logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Enjeux

« Développer les talents : un rôle majeur pour la fonction RH »

Enjeux | publié le : 29.11.2011 | VIOLETTE QUEUNIET

Image

« Développer les talents : un rôle majeur pour la fonction RH »

Crédit photo VIOLETTE QUEUNIET

Pour assurer leur compétitivité mais aussi prévenir le désengagement des salariés, les entreprises doivent renouveler le management des talents et en élargir le périmètre. Les responsables RH ont un rôle majeur à jouer dans la remise en marche de l’ascenseur social.

E & C : Vous animez prochainement une journée* consacrée au renouvellement du management des hauts potentiels. Pourquoi renouveler ce type de management ?

Jean-Marie Peretti : Plusieurs facteurs nécessitent un renouvellement de l’approche du management des talents. Le premier est l’évolution démographique. Désormais, les talents auront des carrières plus longues. Il faut donc prévoir l’organisation de leurs parcours sur une plus longue durée. Par ailleurs, toute une génération de dirigeants partira à la retraite dans les dix ans qui viennent. Il faut avoir la capacité d’assurer la relève par des personnes très expérimentées. Mais l’expérience n’est valable que si elle est construite d’une façon pertinente pour permettre le développement des talents des managers. Autre facteur important : la plus grande complexité de l’univers professionnel ainsi que l’internationalisation croissante des entreprises. Celles-ci sont confrontées à des environnements instables, qui nécessitent d’avoir des personnes adaptées à toutes les situations et à des situations constamment renouvelées.

E & C : Renouveler le mode de management des talents, est-ce aussi élargir le vivier habituel ?

J.-M. P. : Oui, car les entreprises ne peuvent plus se permettre aujourd’hui d’avoir des talents ignorés. Elles ont besoin de talents plus divers pour constituer des équipes de direction plus créatives. Elles doivent donc élargir leur conception de ce qu’est un haut potentiel au-delà du modèle souvent privilégié : le jeune cadre de 30-35 ans issu d’une grande école, qui a bien réussi dans ses deux premiers postes et auquel on fait suivre des programmes bien spécifiques pour le préparerà une fonction de direction. Il faut passer à une recherche de talents sans a priori, l’élargir en particulier en termes d’âge. Avec l’allongement des carrières, il devient envisageable de détecter un haut potentiel à 50 ans et plus. Mais cela implique de valoriser l’expérience, sa diversité, de considérer que les bons parcours ne se font pas simplement par la mobilité externe ou de façon linéaire. Quelqu’un qui a suivi toute sa carrière dans une entreprise et en connaît bien les rouages peut très bien devenir un dirigeant très efficace à 50 ans. Cela implique aussi de mieux travailler sur les parcours, car un talent de dirigeant ne se révèle que dans des situations spécifiques. Pour résumer : il faut à la fois une vision large des talents et des outils permettant de les repérer.

E & C : Quels sont les outils qui permettent de mieux détecter les talents ?

J.-M. P. : À côté des outils classiques – entretien annuel, people revue, 360 ° –, on voit se développer des outils comme les mises en situation – ou assessment centers. On fait travailler les personnes sur un projet virtuel. Se révèlent au sein du groupe celles capables de faire avancer leurs idées. Cela peut permettre également de développer une coopération entre métiers, mais aussi favoriser des changements de métier : un technicien de production peut, par exemple, révéler une vision marketing exceptionnelle.

Les outils du Web 2.0 élargissent la capacité à identifier les talents ignorés. C’est par exemple le cas des réseaux d’échanges de bonnes pratiques, qui révèlent les salariés capables d’apporter des réponses, de comprendre les besoins d’autrui ou d’avoir des comportements coopératifs très forts. L’entreprise doit également s’intéresser aux réseaux sociaux externes. Un salarié est une personne complète. Avoir des implications associatives par exemple traduit des qualités et des compétences que l’entreprise doit connaître pour identifier des capacités à occuper des postes à responsabilité.

E & C : Quel rôle la fonction RH doit-elle jouer dans le renouvellement du management des talents ?

J.-M. P. : Les RH ont un rôle à trois niveaux. Premier niveau : créer les outils, former les managers et les salariés à leur usage et vérifier qu’ils sont utilisés conformément aux orientations stratégiques de l’organisation. Ils doivent aussi veiller à leur entretien et à prévenir leur obsolescence. À un deuxième niveau, la fonction RH doit avoir à la fois un rôle de veille et un rôle d’orientation. Elle doit mettre en place un système d’information très développé qui permette à chaque salarié de connaître les perspectives d’emploi. Mais elle doit aussi faire en sorte que chaque salarié ait accès à un RH de proximité pour évoquer avec lui ses possibilités d’évolution. La notion de RH de proximité, qui se développe depuis quelques mois, répond à ce besoin des salariés d’être informés sur leur carrière et leur évolution. À un troisième niveau, la fonction RH doit mener une veille externe, sur les réseaux sociaux, qui permet de compléter à la fois le travail accompli par le manager et les initiatives prises par le salarié. Un responsable RH ne peut pas se limiter à l’avis du manager et aux attentes exprimées par le salarié. Il doit avoir des systèmes de détection qui englobent tous les outils, notamment le Web 2.0

E & C : Quel est l’enjeu pour la fonction RH ?

J.-M. P. : La fonction RH s’est affirmée dans son rôle d’accompagnement stratégique, mais elle a aussi un rôle qui me paraît plus important : celui d’accompagnement du changement. Et celui-ci passe par une forte proximité avec les managers pour tout ce qui concerne la politique et la stratégie à l’égard des talents. Gérer les talents, c’est gérer “tous” les talents, de l’ouvrier au cadre supérieur. J’ajoute que le talent est quelque chose de très partagé : c’est 5 % de don, 95 % de travail. Or beaucoup de salariés qui fournissent des efforts pour développer leurs talents sont déçus de constater une absence de réciprocité : on ne les oriente pas, on ne cherche pas à les développer. Ils ne sont pas incités à progresser dans la pyramide des talents, qui va des compétences à l’expertise, la virtuosité et le génie. La fonction RH sera de plus en plus centrée sur ce développement des talents. L’un des défis pour les années qui viennent sera de remettre en marche l’ascenseur social dans l’entreprise.

* Journée organisée le 1er décembre 2011 à Paris par l’Anvie (organisme qui promeut les sciences humaines au service des entreprises). Programme et inscription sur <www.anvie.fr>

PARCOURS

• Jean-Marie Peretti, professeur des universités, est professeur à l’Essec Business School et à l’IAE de Corte, président de l’IAS (Institut international de l’audit social) et président d’honneur de l’AGRH.

• Il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles sur la gestion des ressources humaines et l’audit social, parmi lesquels Tous leaders (2011), Tous vertueux (2010), Tous talentueux (2008) et Tous DRH (2006, Éditions d’Organisation), dont la 4e édition, entièrement remaniée, paraîtra en décembre 2011.

• Il a dirigé L’Encyclopédie des diversités, ouvrage collectif rédigé par 160 auteurs, qui paraîtra fin novembre 2011 (éditions EMS).

LECTURES

• L’Entreprise irréprochable, Jean-Marc Le Gall, Desclée de Brouwer, 2011.

• Le Plaisir de travailler, Maurice Thévenet, Éditions d’Organisation, 2004 (2e édition).

• À La Recherche du temps perdu, Marcel Proust, Gallimard.

Auteur

  • VIOLETTE QUEUNIET