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Enquête

LOI CHERPION SUR LES GE : UN TEXTE INABOUTI

Enquête | publié le : 29.11.2011 | L. C.

Faute d’accord entre les partenaires sociaux, les mesures de la loi Cherpion concernant les groupements d’employeurs sont entrées en vigueur depuis le 1er novembre. Des dispositions jugées insuffisantes, notamment sur le statut des salariés des GE.

Syndicats et patronat, réunis pour aménager les dispositions de la loi Cherpion sur les groupements d’employeurs (GE), n’ont pas réussi à trouver un terrain d’entente pour signer un accord national interprofessionnel. Le 28 octobre 2011, trois jours avant la promulgation de la loi prévue pour le 1er novembre, la dernière séance de négociation s’est soldée par un échec : « Dès le début, le Medef n’a jamais caché que cette loi lui convenait très bien. Il a joué le jeu de la négociation sur la forme, mais il n’avait aucune intention de revenir sur ce texte », juge Éric Aubin, chargé des questions d’emploi à la CGT.

Ouverture facilitée aux grandes entreprises

Principal point d’achoppement entre patronat et syndicats : le recours facilité aux groupements d’employeurs pour les entreprises de plus de 300 salariés. Avec la loi Cherpion, ces dernières ne sont désormais plus obligées de signer un accord d’entreprise pour adhérer à un ou plusieurs GE. Pour FO, « cela revient à considérer que le dialogue social en entreprise est un frein à l’emploi, ce qui est inacceptable », fustige Stéphane Lardy, chargé des questions d’emploi.

Comme l’ensemble des syndicats, il juge que cette souplesse accrue offerte aux grandes entreprises « en fait surtout un outil de forte flexibilité pour les employeurs, qui pourront aller puiser dans les ressources des groupements d’employeurs comme ils l’entendent, y compris pour des contrats de courte durée ».

Du côté de l’Ugef (Union des groupements d’employeurs), cet assouplissement est jugé favorablement. Motif ? L’obligation de négocier un accord d’entreprise aurait constitué un véritable frein à l’essor des groupements. « Les grandes entreprises sont déjà submergées d’obligations légales de négociation en matière d’emploi. Elles peuvent très bien recourir à l’intérim ou aux CDD sans en passer par l’accord des syndicats. Pourquoi ne serait-ce pas le cas des groupements d’employeurs ? », questionne Aline Jacquet-Duval, présidente de l’Ugef.

La plupart des observateurs se montrent néanmoins dubitatifs sur l’impact de cette mesure : « Cela ne changera pas grand-chose en pratique. Les grandes entreprises sont largement assez équipées en outils de flexibilité pour embaucher du personnel en CDD ou en intérim », estime Jean-Yves Kerbourc’h, professeur de droit du travail à l’université de Nantes (lire p. 27).

Si la loi Cherpion rappelle le principe de l’équité de traitement salarial (y compris concernant les accords de participation, d’intéressement ou d’épargne salariale) entre les salariés des groupements d’employeurs et ceux de l’entreprise, les syndicats estiment que le texte ne règle pas la question de fond : celui du statut des salariés du GE. « Ils continuent d’être couverts par des conventions collectives très diverses et souvent par la plus défavorable. Nous aurions souhaité harmoniser l’égalité de traitement des salariés des groupements en matière de conditions et de temps de travail ou d’accès à la formation. Or tous ces points ont été balayés de la négociation », regrette Éric Aubin.

Sur le terrain, la plupart des GE se disent d’ailleurs déçus par une loi jugée trop superficielle : « Alors qu’il y a urgence à créer une véritable loi encadrant les GE, précisant le cadre du recours au CDI à temps partagé et le statut du salarié », estime Franck Delalande, directeur du groupement d’employeurs Vénétis.

Cette loi ouvre aussi une brèche dans l’engagement financier des entreprises adhérentes d’un GE. Jusqu’à présent, les adhérents étaient financièrement totalement responsables des dettes du groupement en cas d’impayés. Dans l’objectif de faciliter l’adhésion des entreprises – et notamment des petites PME –, la loi Cherpion permet aux GE d’aménager dans leurs statuts des règles de répartition des dettes entre les entreprises adhérentes selon « des critères objectifs ». Lesquels restent à définir.

Pour Stéphane Lardy, « il est probable que cette responsabilité des adhérents soit indexée sur le pourcentage de volumes d’heures de main-d’œuvre utilisé par l’entreprise. Or ces dispositions relatives aux conventions commerciales vont à l’encontre même du statut associatif des GE ».

Auteur

  • L. C.