial de 1 580 salariés.

270 licenciements contestés

La direction des ressources humaines de SeaFrance affiche un bilan qu’elle estime honorable de ses deux plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) : 150 licenciements contraints et pas moins de 540 départs volontaires, dont 130 dans le cadre d’une mesure d’âge, et 170 pour une création d’entreprise.

Le syndicat majoritaire n’a pas la même appréciation : la CFDT soutient les dossiers de 270 salariés qui ont assigné SeaFrance pour licenciements abusifs. Parmi les raisons invoquées, les 413 reclassements à la SNCF, actionnaire unique de SeaFrance, prévus dans le PSE initial. Seules 13 personnes y sont allées, selon Jean-Marc Galindo, le DRH. La CFDT n’en a compté que 8. « Il n’y avait pas forcément une correspondance entre les compétences, sans compter l’obstacle de la mobilité. La SNCF, c’est dans la France entière », justifie Jean-Marc Galindo. « On s’est vite rendu compte que les postes proposés n’avaient rien à voir avec ce qui avait été dit, témoigne pour sa part un ex-SeaFrance. C’étaient plutôt des CDD, avec des salaires inférieurs à ceux que nous avions, dans des secteurs géographiques lointains. Et même avec une formation, on n’était même pas assuré d’avoir le poste. »

L’avocat de la CFDT, Me Brun, dénonce des offres d’emploi ouvertes à tous, en interne ou en externe, et pas seulement aux SeaFrance : « Ils n’ont pas proposé un emploi en reclassement mais un processus de recrutement », tempête-t-il. La DRH de SeaFrance affirme de son côté avoir bien proposé, par courrier individuel, des offres de reclassement réservées aux seuls employés de SeaFrance. Le tribunal d’instance de Calais tranchera en janvier.

Les salariés ont préféré le guichet ouvert pour les départs volontaires. « Il y a eu beaucoup de reconversions et de créations d’entreprise sur ce dossier », note Élisa Évrard, chef de projet à Altedia, le cabinet chargé de la cellule de reclassement. « C’est l’opération : je te fais un chèque », ironise Me Brun. Les salariés étaient assurés de partir avec une prime de 25 000 euros en cas de rupture volontaire, avec des financements complémentaires entre 15 000 et 25 000 euros selon leurs projets. Aujourd’hui, ni la direction ni les syndicats n’affichent le bilan détaillé de la situation des anciens salariés partis dans ce cadre. « On ne sait pas », avoue-t-on à la CFDT.

Commission de suivi tripartite

« Nous avons jugé la viabilité des projets dans une commission de suivi tripartite, qui rassemblait l’État, les syndicats et notre entreprise. SeaFrance n’a pas laissé partir les gens n’importe comment », assure Jean-Marc Galindo. L’accompagnement a duré au-delà de la première année de la création de l’entreprise, « pour éviter que les créateurs ne soient débordés par les aspects administratifs », ajoute Élisa Évrard. Avec le recul, certains créateurs estiment cependant que leur dossier a « été validé facilement, alors que le projet initial était un peu bancal ». Sans doute y a-t-il eu des effets d’aubaine : « Certains, partis avec la prime, ont été réembauchés ensuite en CDD pour la saison », témoigne Marc Sagot de la CGT.

Les départs contraints se sont concentrés sur le deuxième PSE, 243 postes supplémentaires supprimés. L’effectif étant passé sous la barre des 1 000 personnes, « on a basculé dans un autre fonctionnement, avec la possibilité d’adhérer à un contrat de transition professionnelle », explique Élisa Évrard. Sur les 150 personnes en licenciement contraint, une centaine ont choisi de bénéficier de l’accompagnement CTP géré par Pôle emploi à Calais. La DRH de SeaFrance évoque « plus d’une cinquantaine de personnes d’ores et déjà en situation de retour à l’emploi », sans plus de précisions. « Si le deuxième PSE était resté ouvert plus longtemps, il y aurait eu sans doute encore d’autres départs volontaires », confie Élisa Évrard. Elle décrit des salariés minés par l’incertitude. De ce côté-là, ils n’en ont pas encore fini, au moins jusqu’au mois de janvier.

DATES CLÉS

Mai 2009 : annonce de la suppression de 543 postes, avec reclassement de 413 salariés à la SNCF, dont SeaFrance est la filiale à 100 %. La CFDT, majoritaire, refuse le PSE.

15 décembre 2009 : les salariés acceptent lors d’un référendum le PSE, renégocié à 482 suppressions de poste, avec 2 voix de différence. La CFDT s’incline et signe en janvier 2010.

Pâques 2010 : grève menée par la CFDT.

30 juin 2010 : l’entreprise est placée en redressement judiciaire. Un nouveau PSE porte le nombre de suppressions à 725.

16 novembre 2011 : le tribunal de commerce de Paris prononce la liquidation judiciaire avec poursuite de l’activité jusqu’au 28 janvier 2012.

Auteur

  • STÉPHANIE MAURICE